REPORTAGE. "On n'a jamais connu une crise aussi brutale et vive" : l'inquiétude de la filière du cognac à propos des droits de douane envisagés par Donald Trump

L'arrivée du printemps ne suffit pas à donner le sourire à Guillaume Duluc. Le travail dans ses vignes prend une tournure désagréable cette année. "Nous sommes sur une parcelle de vigne que j'ai arrachée vendredi, raconte le producteur de cognac. La parcelle avait 40 ans, en pleine capacité de faire des très bons cognacs. Du fait de la crise actuelle, je suis obligé de l'arracher. Mais en tout, sur la propriété, nous avons prévu d'arracher trois hectares. Ce n'est pas une partie de plaisir."

Si les Etats-Unis imposent, à partir de mercredi 12 mars, des droits de douane sur l'acier et l'aluminium, alors que la prochaine étape, prévue pour début avril, doit concerner les produits agricoles. Cette menace de 25% de taxe d'entrées fait peur aux producteurs de cognac Charente, qui exportent la quasi-totalité de leur production de ce vin distillé.

Pour Guillaume Duluc, ces économies sont nécessaires pour conserver les six salariés employés à temps plein sur cette exploitation de 90 hectares à Bellevigne. La société ayant perdu presque la moitié de son chiffre d'affaires en trois ans, il fallait donc agir. "Le cognac, c'est toujours anticiper, explique le viticulteur. On plante pour produire dans sept ans, on arrache aujourd'hui pour être sûr que nos entreprises puissent passer la crise dans deux ou trois ans. On a connu des crises, mais jamais aussi brutale et vive."

Le viticulteur Guillaume Duluc devant une parcelle de vignes arrachées, mars 2025. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Le viticulteur Guillaume Duluc devant une parcelle de vignes arrachées, mars 2025. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

"Le moral est dans les chaussettes"

Le cognac, exporté à 97%, perd ses deux principaux marchés avec les États-Unis, qui se ferment en raison de la politique de Donald Trump, et la Chine, qui applique depuis octobre une surtaxe en représailles à la taxation en Europe des véhicules électrique chinois. "Les conséquences très concrètes pour la filière, ce sont des baisses d'expéditions en Chine très importantes et avec des pertes pour toute la filière de l'ordre de 50 millions d'euros par mois, explique Bastien Brusaferro, directeur de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac. Donc effectivement, le moral est dans les chaussettes."

Bastien Brusaferro, directeur de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac, mars 2025. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Bastien Brusaferro, directeur de l'Union générale des viticulteurs pour l'AOC Cognac, mars 2025. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Bastien Brusaferro appelle donc le gouvernement à s'impliquer rapidement. Les 4 500 producteurs charentais qui font vivre directement 15 000 personnes ne vont pas tenir longtemps. "De toute façon, il n'y aura qu'une chose qui nous permettra de sortir de la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, c'est de pouvoir réexpédier nos bouteilles. On ne s'en sortira que par la levée des taxes aux États-Unis, si demain il y en a, et en Chine également. C'est l'histoire du cognac. Le cognac est un produit qui est fait pour être exporté et il ne s'en sortira que par l'export de ses bouteilles sur les différents marchés." 

Au Salon de l'agriculture, François Bayrou a promis de se rendre en Chine quand les conditions d'une négociation seront remplies, mais depuis, aucune date n'a été avancée.