Flottes automobiles : les indemnités kilométriques sont-elles de retour ?
Question iconoclaste : face à la forte et brutale hausse de la fiscalité sur les véhicules d’entreprise, les sociétés ne vont-elles pas tenter de revenir aux indemnités kilométriques (IK), une pratique courante il y a plus de vingt ans ? Cette interrogation émerge, notamment auprès des petites et moyennes entreprises, alors qu’outre les taxes à l’immatriculation (malus, taxe au poids, etc.), la hausse de la valorisation des avantages en nature (AEN) incite les entreprises à reconsidérer leurs stratégies de mobilité. Une demande qui pourrait également venir de la part des collaborateurs. Car cette augmentation des AEN, passant de 30 à 50 % à partir du 1er février 2025, pourrait faire augmenter l’impôt sur le revenu des personnes ne roulant pas dans un modèle électrique écoscoré. Et donc inciter les entreprises ou les collaborateurs à se tourner vers le véhicule personnel. « L’abandon du véhicule d’entreprise pour être remplacé par celui du collaborateur est un risque que nous avions soulevé lors de notre échange avec les pouvoirs publics, indiquent Sarah Roussel et Anne-Claire Forel, respectivement présidente et directrice générale du SesamLLD, le syndicat des loueurs longue durée. Mais pour l’instant, nous n’observons pas de signal dans ce sens car le véhicule de fonction reste notamment un outil de ressources humaines pour séduire les meilleurs profils. » Un avis que partage Nicolas Fragne, fondateur de Yooliz, société de courtage en location longue durée : « Nous avons quelques clients qui se posent la question, mais un retour en arrière paraît assez difficile. Repasser en IK obligerait les collaborateurs à s’endetter pour acquérir un véhicule, ce qui aurait des conséquences sur leur pouvoir d’achat. »
En outre, la voiture de fonction assure plusieurs rôles. « Elle contribue à l’image de l’entreprise. Elle règle les problèmes de disparités entre collaborateurs, ceux liés à l’entretien ou la sécurité », énumère M. Fragne. « Imaginez que la voiture du collaborateur est en panne, immobilisée au garage alors qu’il a une mission à réaliser », interrogent Sarah Roussel et Anne-Claire Forel. Enfin, malgré une fiscalité sans cesse changeante, la voiture de fonction permet au dirigeant d’avoir une visibilité sur le coût de la mobilité de son entreprise.
Des commandes en berne
Si ces évolutions fiscales bousculent les entreprises, elles entraînent également une baisse du marché automobile. « N’oublions pas qu’une voiture sur deux est achetée par un professionnel, dont 62 % en location longue durée. Les ventes à professionnels alimentent le marché de l’occasion à horizon trois ou quatre ans, avec comme principal avantage le verdissement du parc », rappelle le syndicat SesamLLD. Or, tous les professionnels de la location longue durée, mais également les concessionnaires, notent un très net ralentissement des commandes. Pour ne pas dire un arrêt pour les plus pessimistes d’entre eux. « Face à la fiscalité, on s’aperçoit que non seulement les entreprises retardent leurs investissements afin de bien comprendre les enjeux financiers, mais que les délais de détention s’allongent également », explique Guillaume Maureau, directeur général adjoint commerce France d’Ayvens. « La location type était de 36 mois, note Nicolas Fragne. Après la pandémie, à cause du manque de disponibilité des produits, elle est passée à 42 mois, voire 48 mois. » Et cette tendance s’inscrit dans la durée : certains voient même des contrats dépasser les 50 mois de détention. Car, effet pervers, toutes ces nouvelles taxes à l’immatriculation poussent les entreprises à ne surtout pas changer de véhicule. « Elles risquent de réduire fortement l’achat de modèles à forte valeur ajoutée », prévient Guillaume Maureau. Cela pourrait entraîner une baisse de rentrée de TVA. Sur ce sujet, Bercy ne s’est pas exprimé malgré nos sollicitations.
Si le retour massif des IK paraît, à court terme, assez faible « mais pas impossible », glissent les personnes interviewées, les acteurs de la LLD travaillent sur d’autres offres. « Nous proposons des forfaits mobilités qui sont une alternative au véhicule de fonction », dit Guillaume Maureau. Cette enveloppe qui a pour forme une carte de paiement permet, selon les conditions, de bénéficier des transports en commun, y compris le train, de l’autopartage, des mobilités douces, de la location de voiture pour les vacances par exemple, voire, dans certains cas, de l’avion, « le tout pour un budget annuel équivalent à celui d’une voiture de fonction ». Ces offres, bien que mises en avant par les loueurs, ne correspondent néanmoins qu’à une minorité des cas. « Contrairement à une idée reçue, la voiture de fonction n’est pas un objet de luxe mais bien un outil de travail et de pilotage des ressources humaines », tiennent à rappeler Sarah Roussel et Anne-Claire Forel. Une fonctionnalité que ne semble pas avoir prise en compte le gouvernement.