Regards sur la longue baisse du prix du blé en France
Gérard Le Puill
Alors que l’état des cultures se dégrade dans plusieurs régions de France, comme dans d’autres pays d’Europe à l’approche des moissons, le prix de la tonne de blé reste sous la barre des 200 euros dans les salles de cotation, contre plus de 300 en 2022. Du coup, certains observateurs s’attendent à un retournement spéculatif des marchés en cas de réduction sensible des volumes récoltés cet été.
En cette année 2025, nous avons souvent relevé que la tonne de blé tendre, rendue au port de Rouen pour l’exportation, cotait moins de 200 euros la tonne. Ce prix était de 183 le 3 juin et de 181 une semaine plus tard. Le cabinet Argus Media indiquait que la hausse du prix du blé en France est « pénalisée par le regain de fermeté de l’euro par rapport au dollar ». Il ajoutait qu’en « l’absence d’accident climatique majeur, les perspectives fondamentales sur le marché mondial du blé pour la nouvelle campagne demeurent confortables et freinent l’appétit des acheteurs internationaux ».
Selon les chiffres fournis par FranceAgriMer, le stock de report blé tendre en France avant la moisson de cet été devrait s’élever à 2,8 millions de tonnes. Le stock de maïs grain pourrait être de 3,4 millions de tonnes en hausse de 300.000 tonnes sur les chiffres de l’an dernier. Du coup, le maïs ne cotait que 171€ la tonne le 3 juin et 170€ une semaine plus tard. Selon Argus Media, le maïs serait désormais concurrencé par le blé tendre qui, en raison de son prix bas, entre aussi dans les aliments du bétail faute de trouver des débouchés suffisants dans la production de pain, de pâtisseries et autres produits alimentaires à base de farine.
Les producteurs français payent la guerre en Ukraine !
Rappelons à ce propos que les importations de blé et de maïs d’Ukraine sans droits de douane dans l’Europe des 27 a considérablement réduit les débouchés du blé et du maïs produits en France depuis deux ans . De juillet à décembre 2022, la tonne de blé français rendue au port de Rouen pour l’exportation cotait entre 300 euros et 330 en moyenne. Depuis août 2023, ce prix a toujours été inférieur à 230 la tonne. La même tendance a été observée pour le maïs. L’hebdomadaire « La France Agricole » du 13 juin a publié un graphique sur l’évolution du prix du blé et du maïs dans les salles de cotation entre le 3 mars et le 14 juillet des cinq années qui vont de 2020 à 2024 inclus pour effectuer une comparaison avec les prix de 2025 entre début mars et le 2 juin. Entre 2020 et 2024, le prix moyen de la tonne de blé était à 230 euros en mars. Il grimpait à 260 en mai pour descendre à 239 à la mi-juillet. En 2025, il passait de 230 le 3 mars à 210 en mai. Le maïs partait de 230 la tonne en moyenne sur les cinq années précédant 2025 pour atteindre plus de 240 en avril mai et descendre à 225 à la mi-juillet. En 2025, il partait de 210 la tonne en mars pour tomber à 198 dès le mois de mai.
En pages 4 et 5 de ce numéro de «La France Agricole », Nicolas Pinchon, observateur des marchés, prévoit une probable chute des rendements céréaliers cette année en Europe. Il indique qu’en France, « les précipitations ont été inférieures de 80% à la normale dans une large zone allant de l’Atlantique au nord du pays. L’Allemagne, la Belgique ou encore la Pologne ne sont pas épargnées ». La production européenne devrait donc connaître un recul sensible en 2025 par rapport à la moyenne des années précédentes. Nicolas Pinchon s’étonne « du calme sur les marchés agricoles, là où la saison est habituellement marquée par des turbulences liées aux conditions météo (…) Cette fois ci l’indicateur est resté muet ».
Les céréaliers français face aux oligarques ukrainiens
En conclusion de son article, il avance cette explication : « la demande mondiale reste bridée, affectée par les tensions géopolitiques et les incertitudes macroéconomiques. Enfin, les fonds spéculatifs maintiennent une position nette vendeuse proche des records historiques sur le marché à terme des céréales, accentuant la pression baissière. Cette configuration fragilise le marché mais crée aussi les conditions d’un retournement brutal en cas d’imprévu. A l’approche des moissons de l’hémisphère Nord, les premières récoltes débutent aux Etats-Unis. Pour l’instant, c’est le calme plat. Mais la campagne ne fait que commencer ».
Notons enfin que depuis le 6 juin, les céréales exportées par l’Ukraine dans l’Europe des 27 ne bénéficient plus, en principe, d’exemption des droits de douane. Mais une nouvelle décision au niveau européen n’est pas totalement écartée. Selon Eric Thirouin, producteur de céréales et président de l’Association générale des producteurs de blé, les grandes fermes ukrainiennes « sont capables de produire du blé tendre à pour un prix de revient de 100€ la tonne, contre plus de 200€ la tonne en France ».
Voilà pourquoi les céréaliers, qui furent des décennies durant bien mieux rémunérés en France que les éleveurs, sont aujourd’hui fragilisés au profit des oligarques ukrainiens installés sur les dizaines de milliers d’hectares provenant des anciens kolkhozes en URSS.
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