« Les appels au boycott des créateurs israéliens sont profondément inquiétants. » Nadav Ben Simon, président de la guilde des scénaristes israéliens, a exprimé mardi dans un communiqué sa crainte face à la décision de plus de 1 800 acteurs et réalisateurs de ne plus travailler avec les institutions cinématographiques israéliennes. Dans une lettre ouverte publiée lundi, de nombreux acteurs, réalisateurs ou producteurs appelaient à ne plus travailler avec des festivals, cinémas, diffuseurs et société de production coupables, selon eux, de « disculper ou justifier le génocide et l’apartheid » dans la bande de Gaza. Parmi les signataires, Emma Stone, Mark Ruffalo, Jonathan Glazer, Olivia Colman, Ayo Edebiri, Josh O’Connor, Cynthia Nixon ou encore Debra Winger. Ils déclarent vouloir « tout mettre en œuvre pour dénoncer toute complicité dans cette horreur implacable [...] en cette période de crise urgente, où nombre de nos gouvernements favorisent le carnage à Gaza. »
Des accusations que le patron du syndicat des scénaristes israéliens récuse, assurant que le milieu du cinéma est attentif à la cause palestinienne. « Depuis des décennies, les créateurs, artistes et conteurs israéliens [...] ont constamment donné voix aux récits palestiniens, aux critiques des politiques gouvernementales et aux diverses perspectives qui façonnent notre société, explique Nadav Ben Simon. Nous avons également collaboré avec des collègues palestiniens sur des films, des séries et des documentaires qui cherchent à encourager le dialogue, la compréhension mutuelle, la paix et la fin de la violence. »
Passer la publicitéDépendant des fonds publics
Selon le président de la guilde des scénaristes israéliens, les nombreux signataires de la lettre ouverte « ne font pas avancer la cause de la paix ». « Ils nuisent précisément à ceux qui s’engagent à favoriser le dialogue et à bâtir des ponts entre les peuples », poursuit-il. Malgré la pression, Nadav Ben Simon assure que les institutions israéliennes continueront à raconter des histoires destinées au grand écran « pour promouvoir le dialogue et œuvrer pour la fin de la violence et l’instauration d’une paix juste et durable pour tous ceux qui vivent dans notre région ».
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Il précise qu’il se joint personnellement à « l’appel urgent à la fin immédiate de la guerre et au retour sain et sauf de tous les otages dans leurs foyers et auprès de leurs familles ». Et détaille : « En Israël, boycotter les institutions sans affecter les créateurs est impossible. [...] La quasi-totalité des créations originales est soutenue par des fonds publics. Par conséquent, tout boycott des institutions israéliennes est inévitablement et directement un boycott de tous les créateurs et de toute la production artistique israélienne. »
« Les cinéastes israéliens ne sont pas leur gouvernement »
Nadav Ben Simon n’est pas la seule personnalité du monde du cinéma israélien à s’être exprimé au sujet de la lettre ouverte. Merav Etrog Bar, de la guilde des réalisateurs israéliens, a envoyé une déclaration conjointe avec Lior Elefant, du forum documentaire israélien, au Guardian dans laquelle les deux hommes expliquent que « les cinéastes israéliens ne sont pas leur gouvernement ». « Nous sommes tenus responsables de ses actes et nous nous trouvons pris entre le marteau et l’enclume, regrettent-ils. Outre les nombreuses victimes directes, la guerre à Gaza étouffe également les collaborations internationales dans la culture et le cinéma israéliens. Le boycott se fait sentir depuis un certain temps et, malheureusement, il ne fait que s’intensifier. »
Cet appel au boycott est profondément malavisé
Association des producteurs israéliens
De son côté, l’Association des producteurs israéliens a déclaré dans un autre communiqué que les signataires de la lettre ouverte « visent les mauvaises personnes ». « Nous sommes les principales voix permettant au public d’entendre et d’observer la complexité du conflit, notamment les récits palestiniens et leurs critiques des politiques de l’État israélien », souligne-t-elle. Et d’ajouter : « Cet appel au boycott est profondément malavisé. En nous ciblant, ils sapent leur propre cause et tentent de nous réduire au silence. Cet acte vise précisément à anéantir les efforts collaboratifs visant à mettre fin à la violence et à instaurer la paix. »
Nombreuses pétitions depuis le 7 octobre
« La plupart d’entre nous sommes opposés à cette guerre. Mais nous n’en faisons pas assez. Il faut faire tout ce qui est en notre pouvoir pour forcer le gouvernement israélien à mettre fin à cette horrible guerre. [...] Nos films seront également touchés, mais le prix à payer pour commencer à guérir cette région ensanglantée en vaut la peine. », estime de son côté, Avigail Sperber, cinéaste israélienne de renom.
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Passer la publicitéDe nombreuses lettres signées par des personnalités du cinéma, de la musique ou de la littérature ont été publiées depuis le 7 octobre et l’attaque menée par commandos du Hamas infiltrés dans le sud d’Israël. Fin août, le collectif de cinéastes italiens Venice4Palestine avait exhorté le festival de la ville à « adopter une position claire et sans ambiguïté » contre les actions d’Israël, leur lettre récoltant 2 000 signatures dont celles de Guillermo del Toro ou Ken Loach. À Cannes, 900 personnalités du monde du cinéma ont signé une pétition pour dénoncer le « silence » sur le « génocide » à Gaza, dont la présidente du jury Juliette Binoche, Pedro Almodovar, Joaquin Phoenix ou Susan Sarandon.