Cryptos : qu’est-ce que Paymium, l’entreprise dont le PDG a vu sa famille visée par une tentative d’enlèvement à Paris ?
Les images ont choqué. Ce mardi 13 mai, trois hommes cagoulés se sont jetés sur un couple et leur enfant en plein Paris, tentant de les forcer à monter dans une fourgonnette. Derrière cette tentative d’enlèvement avortée se cache une cible inattendue : Paymium, l’une des principales pépites françaises du secteur des cryptomonnaies. Selon l’AFP, en effet, la fille et le petit-fils mineur du PDG et cofondateur de l’entreprise étaient les victimes de cet acte choquant.
A la tête de l’entreprise se trouve Pierre Noizat, l’un des pionniers français de la cryptomonnaie. Brusquement exposé par cette agression, cet entrepreneur discret de 59 ans est pourtant à mille lieues des influenceurs clinquants de l’univers crypto. Né en 1965, diplômé de Polytechnique, il débute sa carrière aux États-Unis dans les années 1990, sur le projet DirecTV, l’un des premiers bouquets de chaînes payantes cryptées. De retour en France, il participe à l’aventure TPS, pionnière de la télévision HD. Très tôt, il perçoit le potentiel de la blockchain et s’intéresse dès 2009 à l’essor du Bitcoin, qu’il considère comme «une avancée scientifique majeure». Il aura vu juste.
Une success-story
En 2011, Paymium voit le jour sous le nom de «Bitcoin-Central», à une époque où les monnaies numériques n’étaient qu’une curiosité pour geeks. Le livre blanc de Satoshi Nakamoto, fondateur du Bitcoin, qui jette les bases de la première cryptomonnaie mondiale, est publié fin 2008. La première transaction bitcoin-dollar a lieu un an plus tard, en 2009, le jeton numérique ne valant alors que 0,001 dollar — bien loin des quelque 100.000 dollars actuels.
À l’époque, Paymium se positionne comme une plateforme d’échange entre bitcoin et euros — un service révolutionnaire, que l’entreprise est alors la seule au monde à proposer. La société s’impose comme un acteur européen de référence lorsque Pierre Noizat lève un million d’euros auprès de plusieurs fonds, dont Newfund et Kima Ventures, détenus par Xavier Niel. En 2018, il lève à nouveau 1,5 million d’euros par ICO (Initial Coin Offering), c’est-à-dire en émettant des jetons numériques, pour lancer Blockchain.io, une plateforme sœur dédiée aux altcoins — les autres cryptomonnaies que le bitcoin.
Souveraineté et décentralisation
Premier acteur français à obtenir le statut de PSAN (Prestataire de Services sur Actifs Numériques), délivré par l’Autorité des marchés financiers en 2021, la société, basée à Paris, emploie aujourd’hui une quinzaine de spécialistes de la cryptographie et revendique plus de 230.000 clients. Ses services vont des échanges euro/bitcoin aux solutions pour commerçants, en passant par des outils destinés aux professionnels de la finance.
Auteur de plusieurs ouvrages de référence, dont Bitcoin, mode d’emploi et Bitcoin, monnaie libre, Pierre Noizat anime également le blog e-ducat.fr, l’un des premiers sites francophones sur le sujet, et cofonde l’association Bitcoin France. Résolument progressiste, mais attaché à la rigueur réglementaire, il milite pour une évolution favorable de la législation encadrant l’écosystème crypto en France. Son ambition ? Bâtir un hub européen d’échange crypto indépendant des géants américains et asiatiques. «La décentralisation des serveurs est un enjeu économique et démocratique majeur», insiste ce chantre de la finance 2.0.
L’entrepreneur à succès n’hésite d’ailleurs pas à pointer les failles du système financier traditionnel, qui «mobilise 40 à 50 millions de personnes dans le monde et utilise 6000 TWh par an», contre «seulement 150 TWh pour le Bitcoin». N’en déplaise aux géants bancaires, souvent réticents face à l’usage des cryptomonnaies dans les transactions. «Cette évolution me semble inéluctable. C’est juste une question de temps», tranchait-il dans une interview en juillet dernier.