«C'est une évolution naturelle», Fabien Galthié explique son choix d'écarter certains cadres du XV de France
Vous vous passez de plusieurs cadres - Fickou, Ollivon, Danty… -, est-ce le début d'une nouvelle ère ?
Fabien Galthié : Je parlerai plutôt de continuité et d'émulation. D'un groupe France qui se dirige vers ce match en ayant la chance, grâce à l'accord avec la Ligue, de retravailler à 42. Cette première composition, c'est l'équipe qui nous semble la plus en forme de moment. La notion de vécu importe, mais il y a surtout une émulation, des joueurs qui poussent, la concurrence pour rentrer dans le XV de France ou dans les 23.
Vous ne parlez donc plus de joueurs premium ?
Effectivement, on peut parler d'un groupe France qui part sur une base élargie. On a la chance de profiter de l'excellent travail des clubs, d'un championnat très dur, très relevé. La règle des Jiff pousse les meilleurs jeunes français à émerger, à se développer. Ils arrivent ici avec un niveau de maturité déjà consistant. Donc ça crée de l'émulation avec les joueurs avec lesquels on a voyagé pendant cinq saisons. Des joueurs sur lesquels on compte, attention ! Il y a une rotation, une saine émulation mais clairement, pour avoir échangé avec ces joueurs concernés par ces cinq années passées ensemble, même s'ils sont finisseurs, même s'ils ne sont pas sur la feuille de match, on compte sur eux. On a besoin d'eux, de leur vécu pour voyager dans notre vision à trois ans. On veut conserver nos meilleurs joueurs de ces cinq dernières années. Mais, pour cela, il faut qu'ils puissent se régénérer, se préparer, pour continuer à progresser. Et non stagner voire baisser, car ils ont une telle charge de match, de préparation émotionnelle, qu'à un moment, ils ne gèrent qu'un état physique, qu'un état psychologique. Or nous, on veut qu'ils se préparent et continuent à progresser. On pense que, quel que soit leur âge, ces joueurs qui ont beaucoup de vécu avec nous peuvent encore capitaliser sur leur potentiel. Pour revenir sur la feuille de match prochainement bien sûr.
Mais vous disiez que l'équipe de France, ce n'était pas Koh-Lanta…
Et je le maintiens. L'équipe de France, ce n'est pas Koh-Lanta. Mais j'ai toujours dit aussi qu'on poussait tous les joueurs à venir chercher ce maillot, avec cette vision à trois ans. Mais les joueurs qui ont passé ces cinq années avec nous sont toujours en capacité de jouer, de venir, demain, reprendre le maillot. Ce n'est pas une rupture mais une évolution naturelle. Avec des joueurs qui poussent, qui se révèlent en Top 14, qui se sont révélés avec nous. Il n'y a pas de zone de confort en équipe de France. Si on parle de Gaël (Fickou), s'il a disputé tant de matchs comme titulaire, ce n'était pas un cadeau mais parce qu'il le méritait. Et être dans les 23, ce n'est pas déclassement. Je vous parle d'une équipe de France qui se dirige sur le chemin menant à la Coupe du monde, pas d'un projet individuel. C'est un projet collectif, on est très clair sur ce point avec les joueurs. Et les joueurs sont alignés avec nos décisions. Après, comme ce sont des compétiteurs, des champions, je suis sûr qu'ils vont nous montrer qu'ils sont toujours là. C'est déjà le cas à l'entraînement. Je peux vous dire qu'il y a une grande qualité dans l'engagement et dans la qualité de chacun. Ils sont en course. On ne parle pas d'eux à l'imparfait. Pas un de ces joueurs est sur une voie qui ne mènerait plus à l'équipe de France.
Cela signifie qu'il peut y avoir des changements dans les 23 pour le test suivant, face aux All Blacks ?
Sur le principe, c'est un environnement dans lequel tout le monde peut jouer. On ne peut pas fermer une porte à quelqu'un. Tout le monde doit penser qu'il peut jouer. Après, il faut regarder notre histoire, notre vécu commun, et voir qu'il y a quand même une cohérence dans l'enchaînement des matchs. Le match contre les All Blacks ne sera que le deuxième rendez-vous de notre saison. Eux, ils ont commencé leur saison en juin. Ils terminent leur sixième mois de vie ensemble, ils joueront leur 13e ou 14e match. On n'a pas le même calendrier. On doit aussi gérer des impératifs d'expérience collective, de vécu commun. Et ça compte énormément dans notre composition d'équipe…
Comment Fickou ou Ollivon ont-ils vécu vos choix ?
J'échange très en amont avec les joueurs sur les tendances, les options du moment. Je partage avec la volonté qu'ils comprennent et qu'ils acceptent. Mais il y a une telle confiance, un tel respect entre nous que ça me gêne toujours un peu de voir de quelle manière est traité (par les médias, NLDR) un joueur qu'on sort du groupe… J'ai une grande admiration pour Gaël et ses 90 sélections. La façon dont il maintient son niveau de performance. J'ai une grande admiration pour la façon dont Charles Ollivon est revenu de ses blessures. Je peux en citer d'autres. Nous avons beaucoup de considération pour ces joueurs. Nous comptons sur eux. Ils savent qu'on compte sur eux. Et ils vont revenir.
Pour quelles raisons avez-vous préféré associer Antoine Dupont à Thomas Ramos plutôt qu'à Matthieu Jalibert à la charnière ?
En premier, c'est le talent, le niveau de jeu. Ensuite, un des facteurs clés du succès, c'est le vécu collectif. C'est l'un des critères essentiels pour gagner. Dans l'adaptation et la recherche de performance, on prend d'abord les joueurs les plus performants du moment. Le niveau de cette charnière s'impose donc naturellement en titulaire… Bien sûr, Matthieu Jalibert compte pour nous. Il est avec nous depuis cinq ans, il performe en club. On compte sur lui.
Mais, à l'inverse, Moefana et Gailleton sont associés au centre pour la première fois…
La performance du moment, l'état de forme du moment. Yoram (Moefana) a du vécu avec nous et Émilien (Gailleton) est rentré dans le groupe depuis quelque temps. Il travaillait déjà avec nous quand il était capitaine des U20, il a fait la préparation de la Coupe du monde avec nous. Il ne découvre pas l'environnement de l'équipe de France. Yoram, lui, est depuis 2021 souvent utilty back. Il a été replacé en 12 dans son club et il est et très performant. Il est intéressant de voir cette nouvelle association. Comme l'équipe de France joue peu, on a peu d'occasions pour essayer de développer de l'expérience collective.
En l'absence de Fickou, qui sera le capitaine de la défense ?
Au niveau auquel on joue, on n'a pas trop le temps de parler sur le terrain. Gaël est toujours notre capitaine de la défense, il construit notre stratégie avec Shaun Edwards. Mais il y a des joueurs capables d'assurer un rôle de régulateur, de décideur, notamment Yoram et Émilien. C'est le régulateur de l'équipe de Pau. Il a déjà affiché cette compétence-là avec nous.
Doit-on conclure de cette composition d'équipe que vous souhaitez un jeu plus tourné vers l'attaque ?
La volonté de faire évoluer notre jeu est permanente. On est dans un univers où, si on fige les choses, alors on n'avance plus. On a besoin de trouver quelques clés pour faire évoluer notre jeu afin d'avoir l'initiative sur les défenses. On est dans un environnement où tout le monde s'observe, construit des stratégies pour étouffer les points forts adverses. Il y a toujours un plan. Il faut donc être en capacité de s'adapter.
Avez-vous fixé une obligation de résultat sur cette tournée de novembre (Japon, Nouvelle-Zélande, Argentine) ?
On est n°4 mondial, à 79% de victoires depuis 2020, avec un enchaînement de trois adversaires en France. La performance c'est la finalité : chercher à battre nos adversaires. Il y a cette nécessité, cette envie très claire chez nous, qu'on affiche mais avec beaucoup d'humilité.
Que pensez-vous de cette équipe du Japon qui gagne peu ?
C'est vrai que c'est une équipe qui n'a pas énormément gagné. Mais, quand on décortique ses matches, la première des choses que l'on remarque, c'est la vitesse de son jeu. C'est l'équipe qui impose le mètre par minute le plus élevé, ils sont au-dessus de 120 mètres par minute. Ensuite, ils ont un rugby très structuré stratégiquement. Ils adorent porter le ballon et jouer devant la défense. Avec des gros-porteurs de balle. C'est donc une équipe en capacité de performer. Mais c'est un moment important pour nous. C'est notre premier rendez-vous de la saison, on retrouve le Stade de France, notre public. Dans notre volonté de partager et de rassembler, c'est un moment très agréable et très fort. On s’y prépare avec beaucoup de passion.
Propos recueillis en conférence de presse