REPORTAGE. "C'est une catastrophe économique" : dans le Lot-et-Garonne, des producteurs de noisettes réclament la réintroduction d'un pesticide interdit

Des agriculteurs mettent la pression sur les députés. L'alliance syndicale majoritaire FNSEA-Jeunes agriculteurs appelle à la mobilisation le 26 mai, date à laquelle l'Assemblée nationale examinera la proposition de loi pour lever les contraintes qui pèsent sur le métier d'agriculteur. Le texte a déjà été voté par le Sénat mais son adoption par les députés est incertaine, certains élus dénoncent un retour en arrière d'un point de vue environnemental.

Parmi les mesures décriées, il y a notamment le retour d'un puissant insecticide interdit en France mais toujours autorisé en Europe, un pesticide de la famille des néonicotinoïdes dits "tueurs d'abeilles". Mais onze filières agricoles disent en avoir besoin faute d'alternative, d'où le coup de pression du patron de la FNSEA pour obtenir le vote. Franceinfo s'est rendu dans le Lot-et-Garonne, premier département producteur. La survie de la filière est en jeu.

Dans ses vergers de Varès, au nord d'Agen, Axel Crestian espère le retour de ce produit pour protéger ses noisetiers, car sa trésorerie est au plus bas après avoir vécu sa pire récolte : 60% de noisettes en moins. La faute à deux insectes ravageurs, le balanin de la noisette et la punaise diabolique, qui mangent ou abîment les fruits.  "On vit avec les réserves qu'on a faites les années d'avant, on serre les fesses", lance celui qui préside l'Association nationale des producteurs de noisettes (ANPN). Certains de ses collègues risquent de disparaître.

"On estime que sur un peu plus de 300 producteurs, à peu près la moitié est en très grande difficulté financière, et la moitié restante le sera à l'horizon 2026 si la récolte 2025 n'est pas à la hauteur des espérances."

Axel Crestian, président de l'Association nationale des producteurs de noisettes

à franceinfo

Les producteurs se sentent démunis, car la France est l'unique pays d'Europe qui interdit le seul traitement phytosanitaire vraiment efficace à ce jour. "Tous les Européens l'ont, c'est l'acétamipride, précise Axel Crestian. C'est un produit qui est de la famille des néonicotinoïdes. Il est interdit en France depuis la loi biodiversité de 2016. Pour nous, c'est une catastrophe économique parce que nos producteurs n'ont pas d'armes pour lutter contre ça."

Le verger de noisetiers d'Axel Crestian, à Varès, au nord d'Agen, en mars 2025. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)
Le verger de noisetiers d'Axel Crestian, à Varès, au nord d'Agen, en mars 2025. (EDOUARD MARGUIER / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

La France, troisième plus gros consommateur

Pour compenser, la France n'autorise qu'un seul insecticide, mais il est insuffisant, selon Axel Crestian qui dénonce au passage la concurrence déloyale des autres pays. "Les Italiens en ont huit, les Espagnols en ont sept, et les Turcs, qui produisent 80% des noisettes dans le monde, en ont 240", énumère-t-il. Ce qui révolte Jean-Luc Reigne, président de la coopérative Unicoque, où transitent la quasi-totalité des noix et noisettes françaises.

"Forcément, ce n'est pas le même produit. Le consommateur français ne voit pas la différence, mais nous, dans l'histoire, on va disparaître."

Jean-Luc Reigne, président de la coopérative Unicoque

à franceinfo

Pourtant la demande est forte : la France est le troisième pays consommateur de noisettes au monde. Ce problème de production ralentit le développement d'Unicoque, qui a dû limiter l'agrandissement de ses bâtiments. "C'est une grosse unité de stockage en silo de béton, décrit Jean-Luc Reigne. On l'a divisée par trois, on va faire le premier tiers et on va s'arrêter, parce que le potentiel ne se réalise pas, en particulier parce qu'on n'arrive pas à gérer nos problèmes phytosanitaires." Une filière qui fait vivre aujourd'hui 3 000 personnes en France.