Présidentielle 2027 : François Ruffin se lance dans la course avec son parti « Debout »
Il a souvent de bonnes idées François Ruffin, mais il lui manque toujours un petit quelque chose pour aller plus loin. En 2016, c’est la vision. En plein mouvement de contestation contre la loi travail, il contribue à lancer Nuit debout, pour essayer de donner un débouché à cette lutte sociale. Il se lassera vite des assemblées générales à n’en plus finir et du virage gauchisant des rassemblements. Après 70 jours d’existence, François Ruffin confesse : « De mon côté, je n’en ai jamais attendu trop ». En 2024, c’est la structure. Quelques jours après la dissolution surprise, et alors que la gauche s’apprête à partir en ordre dispersé, il impose cette idée de « Front populaire » avec son fameux « soyez unis, arrêtez vos conneries ». Mais lui et sa petite équipe de fidèles se retrouvent vite dépassés par le rouleau compresseur insoumis et les négociateurs expérimentés socialistes, écologistes et communistes. Faute d’avoir pour lui un parti pour « peser », il est obligé de laisser la main à plus costaud.
Créer un parti de masse
Le communiste Sébastien Jumel, le premier à prendre la parole, réclame d’ailleurs de nouveaux applaudissements, parce que pour lui « faire de la politique, ça ne veut pas dire se faire chier ». Un leitmotiv très ruffiniste. Le président de l’agglomération Dieppe-Maritime rappelle que François Ruffin a « battu à trois reprises les fachos chez lui ». C’est d’ailleurs l’un des gros objectifs de « Debout » car selon lui, « le RN est le principal collaborateur du gouvernement Bayrou », aujourd’hui. Le communiste enjoint d’ailleurs son audience « à secouer ces salopards, et à les sanctionner par le haut et par le bas ». Un discours résolument antifasciste. L’ancien député évoque aussi l’étape d’après, « le 2 juillet nous serons rassemblés avec la gauche qui ne renonce pas », à l’occasion du raout organisé par Lucie Castets, un temps portée par le Nouveau Front populaire (NFP) pour devenir première ministre, afin de tenter de trouver un accord à gauche pour 2027. Jean-Luc Mélenchon et Raphaël Glucksmann n’en seront pas, ils l’ont déjà annoncé. Sébastien Jumel, sans les nommer, évoque la trajectoire serrée que doit épouser Debout, un « chemin entre les trop fous et les trop mous ».
Mais François Ruffin a décidé d’arrêter de jouer les simples agitateurs d’idées. Ce samedi 28 juin, dans le XIIIe arrondissement de Paris, le député de la Somme a tracé le premier sillon de sa candidature à l’élection présidentielle de 2027 avec le lancement de son mouvement national : « Debout ». Un passage à l’échelle nationale de Picardie Debout, son mouvement local, avec l’ambition d’en faire un parti de « masse » peut-on lire dans le manifeste fondateur : « Ce que nous cherchons par notre action : la masse, le nombre, les millions, le peuple, la majorité à convaincre, à mobiliser dans la rue et dans les urnes ». Pour le nombre, ce samedi 28 juin, c’est un peu raté. Un peu plus de deux cents militants ont fait le déplacement, laissant quelques chaises vides dans l’espace Mas loué pour l’occasion. Reste que la bonne humeur est là, la petite fanfare qui reprend « Je veux du soleil » fait le plein d’applaudissements. De bon augure pour les prises de parole.
« Nous devons réclamer un moratoire sur les contrôles d’identité »
François Ruffin va au pupitre comme un boxeur monte sur un ring : déterminé. Toujours amateur de formules décalées, il prévient ses futurs militants : « C’est l’Everest en tongs que l’on va devoir plusieurs fois monter, même avec une fanfare ». De quoi faire se gondoler la salle. Le fondateur du journal Fakir déroule son discours sur les grandes richesses de France, ce que le pouvoir en place refuserait de voir selon lui. « Il y a une vache au milieu du couloir, entre le capital et le travail nous devons rétablir la balance », clame-t-il. Et d’ajouter : « On veut du champagne pour tous, on veut du Veuve Clicquot pour les prolos ». Et pour y parvenir, il n’y a qu’un seul chemin, celui des urnes. « Il nous faut la démocratie pour contenir l’oligarchie », défend-il. Ce qui oblige la gauche à s’unir, car il en semble convaincu qu’« il y a un danger que le peuple de gauche devienne un oxymore ».
Dans la salle, il peut compter sur l’écoute de représentants envoyés par le parti socialiste, le parti communiste français, les écologistes, L’Après, le parti des ex-insoumis et Générations. Manquent à l’appel LFI et Place publique. Pas grave. À LFI, il compte bien contester les quartiers populaires. Il rappelle sa conviction que « quartiers » et « campagnes » partagent les mêmes intérêts de classe. Lui qui avait donné l’impression de pencher plus pour la France des bourgs annonce : « Nous devons réclamer un moratoire sur les contrôles d’identité », tout en exigeant de ses militants de « casser le ça va de soi de l’entre-soi. Notre rôle c’est de noter mais quand ça nous déplaît », allusion sans le dire à la nécessité de s’adresser aussi aux « fâchés mais pas fachos ». Il précise : « On doit le noter pour se demander comment on fait du judo avec ça (…) on dialogue, on cherche des solutions, on dépasse les contradictions ».
Décidé à disputer sur tous les terrains la représentation politique à LFI, François Ruffin, qu’on n’avait pas forcément beaucoup entendu dans le débat public sur la situation en Palestine, tonne d’une voix forte : « La honte naît du silence sur Gaza (…) Oui il nous faut un embargo comme il y en a eu sur l’Afrique du Sud ». Le prochain rendez-vous est donc donné le 2 juillet prochain, pour poser la première pierre d’une possible primaire à gauche. « Nous irons, parce que nous voulons une primaire de débordement avec des millions de participants », revendique-t-il. Et Ruffin est bien décidé à ce que ces millions se rangent derrière lui.