Marine Le Pen : «Avec une ambition politique forte, fière et souveraine, la France saura être à la hauteur du défi de l’IA»
Quelques jours après l’annonce par Donald Trump d’un investissement record de 500 milliards de dollars dans le projet Stargate, la start-up chinoise DeepSeek provoquait un séisme économique et politique en présentant un modèle d’IA capable de concurrencer celui des Américains d’Open AI pour un coût 96% inférieur. Espoirs d’une IA moins coûteuse en open source d’un côté, doutes et soupçons quant aux réalités des chiffres et des performances affichées de l’autre… Ces rebondissements dans l’univers de la tech confirment en tout cas une réalité : la bataille technologique entre les États-Unis et la Chine sera l’un des grands affrontements stratégiques du XXIe siècle.
Dans cette lutte de titans, la France risque plus que jamais de devenir une simple spectatrice, condamnée à être dépendante des innovations et des infrastructures étrangères. Plutôt que d’y voir un champ d’opportunités, son discours vire trop souvent à la dévalorisation de soi. À cela s’ajoute une petite musique pessimiste, qui répète inlassablement que la France aurait pris un retard irrattrapable sur ses concurrents. Mais comment croire en nos forces quand ceux qui nous dirigent entretiennent eux-mêmes ce pessimisme ? L’inaction au sommet de l’État nourrit elle aussi l’idée d’un pays incapable de rattraper son retard : faute d’ambition et de volonté politique, le gouvernement a lui-même renoncé à croire en la capacité de notre pays à s’imposer dans cette course à la révolution technologique.
Je ne me résigne pas à cette situation. Parce que je crois au génie français. Parce que je sais ce dont nous, Français, sommes capables.
Lorsque les États-Unis et l’URSS s’affrontaient pour la conquête de l’espace, qu’avons-nous fait ? Avons-nous considéré que la partie était perdue d’avance ? Au contraire, nous avons répondu de la manière la plus ambitieuse et audacieuse qui soit, en développant le programme Ariane, qui a permis de garantir à la France et à l’Europe une indépendance stratégique dans l’accès à l’espace. C’est cette ambition et cette audace qu’il est aujourd’hui urgent de retrouver.
Regardons nos atouts en face. Nous avons une énergie abondante et décarbonée grâce au nucléaire. Nous avons des ressources en silice pour produire nos propres semi-conducteurs. Nous avons des start-ups de rang mondial, à commencer bien sûr par Mistral AI, des fleurons de haute technologie comme Thalès ou Sopra Steria, ou encore de solides acteurs du cloud computing comme OVH ou Clever Cloud. Surtout, nous avons des cerveaux parmi les plus brillants, formés dans nos grandes écoles et nos universités de renom.
Nous créerons des zones franches technologiques, pour endiguer la fuite de nos ingénieurs et chercheurs vers les États-Unis ou la Chine
Marine Le Pen
Si la France ne rivalise pas avec les États-Unis ou la Chine, elle a néanmoins tout ce qu’il faut pour s’affirmer comme une puissance importante. Il ne lui manque pour cela que la volonté politique. Cette volonté politique, nous la revendiquons. Nous portons quatre grandes propositions qui feront de la France un véritable acteur de la tech de demain.
Premièrement, il est indispensable d’abolir les barrières qui empêchent la synergie entre nos talents, nos entreprises et nos institutions. Si la recherche universitaire produit aujourd’hui des avancées majeures, celles-ci peinent à se transformer en applications industrielles. De leur côté, les entreprises, de la startup au grand groupe, manquent d’un cadre structurant pour accéder à ces innovations et les intégrer à leurs modèles économiques. Nous créerons donc des pôles régionaux d’intelligence artificielle, où chercheurs, industriels et pouvoirs publics travailleront ensemble de façon coordonnée. Inspirés du modèle néerlandais, qui a su structurer des écosystèmes performants en associant universités, entreprises et collectivités locales, ces pôles permettront de fluidifier les échanges et d’accélérer l’industrialisation des innovations. Chaque région développera ses propres spécialisations, adaptées à son tissu économique, afin que l’IA ne soit pas seulement une opportunité pour quelques grandes métropoles, mais un moteur de croissance et d’emplois sur tout le territoire.
Deuxièmement, pour que ces pôles puissent pleinement jouer leur rôle, il est indispensable que la France regagne en souveraineté technologique. Cela passe par une véritable réindustrialisation de notre pays, notamment sur la chaîne de valeur de l’IA. Aujourd’hui, nous dépendons massivement d’entreprises étrangères pour les semi-conducteurs, le cloud et la puissance de calcul. Sans maîtrise de ces éléments, nous resterons consommateurs plutôt qu’acteurs du progrès. C’est pourquoi nous créerons des zones franches technologiques dédiées aux industries stratégiques de l’IA : fabrication de microprocesseurs, centres de données souverains, production d’équipements spécialisés. Ces zones offriront un environnement fiscal et administratif allégé, des incitations à l’investissement et des infrastructures adaptées pour attirer les industriels et les talents. C’est seulement ainsi que nous pourrons endiguer la fuite de nos ingénieurs et chercheurs vers les États-Unis ou l’Asie, développer nos propres solutions et faire de l’IA un moteur de notre souveraineté économique.
Avec une ambition politique forte, fière et souveraine, la France saura être à la hauteur du défi technologique de ce siècle
Marine Le Pen
Troisièmement, parce que l’IA est une technologie mondiale, reposant sur des données et des modèles qui dépassent les frontières, avec des impacts économiques, sécuritaires et sociaux qui débordent le seul cadre national, ces défis exigent une régulation internationale intelligente. C’est pourquoi nous soutiendrons une réglementation au niveau de l’ONU, seule organisation capable d’établir un cadre commun garantissant la transparence des algorithmes, la responsabilité des acteurs et la sécurité des usages et des usagers. L’enjeu est non seulement d’éviter une surenchère normative, mais aussi de préserver notre capacité à innover. Si nous n’agissons pas, d’autres pays se développeront sans contraintes et imposeront leurs standards au reste du monde. Fixer des règles claires à l’échelle mondiale est donc une condition essentielle pour concilier innovation et protection des citoyens. Cela permettra à nos entreprises de se développer sans incertitudes juridiques tout en assurant un usage responsable de ces technologies.
Quatrièmement, il est crucial d’accompagner les Français dans cette transformation. Si nombre d’entre eux n’ont pas attendu pour se saisir des opportunités nouvelles offertes par les IA génératives, la manière dont l’IA transforme déjà notre travail, nos industries et notre quotidien en fait aujourd’hui une compétence essentielle, au même titre que les mathématiques ou les langues.
Nous entendons donc faire de l’Éducation nationale un pilier du développement des compétences en IA, afin que notre jeunesse maîtrise ces outils plutôt que de les subir. Nous développerons également un grand programme national de formation en ligne, accessible à tout âge, inspiré de l’initiative finlandaise « Elements of AI » : il s’agit de permettre à chacun d’acquérir les bases de l’intelligence artificielle de manière simple et accessible. Il est vital de démocratiser ce savoir pour éviter une fracture numérique entre ceux qui maîtrisent ces outils et ceux qui en sont exclus. Notre objectif est clair : donner à tous les moyens de comprendre et de s’adapter à cette révolution.
Le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle s’ouvrira la semaine prochaine à Paris, avec la présence de nombreux dirigeants du monde entier et d’acteurs de la tech de premier plan. C’est une bonne nouvelle pour notre rayonnement. Mais être au centre de l’attention ne veut pas dire être au centre du jeu. Sans vision claire pour notre souveraineté et sans actes forts, la France se contentera de jouer les maîtresses de maison.
Je suis intimement convaincue que notre pays mérite mieux que cela. Portée par l’excellence de ses talents, la qualité de ses savoir-faire et une audace qui a toujours fait partie de son ADN, la France a un avenir dans l’intelligence artificielle. Avec une ambition politique forte, fière et souveraine, elle saura être à la hauteur du défi technologique de ce siècle.