«Cette pétition est une marée montante». Sur le plateau de Cnews ce mercredi matin, l’ancien ministre Philippe de Villiers a annoncé le chiffre de 1,4 million de signatures pour sa pétition requérant un référendum sur l’immigration. L’initiative a reçu le soutien de plusieurs personnalités issues des rangs de la droite. «J’ai signé la pétition, et vous ?» s’est targué sur X le chef des députés LR à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, qu’ont également indiqué avoir signé Nicolas Dupont-Aignan, Éric Zemmour et Sarah Knafo.
Marine Le Pen a apporté un franc soutien à la démarche de Philippe de Villiers, disant partager avec lui «une inquiétude majeure à l’égard de la politique d’immigration depuis de nombreuses années». Sans pour autant la signer, la chef de file du Rassemblement national disant ne pas avoir besoin «d’aller signer une pétition car tout le monde sait ce que je pense de l’immigration».
Passer la publicitéMême écho du côté de Bruno Retailleau. «Depuis 10 ans, nous avons proposé avec François Fillon un référendum pour modifier la Constitution pour que ce soit le peuple qui tranche», a ainsi rappelé le ministre démissionnaire de l’Intérieur et président du parti Les Républicains, prenant également ses distances avec l’initiative de Philippe de Villiers. «Un ministre de l’Intérieur ne signe pas de pétition, et je n’ai jamais signé de pétition», a-t-il fait remarquer. D’autant que ce dernier connaît bien le sujet, s’étant essayé à plusieurs reprises ces dernières années à faire passer un référendum à ce sujet. Mais la démarche est complexe sur le plan constitutionnel, et très difficile à faire aboutir.
Bruno Retailleau veut réformer la Constitution
«On ne peut pas faire en France (...) malheureusement pour des raisons constitutionnelles (...) de référendum sur l’immigration», déclarait ainsi Bruno Retailleau dans une interview accordée à L’Opinion . Concrètement, le champ du référendum est strictement encadré par l’article 11 de la Constitution, limitant théoriquement les questions possibles à des enjeux sociaux et économiques. Le nœud étant que l’immigration, en tant que telle, n’en fait pas vraiment partie. «L’immigration qui est un sujet très vaste, peut concerner beaucoup de domaines de l’action publique, qui ne se rattachent donc pas seulement aux politiques sociales et économiques», illustrait à ce sujet l’ancien secrétaire général du Conseil constitutionnel Jean-Éric Schoettl auprès du Figaro en janvier dernier. Pour soumettre la politique migratoire à un référendum, il faudrait donc poser aux Français une question précise, portant uniquement sur l’aspect économique et social de l’immigration, et sans sortir du cadre constitutionnel.
Les Républicains avaient ainsi déposé une requête pour «redonner la parole aux Français en matière d’immigration» en avril 2024 via un Référendum d’initiative partagée (RIP), dont le champ est limité par l’article 11. Le texte reprenait des mesures de la loi «immigration» censurée en janvier de la même année, comme l’instauration d’une condition de durée de résidence de cinq ans pour le versement de certaines prestations sociales à des étrangers en situation régulière. La demande, qui avait recueilli le nombre nécessaire de signatures pour être transmise au Conseil constitutionnel, avait été censurée par l’instance des Sages au motif que les dispositions du RIP constitueraient une réforme relative à la politique sociale de la nation au sens du premier alinéa de l’article 11 de la Constitution. «Nous avons désormais la certitude que la lutte contre l’immigration passe par une réforme de la Constitution», avait alors conclu le ministre de l’Intérieur.
Existe effectivement une autre solution, défendue par la droite : celle qui consiste à passer par l’article 89 de la Constitution, pour modifier le texte et pouvoir élargir le champ du référendum. Mais cette modification doit en revanche être auparavant «votée par les deux assemblées en termes identiques», puis être soumise au référendum, ou bien à un nouveau vote du Congrès. Bruno Retailleau s’y était déjà essayé en décembre 2023 en plein examen du projet de loi immigration à l’Assemblée. Son texte prévoyait notamment d’élargir les conditions du recours au référendum de l’article 11. Mais sa proposition avait été rejetée par la Chambre haute, faute de soutien des centristes.
Initiative défendue jusque dans le camp macroniste
Passer par l’article 89 resterait encore peu probable aujourd’hui, faute de majorité dans les deux chambres. Il existe néanmoins un précédent de contournement du Parlement pour réviser la Constitution. En 1962, le général de Gaulle avait utilisé la voie référendaire de l’article 11 pour inscrire dans la Constitution l’élection du chef de l’État au suffrage universel direct, malgré une majorité de parlementaires contre cette réforme.
Passer la publicitéMarine Le Pen milite également depuis plusieurs années pour une révision de la Constitution. Dès 2021, quelques mois avant l’élection présidentielle, la chef de file du parti à la flamme avait déclaré vouloir inscrire dans le texte la notion de «priorité nationale», la primauté du droit national sur le droit international ou encore le référendum d’initiative citoyenne. Cette dernière souhaite donc soumettre une révision constitutionnelle aux Français via un référendum - ce que détaille la pétition recensée sur le site du Rassemblement national, intitulée : «Exigez un référendum immédiat sur l’immigration !»
Et cette proposition d’élargir le champ de la Constitution trouve des échos jusque dans le camp macroniste. L’an dernier, Yaël Braun-Pivet, présidente de l’Assemblée nationale, qui s’était montrée ouverte, dans un premier temps, à l’idée de soumettre par référendum la question des quotas migratoires, avait déposé une proposition de loi constitutionnelle pour modifier l’article 11 et élargir les référendums à « des questions plus ouvertes » sur des sujets « sociétaux ».