«On ne fait jamais de bonnes affaires avec les meurtriers» : la presse ukrainienne sceptique vis-à-vis des négociations à venir

«On ne fait jamais de bonnes affaires avec les meurtriers» : la presse ukrainienne sceptique vis-à-vis des négociations à venir

Certains articles pointent le fait qu’un compromis ne mènera pas nécessairement à la fin de la guerre. Kevin Lamarque / REUTERS

REVUE DE PRESSE - Après la décision prise conjointement par Donald Trump et Vladimir Poutine de négocier pour mettre un terme à la guerre en Ukraine, les médias ukrainiens expriment leur scepticisme.

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«Si l’un d’entre vous espérait que le président américain Donald Trump se montrerait dur envers Vladimir Poutine, désolé de vous décevoir», écrivait l’éditorialiste du journal libéral ukrainien Kyiv Independant vendredi dernier. Alors que Donald Trump a évoqué avec Vladmir Poutine l’ouverture «immédiate» de négociations de paix sur l’Ukraine pouvant se tenir en Arabie saoudite, le président Zelensky a été contraint d’en acter le principe. Sans savoir quel niveau de concessions lui sera demandé.

Face à ce coup d’accélérateur diplomatique sur le dossier ukrainien, les journaux du pays expriment leurs doutes, parfois leurs craintes. Le Kyiv Independent dresse un tableau lucide et amer des événements : «Trump et son équipe ont ramené Poutine à la table des négociations, balayé l’option d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN et ont déclaré qu’un retour aux frontières d’avant l’invasion était irréaliste.» En d’autres termes, poursuit le journaliste «ils ont donné à Moscou exactement ce qu’il voulait avant même le début des négociations». Le journal en ligne pro-européen Ukrainska Pravda  s’interroge toutefois sur la lucidité des Américains : «Est-il bien clair de l’autre côté de l’océan que cette fois-ci, la Russie va revendiquer plus que la seule Ukraine ?» Avant de poursuivre : «Sauver le monde n’a jamais été un business. On ne faisait jamais de bonnes affaires avec des meurtriers.»

«Le monde ne doit pas oublier que c’est Moscou qui est l’agresseur»

Que la Russie soit considérée comme un négociateur placé sur un pied d’égalité avec l’Ukraine hérisse la presse. «Même si Kiev doit faire des compromis avec l’agresseur, le monde ne doit pas oublier que c’est Moscou qui est l’agresseur, lit-on, toujours, dans l’Ukrainska Pravda . Si les Russes contrôlent une partie du territoire ukrainien, le monde ne doit pas oublier que ces terres ont été illégalement occupées par la Russie.» Le média indépendant Hromadske  tente de se rassurer sur ce point avec le fait que Trump «parle aussi avec Zelensky». «Le président américain souligne que l’Ukraine souhaite un accord de paix, précise-t-il, et tient la Russie pour responsable de la poursuite de la guerre.»

Plusieurs médias relèvent la demande d’accord sur les minerais ukrainiens qui constituerait selon les Américains un «remboursement» pour l’aide fournie à l’Ukraine. Dans une tribune publiée dans le journal anglophone basé en Ukraine Kyiv Postintitulée «La liberté n’est pas une transaction», l’auteur affirme que «ce qui peut sembler une transaction raisonnable – du matériel de défense contre des minéraux – que l’on pourrait conclure avec n’importe quelle nation du monde en temps de paix, n’est pas envisagée dans des circonstances ordinaires». En effet, «l’Ukraine se bat pour sa survie». Et le journaliste de poursuivre: «Les idées de liberté ne sont pas des jetons dans un jeu commercial. Dans un monde toujours prêt à se désintégrer dans la barbarie, nous devons établir un mécanisme de gouvernance essentiel qui soit enraciné dans un cadre moral.» L’éditorial du Kyiv Independent décrit la situation en des termes moins philosophiques : «Trump tente d’utiliser la vulnérabilité d’un allié malmené pour lui prendre quelque chose.»

La majorité des Ukrainiens en faveur d’une négociation

Toutefois, si les médias critiquent les dernières avancées diplomatiques, un le sondeur Michael Ashcroft affirme dans l’hebdomadaire libéral Kviv Post , que «le pays accepte de plus en plus l’idée qu’un règlement devra être négocié plutôt que résolu sur le plan militaire». «Seules trois personnes sur dix estiment qu’il est possible pour l’Ukraine de récupérer l’intégralité du territoire annexé par la Russie et que le pays doit se battre jusqu’à ce qu’il y parvienne», développe-t-il.

Le Kyiv Independent ne dit pas le contraire : «Personne ne souhaite plus que les Ukrainiens la fin de cette guerre. Ce sont nos maisons qui sont attaquées par des drones chaque nuit. Ce sont nos amis qui meurent au combat. C’est notre jeunesse qui a été volée par cette guerre.» Toutefois, l’éditorialiste se dit persuadé «qu’un compromis avec la Russie ne mettra pas fin à cette guerre». Il poursuit, à l’adresse des chefs d’État européens, en discussion aujourd’hui même : «Il ne peut y avoir de compromis dans cette guerre. La Russie gagne, l’Occident perd. L’Occident gagne, la Russie perd. Europe, c’est le moment d’agir !»