Les académiciens ont remis leur prix à l’auteure haïtienne pour Passagères de nuit, un roman dans lequel elle rend hommage à ses deux aïeules qui ont lutté pour leur liberté au XIXe siècle dans le Nouveau Monde, entre La Nouvelle-Orléans et Haïti.
Passer la publicité Passer la publicitéLe premier des grands prix d’automne vient de tomber ce jeudi 30 octobre. Il a été décerné à Yanick Lahens. L’auteure de Passagères de nuit (éditions Sabine Wespieser) l’a remporté au troisième tour de scrutin avec 11 voix contre 10 à Pauline Dreyfus pour Un pont sur la seine (Grasset). Elle faisait également face à Alfred de Montesquiou pour Le Crépuscule des hommes (Robert Laffont).
Le roman de Yanick Lahens, plutôt court mais d’une grande densité, exige une lecture lente. Son histoire repose sur deux narrations : Elizabeth est le personnage principal de la première partie et Régina, de la deuxième. Ce sont deux femmes puissantes qui sont nées dans une adversité telle qu’elles semblaient destinées à devenir soumises, et rien d’autre. Pourtant, Elizabeth et Régina sont éternellement liées dans ce livre par une même quête de liberté au XIXe siècle entre La Nouvelle-Orléans et Haïti. Ce faisant, elles deviennent un modèle pour l’écrivain, qui n’est autre que l’arrière-petite-fille et la petite-fille de ces deux héroïnes. Elle porte leur voix au-delà du temps, la voix de toutes les invisibles, sans jamais en faire des victimes.
Passer la publicitéLe Figaro littéraire avait eu ces mots élogieux dans son édition du 16 octobre dernier : « La démarche de Yanick Lahens est vitale et touchante. Elle n’a pu écrire cette histoire qu’avec son « matériau », c’est-à-dire une part de fiction et d’imaginaire, pour combler les « trous » du récit, les silences, les secrets, les masques, les mystères, les absences, les pages blanches des manuels d’histoire… Car l’histoire de l’esclavage est une histoire sans archives, ou presque. D’ailleurs, dès la dédicace, la romancière prévient : « Je vous ai inventées sur les sentiers du songe, imaginant aussi toutes ces femmes qui vous ont précédées, celles qui vous ont entourées : visages clair-obscur qui contemplaient les arbres, les eaux, les chrétiens-vivants, les bêtes et les Esprits. »
L’Académie couronne un roman, mais aussi une œuvre. Titulaire de la chaire « Mondes Francophones » au Collège de France, l’écrivaine Yanick Lahens a remporté en 2014 le prix Femina pour Bain de lune, son quatrième roman et son neuvième livre. Elle est l’auteure de treize ouvrages, dont un essai sur l’exil et de nombreux articles et nouvelles portant notamment sur la littérature et l’enfance haïtienne. Elle succède à Miguel Bonnefoy qui a remporté le Grand prix du Roman de l’Académie française l’an dernier avec Le rêve du jaguar (Rivages).
Avec cette récompense, dotée de 10 000 euros, les académiciens inaugurent la course finale aux grands prix. Dans quatre jours sera proclamé le lauréat du prix Femina, et dans cinq, ceux des prix Goncourt et Renaudot, décernés le mardi 4 novembre, chez Drouant.