Haute couture printemps-été 2025 : notre coup de cœur pour les maisons On aura tout vu, Franck Sorbier et Germanier
À la semaine de la haute couture, 28 maisons ont présenté leur collection printemps-été 2025 du 27 au 30 janvier 2025. Pour prolonger le plaisir de cette semaine parisienne de la haute couture printemps-été 2025, voici le décryptage des collections des maisons On aura tout vu, Franck Sorbier et Germanier dont les créations sont empreintes de l'actualité.
Out Of This World proclame On aura tout vu
La maison parisienne On aura tout vu est réputée pour ses créations avant-gardistes et innovantes qui repoussent les limites de la mode en défiant les conventions de la haute couture. Fondée par Livia Stoianova, Yassen Samouilov et André De Sa Pessoa, elle s'est taillé une place distincte avec ses pièces visuellement saisissantes et extravagantes. Livia Stoianova et Yassen Samouilov fusionnent savoir-faire traditionnel et éléments modernes et innovants. Les deux directeurs artistiques habillent des stars pour les tapis rouges et les cérémonies de remise de prix et, au-delà de la mode, collaborent avec des compagnies de ballet pour créer des costumes et décors scéniques époustouflants mariant mode et art du spectacle. Ils ont aussi participé à des expositions et installations artistiques.
Pour la collection couture 2025 Out Of This World, la maison – qui depuis plusieurs années présente une fois par an en dehors du calendrier de la Fédération de la haute couture et de la mode – invite à un voyage extraordinaire au-delà des confins de l'imaginaire : "Un univers où la mode transcende les limites de la réalité, déployant des créations éthérées et extraterrestres pour une expérience cosmique et urbaine unique", indique la maison.
Le défilé s'ouvre sur des forces obscures, pourvues de têtes ornées de tentacules, qui essaient de s'emparer du globe terrestre. "Normalement, personne n'en est le propriétaire. Tout le monde devrait vivre en harmonie sur cette terre. L'idée était de faire un défilé hors de ce monde, de sortir de notre réalité, car il y a beaucoup d'anxiété", explique Yassen Samouilov. Les premiers looks sont tous noirs, puis se déclinent en couleurs "comme le rose Stabilo, celui de la vie en rose, puis le bleu, le blanc pour exprimer le côté positif et l'espoir. Peut-être que l'on arrivera avec ces bonnes énergies à changer la donne et apporter de la joie". Les chaussures sont le fruit d'une collaboration avec la maison Ernest.
Cette odyssée poétique est une invitation à explorer des dimensions inconnues via des silhouettes spectaculaires et des textures qui capturent l'éclat du cosmos. Inspirées par des formes "bioextraterrestres", elles sont brillantes, articulées, hérissées et veloutées parfois ornées de tentacules scintillant de perles et de pierres. "Les tentacules de ses formes extraterrestres sont faits avec des tiges brodées d'éléments upcyclés de jouets d'enfants pour apporter un côté positif et innocent." Lors du final à l'esprit festif, dans le cabaret du Paradis Latin, Jade Chantelle a interprété I Wanna Dance with Somebody, une chanson de Whitney Houston "pour apporter de l'espoir et changer un peu le monde, avant qu'elle ne s'envole dans les airs vers un monde meilleur", conclut, dans un sourire, Yassen Samouilov. Une parenthèse enchantée pendant laquelle le duo nous sort de notre quotidien morose grâce à sa couture festive.
Symphonie Barbare chez Franck Sorbier
Depuis la fin des années 1980, Franck Sorbier évolue dans le monde de la création et de la mode. Homme à part dans le sérail, membre de la Fédération de la haute couture et de la mode depuis 1996, il est labellisé couturier en 2005. De la haute couture, fleuron de l'excellence à la française, à la réalisation d'œuvres d'art, en passant par le prêt-à-porter de luxe ou des collaborations, il mélange les genres. Celui qui est entré en haute couture en métamorphosant des chutes de tulle, n'a de cesse d'inventer et de poétiser les matières simples, précieuses, toujours nobles, de la couture : la dentelle qu'il bouillonne ou cisèle, le tulle qu'il froisse ou cloque, le crin qu'il ébouriffe, la soie qu'il presse et compresse, sa "signature" depuis ses débuts.
Cette saison, celui qui aime les univers poétiques et puise son inspiration dans des rêves oniriques se penche sur l'actualité dans un show alliant musique, chant et danse. Sa collection baptisée Symphonie barbare est un hommage aux femmes israéliennes et palestiniennes du mouvement Women Wage Peace, des guerrières de la paix. Le défilé débute avec un homme noir, torse nu, vêtu d'un grand collier de dents et de griffes en argile et d'un short en patchs. Il est suivi de femmes tout de noir vêtues ou scintillantes dans des tons dorés et argentés en robes de soirée longues en organza, en patchwork ou en jacquard.
Elles sont remplacées sur scène par des "guerrières de la paix" en robes trapèze à pampilles ou sequins dans les tons gris et bleu marine avant de céder la place aux représentantes de la paix en robes de type néoclassique, en mousseline, satin ou organza, dans une palette claire. Une danseuse classique de l'Opéra de Paris et une chanteuse lyrique, la soprano Catherine Trottman, sont accompagnées sur scène de jeunes filles distribuant des branches d'olivier aux invités. Le couturier vient saluer en veste noire ornée du sigle Peace and Love. On a particulièrement aimé les matières mélangeant l'organique au métal, l'écorce à la roche, les noirs aux noirs, l'armure à la mousseline. Tout est ébouriffé, déchiré, froissé, les jacquards redécoupés ou rebrodés.
Les Globuleuses de Germanier
En septembre 2024, il défilait à la Paris Fashion féminine printemps-été 2025, cette fois-ci Kevin Germanier – après avoir présenté ses six dernières collections au calendrier prêt-à-porter féminin – est sur les podiums haute couture. Fidèle à son engagement en faveur du recyclage ou surcyclage, le Suisse basé à Paris est reconnu pour son utilisation innovante de matériaux recyclés depuis le lancement de sa marque en 2018. Il a signé les tenues spectaculaires du show de clôture artistique et musical Records des Jeux olympiques de Paris 2024, le 11 août 2024, marquant de son empreinte singulière de l'upcycling ce moment historique. "L'upcycling, ce n'est pas aller dans une friperie vintage et faire quelque chose avec un T-shirt, c'est faire vraiment avec les ordures", développe-t-il. L'as de la perle et de la couleur appartient à la jeune génération des designers décomplexés et éclatants qui font la notoriété de la nouvelle place de la mode parisienne depuis les JO. Désormais, il élargit son réseau d'ateliers à travers le monde pour mettre en lumière l'artisanat sous toutes ses formes.
Germanier a réussi son entrée en haute couture – son défilé était le dernier de la semaine – avec sa collection Les Globuleuses qui évoque la transformation d'une femme prisonnière de sa propre perfection jusqu'au jour où elle avale une perle qui s'infiltre dans son sang, danse avec ses globules et s'invite dans chaque recoin de son être. C'est la métamorphose et l'avènement d'une nouvelle identité. Désormais, les vêtements qu'elle porte sont faits d'une matière vivante : des tissus brodés de perles qui s'étirent, ondulent, changent de forme à chaque mouvement.
La femme Germanier est une sculpture vivante dans ses robes cousues et brodées à la main de perles colorées dans des associations de couleurs dignes des grands maîtres de la couture. Kevin Germanier a collaboré avec des artisans dans différents pays – en France, en Suisse, aux Philippines, au Kazakhstan et au Brésil – pour réaliser ces créations flamboyantes à partir de matériaux non conventionnels. Une véritable bulle de fraîcheur pour une mode recyclée, néanmoins très glam et fun, pour conclure cette intense semaine de la haute couture.