«Un homme de confiance», serviable et gentil : qui était Aboubakar Cissé, assassiné dans une mosquée du Gard ?
«C’était un modèle pour nous tous et il a été sauvagement assassiné.» La gorge serrée, Djibril Cissé rend hommage à son cousin Aboubakar, lardé de plusieurs coups de couteau dans la mosquée de La Grand-Combe, dans le Gard, vendredi matin. Avec plusieurs membres de sa famille, ils se sont rassemblés ce mardi midi à l’Assemblée nationale, sous l’impulsion de la députée Écologiste et Sociale des Hauts-de-Seine Sabrina Sebaihi, pour dénoncer la «haine lâche, raciste et islamophobe» qui s’est abattue sur le jeune homme de 22 ans.
Aboubakar Cissé a quitté son village de Yaguine au Mali en 2017 pour rejoindre ses parents et une partie de sa famille installés à Paris. Guidé par une association de demandeurs d’asile, il s’est finalement dirigé vers le sud de la France, d’abord à Bessèges dans le nord du Gard avant de s’installer à La Grand-Combe, indiquent ses oncles et cousins avec qui Le Figaro a échangé. Là, il s’est inscrit au lycée professionnel privé Pasteur pour passer un CAP menuiserie et fréquentait assidûment la mosquée du village.
Colère et incompréhension
«Ici, tout le monde le connaissait, à la mosquée comme dans la rue. Aboubakar disait bonjour à tout le monde, demandait des nouvelles de chacun», sourit Issa, un fidèle. Le jeune homme était extrêmement impliqué dans la vie du lieu de culte car, malgré sa grande sociabilité, il était assez isolé, nous rapporte-t-on. «Il habitait seul, dans des appartements qu’on lui prêtait. Il était un peu dans le besoin et sa famille était loin de lui», poursuit Issa.
Le jour du drame, un vendredi, Aboubakar Cissé était en train de nettoyer la mosquée avant le début de la grande prière. C’est là qu’un homme s’est approché de lui, s’est agenouillé avec le bénévole pour prier avant de se relever soudainement et de poignarder sa victime, encore au sol, à une quarantaine de reprises, notamment au torse et à l’abdomen. Il a ensuite sorti son téléphone et filmé la victime en train d’agoniser. Dans sa vidéo, le meurtrier s’est félicité de son acte tout en insultant la religion musulmane : «Je l’ai fait, (…) ton Allah de merde.»
«C’était un homme de confiance et très serviable, c’est d’ailleurs pour cela qu’on lui avait confié les clés de la mosquée», souligne Djibril Cissé. Un autre cousin, Yoko Cissé, insiste sur «l’extrême gentillesse» de la victime. «Il était très important pour nous.» Si la famille tente de faire son deuil sereinement, elle ne peut s’empêcher de laisser éclater sa «colère». «Tuer quelqu’un qui ne t’a rien fait, dans une mosquée, le filmer, c’est inadmissible», rage Mamedy Dabo, un oncle d’Aboubakar. À l’unisson, ils dénoncent un acte «terroriste, raciste et islamophobe. Son seul tort était de se trouver dans une mosquée et d’être musulman». Les fidèles de La Grand-Combe se sentent quant à eux submergés par ce «drame atroce» pour lequel ils regrettent de n’avoir eu «aucun soutien de la part des représentants politiques».
«Deux poids, deux mesures»
Le meurtrier présumé, Olivier H., 21 ans, a été interpellé en Italie après plus de 48 heures de traque. Lors d’un premier interrogatoire, il a nié avoir agi par haine de l’islam. Selon son avocat local Giovanni Salvietti, il a expliqué avoir été pris d’une pulsion meurtrière et «avoir tué la première personne qu’il a trouvée sur son chemin». Une version qui ne semble pas convaincre les avocats de la famille de la victime, Mes Mourad Battikh et Sara Benlefki. Sur BFMTV, le premier a jugé «absolument choquant» que le parquet national antiterroriste (Pnat) ne se soit pas saisi de ce dossier.
«Avec la vidéo que j’ai pu voir, il ne m’a pas fallu longtemps pour comprendre que c’était un acte terroriste (…) Mettez-vous à la place des fidèles, qui ont le sentiment que ce “deux poids, deux mesures” se matérialise un peu plus chaque jour, c’est absolument choquant.» De son côté, Me Benlefki contactée par Le Figaro dénonce un «traitement scandaleux au regard des faits et des éléments probants. Quel que soit le lieu de culte, la prise en charge devrait être la même par les autorités et les politiques.» La porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, a fermement contesté le «deux poids, deux mesures» dans la réaction du gouvernement.
La famille d’Aboubakar Cissé attend que «la vérité soit rétablie et que justice soit faite». Olivier H. doit être présenté ce mercredi matin à la Cour d’appel de Florence, en Toscane, afin d’organiser sa remise à la France. Une fois extradé, il sera présenté à un juge d’instruction en vue de sa mise en examen dans le cadre de l’enquête ouverte pour «meurtre aggravé par la préméditation et la circonstance de commission à raison de la race ou de la religion».