France-Israël : Apôtre de la discrétion, «l’ange» bleu Kanté officie comme capitaine… par défaut

«L’équipe de France sera plus forte avec NG». Voilà ce que disait Didier Deschamps pour justifier le retour de N’Golo Kanté en sélection, avant l’Euro 2024. Lequel Kanté, discret homme de base de l’équipe de France championne du monde en 2018, avait dû faire une croix sur le Mondial 2022. Pas épargné par les blessures, il a quitté Chelsea et l’Europe par la porte de derrière en 2023 pour mieux se relancer en Arabie saoudite. Retour en grâce. Et le voilà aujourd’hui bombardé capitaine des Bleus. «C’est fort probable»s’est amusé l’intéressé jeudi, histoire de maintenir un semblant de suspense... éventé quelques instants plus tard par Deschamps face à la presse. Habituel titulaire de cette fonction, Kylian Mbappé a été écarté pour ce rassemblement. Son vice-capitaine Antoine Griezmann a pris sa retraite internationale. Suppléant de «KM» en octobre, sans Kanté, forfait, Aurélien Tchouaméni est blessé. «DD» devait donc attribuer le brassard à un autre.

Oui mais qui ? S’il n’a que 26 sélections, Mike Maignan, 29 ans, est un habitué du groupe France depuis juin 2020. D’abord comme doublure d’Hugo Lloris, puis en tant que numéro 1. C’est un leader, un vrai. Il n’a d’ailleurs pas hésité à pousser un énorme coup de gueule dans le vestiaire après France-Italie (défaite 1-3), en septembre, fustigeant le «comportement de starlettes» de certains. Problème ? Après 10 ans de capitanat de Lloris, Deschamps ne serait plus très favorable à donner le brassard à un gardien, pas pratique pour parler aux arbitres. En plus, le Milanais n’est pas friand de l’exercice médiatique… Un garçon comme Ibrahima Konaté (25 ans, 17 sélections) est beaucoup plus à l’aise devant les micros. Lui aussi, c’est un leader. Encore faut-il qu’il soit titulaire. Or, le sélectionneur a une préférence pour la charnière Saliba/Upamecano. Jules Koundé (26 ans, 36 sélections) coche, a priori, toutes les cases. Plus que Théo Hernandez (27 ans, 34 sélections), même si ce dernier a souvent porté le brassard à Milan cette saison.

Dans le groupe actuel, Kingsley Coman (28 ans, 57 sélections), Benjamin Pavard (28 ans, 54 sélections), Adrien Rabiot (29 ans, 48 sélections) et Lucas Digne (31 ans, 47 sélections) font partie du Top 5 des joueurs les plus expérimentés en termes de sélections. Sauf que les deux premiers ne reviennent que sur la pointe des pieds – et en raison des blessures de certains de leurs camarades – après avoir été snobés depuis l’Euro. Rabiot n’a pas le profil type du capitaine. Quant à Digne, il a un statut de doublure. Deschamps a donc fait un choix par défaut. Le choix de la raison, de l’expérience, en termes d’âge (33 ans) et de sélections (63). Le choix Kanté.

Humble, souriant et réservé

Ce détour par la Saudi Pro League n’a toutefois pas changé l’homme Kanté. «Je le connais très bien. Peu importe la situation, il n’y a jamais de problème (sourire). Au-delà de ses capacités footballistiques, c’est un ange. Tout le monde l’aime bien, tous les joueurs, dans le groupe», disait encore Deschamps, toujours avant l’Euro. Et d’ajouter : «NG, ça va tout le temps». La description du coéquipier idéal. Il suffisait de tendre le micro lors des nombreuses conférences de presse de Paderborn, cet été, pour en être convaincu. Coman mettait par exemple en avant «sa bonne humeur, sa positivité, son calme et son expérience», alors que Konaté décrivait un joueur qui «apporte un autre souffle, de la joie de vivre». Pavard évoquait pour sa part un homme «souriant et attachant», quand Jonathan Clauss parlait d’un joueur «très discret mais très souriant, toujours positif, jamais de parole négative». Pour Randal Kolo Muani, N’Golo Kanté est «humble, il reste dans son coin, il fait son travail comme il faut… C’est une top personne».

Coéquipier idéal, c’est sûr. Ce n’est toutefois pas au joueur de Al-Ittihad qu’on pense en premier pour assumer cette fonction de capitaine. A priori, ce n’est pas sa nature. D’ailleurs, il n’avait jamais porté le brassard avant les dernières minutes du match nul contre la Pologne (1-1), le 18 juin dernier, à Dortmund, lors de l’Euro 2024. «Je ne m’y attendais pas, c’était un fait de jeu. C’est un honneur, ça fait plaisir. Et ce n’était que pour quelques instants. Mais ça représente beaucoup quand même. C’est une fierté», avait déclaré l’ancien milieu de Boulogne-sur-Mer, Caen, Leicester et Chelsea à l’époque.  

Ce qui est fou avec lui, c’est son côté très compétiteur. Ça surprend, car tu lui donnes le bon Dieu sans confession. Mais quand on y pense, c’est la marque des champions.

Kylian Mbappé

Interrogé par Ouest France  avant le championnat d’Europe en Allemagne, Kylian Mbappé évoquait un homme «réservé» qui «parle avec toi si tu entames la conversation avec lui, mais il ne prendra pas les devants. Par contre, ce qui est fou avec lui, c’est son côté très compétiteur. Tu joues aux cartes ou à la console avec lui, tu ne te dis pas qu’il est comme ça, mais le mec est prêt à tout pour gagner. Ça surprend, car tu lui donnes le bon Dieu sans confession. Mais quand on y pense, c’est la marque des champions». N’Golo Kanté n’est pas un braillard, un leader charismatique, un patron vocal et naturel, c’est clair. Mais s’il y a bien un joueur dont les autres Bleus peuvent s’inspirer en termes d’étique de travail, d’efforts, de collectif et de compétitivité, c’est bien lui. Au-delà de son expérience et de ses qualités de footballeur, c’est sans doute pour cela que Didier Deschamps a choisi de miser sur lui. Pour ce qui est de pousser des gueulantes sur le reste du groupe, ce sera la mission d’autres éléments du groupe France, c’est clair.

En attendant, «NG» se sent «prêt» pour assumer la fonction qui sera la sienne ce jeudi, lui qui a «envie de savourer» en Bleu après sa «coupure de deux ans». «Tant que je le peux, je vais donner le maximum», assure-t-il, affichant sa volonté de «tirer le groupe avec ce (qu’il peut) apporter sur le terrain». En dehors du rectangle vert, il convient «d’utiliser les forces de tout le monde», martèle-t-il, plaçant son mandat sous le signe du collectif. Et d’ajouter : «Avec l’âge et le statut, les jeunes qui sont là, ça devient naturellement plus facile de communiquer et de faire passer des messages. Avec le brassard, ça incite à le faire». Afin de justifier son choix, Didier Deschamps a, lui, mis en avant le fait que N’Golo Kanté «a toujours été un leader, un moteur» par «son vécu et ce qu’il fait sur le terrain». «Sans avoir le brassard, il a été un leader important pendant des années», a-t-il poursuivi, reconnaissant que «ça ne va pas changer sa façon d’être ou de se comporter. Ce n’est pas quelqu’un qui va énormément prendre la parole mais il y a d’autres formes de leadership».

Médicament

Reste à savoir si Kylian Mbappé est appelé à continuer d’assumer le rôle de capitaine lorsqu’il fera son retour au sein du groupe France. «Aujourd’hui je ne vais pas me poser une question qui n’est pas à l’ordre du jour. Chaque chose en son temps»disait Didier Deschamps en début de rassemblement, laissant la porte ouverte à toutes les supputations. «Il n’est pas là, laissez-le tranquille»a-t-il grincé mercredi. Une chose est sûre : N’Golo Kanté ne serait probablement pas le premier choix si le sélectionneur voulait rebattre les cartes. Mais pour ce France-Israël à jouer «dans un contexte lourd et pesant», dixit Deschamps, à l’instant T, le natif de Paris représente sans doute le bon médicament pour des Bleus toujours souffreteux, entre deux eaux, à la croisée des chemins après le départ de plusieurs cadres sur et en dehors du pré. Avec lui, pas de mauvaise surprise. C’est déjà ça de pris…