Comme ses amis Michael Connelly, avec Los Angeles, et Dennis Lehane, avec Boston, George Pelecanos a choisi pour terrain de jeu et d’écriture sa ville natale, Washington. Après deux décennies de feu (années 1990 et 2000) marquées par plusieurs cycles romanesques (la série Nick Stefanos, la série du D.C. Quartet et, must du must, la série Derek Strange et Terry Quinn), Pelecanos s’est laissé envoûter par les sirènes de la télévision, plus rémunératrices. On lui doit, comme scénariste et/ou producteur, des interventions sur la mythique Sur écoute (The Wire), la passionnante Treme (à la Nouvelle-Orléans), et la non moins réussie The Deuce (à New York), toujours avec le journaliste David Simon et le maître dialoguiste et auteur de romans noirs Richard Price.
Raconteur d’histoires hors pair
Entre deux collaborations télévisuelles, Pelecanos a publié, mais de manière irrégulière, et son dernier livre, À peine libéré, remonte à 2020 ! Raison pour laquelle on se réjouit de le retrouver en belle forme avec Faute avouée, un recueil de quatre nouvelles portant sur Washington. Des nouvelles noires mais pas policières. Pelecanos est un raconteur d’histoires hors pair. Et un auteur attaché à l’oralité, à la mémoire familiale. Comme chez Goodis (dont le nom n’est sans doute pas par hasard en épigraphe du livre), ses personnages sont souvent pris dans un engrenage qui les dépasse et les pousse à commettre des erreurs qu’ils ont du mal à réparer. Les deux taulards de La Machine à amuser, le Juif Ira et le Noir Jerrod, n’ont rien en commun. Jerrod met Ira à distance. Et pourtant, une sorte d’amitié va les lier.
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Dans Le Knickerbocker, une jeune femme enregistre l’histoire dramatique de sa grand-mère, prise entre deux hommes. Dans Faute avouée, Pelecanos évoque ces fusillades qui ont commencé dans la villa que la star de basket-ball Kareem Abdul-Jabbar avait cédée à des frères musulmans assassinés par des rivaux. Qui se vengèrent à leur tour en prenant des otages dans la ville. Enfin, dans Entrer sans frapper, il écrit l’histoire qu’il nous avait racontée en 2014 lors d’une séance de tir avec le GIGN, tout en nous priant de ne pas l’écrire dans un article. À savoir cette violente intrusion des Swat, unités de la police, à son domicile, alors cambriolé. Sa femme, ses enfants et lui s’étaient retrouvés à terre sous la menace d’armes. Ici, c’est le fils du narrateur qui est recherché. Mais le traumatisme brisera petit à petit la famille. C’est fait sans esbroufe, avec humanité, tendresse pour ses personnages. Les dialogues sont au cordeau. Retour réussi, George !