RECIT. Ligue 1 : la saison cauchemardesque de Montpellier, relegué après seize années dans l'élite

C’est sans doute l’anniversaire le plus triste de l’histoire de l’Hérault. Alors qu’il fêtait cette saison son cinquantenaire, Montpellier sera relégué en Ligue 2 à l’issue du championnat. Un tremblement de terre pour le MHSC, officialisé samedi 26 avril, après le nul du Havre face à Monaco à l'occasion de la 31e journée de Ligue 1. Ce coup d'arrêt est d'autant plus violent qu'inattendu après seize années passées à se pérenniser dans le championnat de France, sa plus longue présence ininterrompue dans l’élite.

Au passage, les Héraultais avaient marqué l'histoire du football français en devenant champion de France en 2012, trois ans après leur retour en L1, surtout en coiffant un PSG qui venait tout juste de changer de dimension avec l'arrivée des investisseurs qatariens. Treize ans plus tard, il ne reste plus rien de cet exploit. Après une saison particulièrement infernale, Montpellier est à terre, et va devoir se réinventer.

Un naufrage brutal

Au coup d’envoi de cet exercice 2024-2025, rien ne prédestinait pourtant le MHSC à ce calvaire. Le club héraultais pouvait s'appuyer sur un effectif composé de cadres expérimentés (Jordan Ferri, Téji Savanier, Wahbi Khazri, Benjamin Lecomte…), mais aussi de valeurs montantes (Joris Chotard, Akor Adams…). Une énième saison dans le ventre mou, loin des places européennes mais à l'abri de la zone rouge, semblait l'attendre. Après tout, son classement moyen depuis 2009 est la 10e place.

Spécialiste des statistiques, Opta avait projeté Montpellier au 11e rang au début de cette saison, en août, et estimait à 0,8% ses chances de finir dernier (soit autant que de finir sur le podium). Du côté des bookmakers, le club ne ressortait même pas parmi les six prétendants à la descente. Il faut dire qu'il n'avait jamais terminé une saison de L1 au-delà de la 15e place depuis sa remontée.

Zoumana Camara, Jean-Louis Gasset et Michel der Zakarian, les trois entraîneurs passés sur le banc de Montpellier en Ligue 1 2024-2025. (AFP et MAXPPP)
Zoumana Camara, Jean-Louis Gasset et Michel der Zakarian, les trois entraîneurs passés sur le banc de Montpellier en Ligue 1 2024-2025. (AFP et MAXPPP)

Si les prédictions statistiques se sont trompées, les chiffres de la saison, eux, traduisent la réalité d'un naufrage industriel. Dernier lors de 22 des 30 journées de Ligue 1, pire attaque du championnat, et pire défense, le MHSC n’a gagné que quatre matchs pour trois nuls et 23 défaites.

Dès le mois d'octobre, Michel Der Zakarian est limogé après un cinglant 0-5 encaissé à domicile face à l’OM. Le président Laurent Nicollin sort alors Jean-Louis Gasset (71 ans) de sa retraite, misant sur son expérience et sa connaissance des lieux pour tenter de redresser la trajectoire. "Je n'avais pas le droit de ne pas venir. Pas à Montpellier. Pas dans mon club. Je suis chez moi ici", se justifie Gasset, dont le père, Bernard Gasset, avait co-fondé le club en 1974.

Une santé financière précaire

Le fameux choc psychologique n’a toutefois pas lieu. En témoigne la piteuse élimination en Coupe de France face aux amateurs du Puy-en-Velay (0-4) fin décembre, marquée par la polémique autour des propos du capitaine et symbole du club Téji Savanier. Invectivé par un spectateur lui demandant si cela faisait "mal" d'être "dernier de Ligue 1", il avait rétorqué en plein match : "Quand tu touches 210 000 euros par mois, non". De quoi écorner l'image d'un club déjà à l'agonie sur le plan sportif.

Plombé par des blessures à répétition, qui ont notamment décimé sa défense toute la saison, Montpellier subit également la faillite de ses cadres, jamais au niveau. Le tout dans un contexte économique précaire, qui, après avoir brisé les dirigeants lors du mercato estival, les contraint à vendre leurs trois attaquants en janvier. "On a pris en compte l'aspect financier plus que l'aspect sportif", assume alors Jean-Louis Gasset.

Obligés de recruter malin - et pas cher -, les Pailladins rapatrient Andy Delort, auteur de 47 réalisations en 106 matchs avec le club entre 2018 et 2021. Résultat : aucun but pour l’international algérien, devenu indésirable trois mois plus tard et symbole de cette saison ratée. Le club a perdu tous ses matchs depuis sa première apparition fin janvier (11/11).

Le 16 mars 2025, l’enfer montpelliérain atteint son point culminant à l’occasion de la réception de Saint-Etienne. Alors que les Verts mènent 2-0, plusieurs incidents dont un incendie en tribune entraînent l’interruption puis l'arrêt définitif de la rencontre à la 57e minute. Plus tard, la Ligue de football professionnel décide d'entériner le score et de donner match perdu au MHSC.

Fataliste, Jean-Louis Gasset est remercié le 8 avril, quittant les lieux avec des derniers mots peu rassurants : "Il faut arrêter d'espérer. On est faibles, on ne marque pas un but, on prend des buts gag au bout de deux minutes de jeu. Ce n'est pas la fatigue, le physique ou le poids, c'est autre chose. Ça veut dire qu'on est mauvais et qu'on n'a pas notre place en Ligue 1, point barre". Cinq jours plus tard, le MHSC s’incline sur la pelouse d’Angers (0-2). Le président Laurent Nicollin vient alors régler ses comptes devant la presse.

"Il y a des gens, quoi qu’il arrive, leur histoire avec le club est finie. On va repartir sur des bases saines avec des gens sains, et pas des gens qui sont là juste pour leur gueule", tacle le président au micro de DAZN. "Il a dit ça ? Ok. Si notre président dit ça, je n'ai même plus envie de parler", réagit Jordan Ferri, quelques minutes plus tard, au même micro, matérialisant une fracture irrémédiable.

La Ligue 2 déjà dans toutes les têtes

Souvent vanté pour sa gestion familiale et son "esprit Paillade" - du nom du quartier de Montpellier où a été fondé le club -, le MHSC ne se fait alors plus d’illusions : la Ligue 2 arrive. "C'est très compliqué. On essaie de trouver des solutions mais c'est en vain. On a l'impression que rien ne veut marcher. Et puis on sent que les supporters ne sont plus avec nous, regrette Joris Chotard, enfant de la Paillade formé au club, dans une interview à Flashscore. C'est une identité qu'on perd actuellement. C'est une mentalité différente, tout ce qui a été construit est l'œuvre de cinq ou six personnes qui forment une famille. On est dégoûté de représenter l'équipe qui envoie le club en Ligue 2."

Cette gestion familiale, quasi anachronique dans le football contemporain, pourra-t-elle relever le MHSC ? Ce qui est sûr, c’est que les limites financières de ce modèle ont précipité cette chute. Depuis 2021, et la crise des droits TV après le retrait de Mediapro, la santé financière du MHSC n’a fait que se détériorer, avant que la crise actuelle autour des droits TV n’achève le club.

"On avait budgétisé 19,5 millions d'euros, on aura environ sept millions. Il nous manque 12,5 millions sachant qu'il en manquait déjà un peu, comme tous les ans", indiquait ainsi en début de saison le président Laurent Nicollin, au sujet des revenus issus des droits TV. Dans le même temps, ce dernier justifiait à L'Equipe [article payant] le coût de l'abonnement mensuel, au lancement de la chaîne DAZN, qui a fini par rétropédaler face au manque de souscriptions : "30 euros, c'est le prix d'un resto un vendredi soir". Six mois plus tard, le fils de Louis Nicollin s’est résolu à céder une partie du club de son père

"Cela fait un vendredi dans le mois, sur quatre, où tu ne vas pas au resto pour te payer ton abonnement DAZN. Tout est proportionnel."

Laurent Nicollin, le président du MHSC

à L'Equipe

Le 8 avril, le dirigeant prend finalement la décision de préparer l’avenir en Ligue 2. En ce sens, il nomme un jeune entraîneur : Zoumana Camara. À 46 ans, l’ancien défenseur accepte la mission, pour sa première expérience en tant que numéro un après avoir été adjoint de Laurent Blanc, Unai Emery et Thomas Tuchel au PSG.

"Quand tout va mal, tout va mal, c'est comme ça. Ça ne sert à rien de tirer sur l'ambulance. L'objectif numéro un, c'est de construire quelque chose de costaud pour la saison prochaine, et essayer d'avoir une équipe compétitive pour pouvoir remonter", justifie alors Laurent Nicollin. Le défi ne sera pas simple. La dernière fois que le MHSC était descendu à l’étage du dessous, il y avait passé cinq années.