Le Conseil de Paris débat du remplacement des vitraux de Notre-Dame et ne prend pas position
Le débat autour du remplacement des vitraux d’Eugène Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris s’est invité au Conseil de Paris en fin de matinée, mardi 11 février. Francis Szpiner, du groupe Les Républicains, Les Centristes - Demain Paris, a demandé que la Ville exprime son opposition au projet. L’ancien maire du XVIe arrondissement, aujourd’hui sénateur a plaidé en faveur de la conservation des vitraux conçus par Viollet-le-Duc, soulignant leur valeur patrimoniale et leur récente restauration à grands frais.
« Que nous soyons croyants ou pas, Notre-Dame est un symbole pour tous les Parisiens », a expliqué Francis Szpiner en déroulant ses arguments. « Notre patrimoine doit être protégé. Il faut sauver les vitraux d’Eugène Viollet-le-Duc », a-t-il martelé, rappelant que la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) a émis un avis défavorable unanime au remplacement de ces œuvres. Il a également invoqué la Charte de Venise, qui préconise la préservation des ajouts architecturaux significatifs de toutes les époques. Le sénateur a cité l’exemple d’Antoine-Marie Préaut, inspecteur général, qui refuse de recevoir l’ordre national du Mérite tant que le projet n’est pas abandonné.
Les arguments du conseiller LR ont trouvé un certain écho auprès de la majorité d’Anne Hidalgo. Karen Taïeb, adjointe chargée du Patrimoine, a reconnu la sensibilité du sujet. « Peut-on ? Faut-il remplacer [les vitraux] par une œuvre contemporaine ? Si l’on se place du côté de la charte de Venise, la réponse est non », a-t-elle expliqué. Elle a également évoqué la pétition signée par 280 000 personnes s’opposaient au projet et s’inquiète de savoir où seront déposés les vitraux du XIXe à l’avenir.
N’oubliez pas qu’à l’époque, Viollet-le-Duc était fortement critiqué pour ses restaurations jugées trop inventives
Aurélie Pirillo, conseillère de Paris, groupe Changer Paris
À entendre Karen Taïeb, les doutes de la mairie ne portent cependant pas sur le choix de l’artiste, la plasticienne Claire Tabouret. Elle salue « la notoriété et le talent de cette artiste, la qualité de son travail et de sa proposition et le savoir-faire des vitraillistes qui seraient amenés à travailler sur ces vitraux. » Mieux encore, « c’est une femme, alors que les femmes artistes et vitraillistes ont laissé peu de signatures dans les édifices de cette envergure ». L’adjointe en charge du Patrimoine suggère d’explorer d’autres voies. « Peut-on installer les vitraux de Claire Tabouret ailleurs dans la cathédrale ? » « Voilà autant de questions qui restent encore sur la table », conclut-elle.
L’échange n’est pas anodin entre la majorité de gauche et le sénateur LR. D’autant qu’il se déroule en l’absence de Rachida Dati, patronne du groupe Changer Paris et, surtout, ministre de la Culture d’Emmanuel Macron, principal promoteur de ce projet de nouveaux vitraux. Aurélie Pirillo se charge de répondre. « Il ne faut pas perdre de vue que c’est avant tout une cathédrale, un lieu de culte », explique la conseillère du XVIe arrondissement qui rappelle que le projet est aussi porté par l’Église. « Il est tout à fait légitime que le Diocèse ait été impliqué dans la reconstruction de Notre-Dame », argue-t-elle en défendant le remplacement des vitraux par des œuvres contemporaines. Quant aux polémiques, elles ne sont pas nouvelles. « N’oubliez pas qu’à l’époque, Viollet-le-Duc était fortement critiqué pour ses restaurations jugées trop inventives », a-t-elle lancé.
Une proposition rejetée
Au milieu de ses échanges à fleurets mouchetés, Corine Faugeron, du groupe Les Écologistes, met les pieds dans le plat. « Fallait-il reconstruire la cathédrale à l’identique ? Ou en profiter pour ériger une nouvelle cathédrale ? Pour être efficace, je vous suggère d’en parler avec la ministre de la Culture, Rachida Dati, que vous connaissez bien », lance-t-elle dans une allusion aux ambitions de Francis Szpiner et Rachida Dati qui ambitionnent chacun de ravir la mairie à la gauche en 2026.
Le débat a été tranché par un vote. Le Conseil de Paris allait-il émettre un « vœu » signifiant son opposition au remplacement des vitraux de Notre-Dame ? La proposition a été rejetée. D’autant, a rappelé Karen Taïeb, que la question n’est pas du ressort de la mairie. Réaction de Francis Szpiner sur les réseaux sociaux : « La gauche parisienne rejette d’un revers de main notre vœu relatif à la sauvegarde des vitraux d’Eugène Viollet-le-Duc. Croyants ou non, Notre-Dame est un symbole pour tous les parisiens. Renoncer à protéger ces vitraux, c’est ignorer une part de notre histoire commune.», tonne-t-il. Le sort des vitraux d’Eugène Viollet-le-Duc reste entre les mains de l’État, propriétaire de la cathédrale et garant de sa conservation.