Soutien de Buzz Aldrin à Donald Trump :«La conquête spatiale reste importante pour les Américains»

Diplômé en Droit public et en Études politiques, Christophe Maillot, membre de la haute fonction publique territoriale, a publié un excellent «JFK et la course à la Lune (Lancement d’une aventure américaine)» aux éditions des 3 Colonnes.


LE FIGARO.- Buzz Aldrin, 94 ans et dernier héros vivant de la mission Apollo 11, a appelé à voter Donald Trump . Est-ce que cela vous surprend ?

Christophe MAILLOT.- À vrai dire, Buzz Aldrin avait fait preuve de davantage de retenue récemment. On se souvient en effet que Georges W. Bush avait marqué l'Histoire spatiale américaine avec sa « Vision for Space Exploration » en 2004 et, surtout, son Programme Constellation en 2006 qui signait le retour d'une grande ambition : impulser à nouveau des missions habitées vers la Lune et vers Mars.

Sur le prétexte, principalement, des coûts trop élevés engendrés par le Programme, Obama avait annulé Constellation en 2010, pour lui préférer une extension de la durée de vie de l'ISS et l'envoi de sondes automatiques pour explorer l'univers. À l’époque, Neil Armstrong, et deux autres astronautes du Programme Apollo, Jim Lovell et Eugene Cernan, avaient alors qualifié la politique spatiale d'Obama de « dévastatrice ». Alors que Buzz Aldrin avait, lui, employé un ton plus mesuré. Cela n'en donne aujourd'hui que plus de relief à son soutien en faveur de Trump.

La conquête spatiale est-elle toujours un argument qui compte dans une campagne électorale américaine ?

Non, loin de là. Même lors de la mythique campagne de 1960 entre John F. Kennedy et Richard Nixon, il ne s'agissait pas d'un thème central. La « Nouvelle Frontière » de Kennedy concernait en effet cette thématique, mais aussi celles de l'économie et des droits civiques par exemple.

Ce n'est que sous le choc du vol de Gagarine en avril 1961, auquel s'ajoute au même moment celui du fiasco de la Baie des Cochons, que Kennedy, sous la pression d'ailleurs de son Vice-Président Lyndon Johnson, se lance dans la conquête lunaire pour redonner un peu d'air à un début de Présidence difficile.

Nixon, sous la Présidence duquel les Américains feront leurs premiers pas sur la Lune, abandonnera ensuite les missions habitées en 1972, pour leur préférer le lancement du Programme de la navette spatiale. Un peu d'ailleurs dans l'indifférence générale, tant les Américains commençaient alors à se lasser de voir leurs compatriotes se rendre sur la Lune. Cela n'avait à l'époque pas empêché Nixon de remporter une victoire historique à la présidentielle de 1972.

L'espace constitue donc une thématique importante, sans revêtir pour autant le caractère d'une thématique prioritaire, même au cœur des années 60.

Trump, Musk, Aldrin, … La conquête spatiale est-elle désormais l'apanage des Républicains ?

Pas complètement tout de même. En effet, Trump avait certes, durant son premier mandat, avec le Programme Artémis fixant à nouveau l'objectif de missions habitées vers la Lune et Mars, cassé l'inflexion d'Obama. Cela étant, dès le début de l'année 2021, juste après son élection, Biden avait repris le Programme Artémis à son compte. Il apparaît cependant que Trump, avec l'appui de Musk et désormais très symbolique d'Aldrin, se prévaut beaucoup plus efficacement de la thématique spatiale que Kamala Harris, très silencieuse sur la question. Alors même qu'elle n'a absolument pas à rougir, puisque Biden a été très volontaire sur la politique spatiale.

Vous avez écrit un livre sur JFK et la conquête de la Lune. Comment les Américains perçoivent-ils la conquête de l'espace ?

La conquête spatiale reste importante pour les Américains. Au même titre que la conquête de l'Ouest au XIXème Siècle, la conquête spatiale aux XXème et XXIème intègre ce qu'ils considèrent être leur fameuse « Destinée manifeste » : cette particularité très spécifique de leur Nation les appelant à toujours se fixer de nouveaux objectifs, se dépasser, rebondir.

Négliger la conquête spatiale reviendrait donc à nier une partie de ce que les Américains portent en eux comme une identité nationale profonde. Et ce quand bien même beaucoup d'entre eux la trouvent trop dispendieuse.

La mission Artémis 2 en 2025, qui enverra quatre astronautes autour de la Lune, trois Américains et un Canadien, puis la mission Artémis 3, qui enverra en 2026 des Américains et un Japonais se poser sur notre satellite, va renforcer l'intérêt. Surtout que la Chine annonce, elle, vouloir faire atterrir un équipage sur l'astre lunaire d'ici 2030. Les enjeux, à ce titre, tant géopolitiques, militaires, économiques qu'en termes d'images, seront colossaux.

«JFK et la course à la Lune - Lancement d'une aventure américaine», de Christophe Maillot, Les 3 Colonnes, 24 euros