Excédents budgétaire et commercial, record d’exportations hors UE... pourquoi l’économie italienne se porte si bien
Edoardo Secchi est entrepreneur et président fondateur du Club Italie-France.
En 2024, l’économie italienne a su faire preuve de résilience malgré les tensions internationales et le ralentissement de l’économie chinoise. Ces événements ont eu des conséquences directes sur le commerce extérieur et les stratégies industrielles des pays européens. L’Italie a pourtant dépassé les prévisions du gouvernement et de plusieurs analystes qui affirmaient que la récession en Allemagne, son principal partenaire économique, l’affecterait de façon négative. Ils n’avaient pas pris en compte certains facteurs, comme le développement de nouveaux marchés en dehors de l’Union européenne et la réduction du déficit énergétique.
Cette réussite peut être attribuée à quatre éléments. D’abord, la situation des comptes publics s’est améliorée. L’Italie a conclu l’année 2024 avec un excédent budgétaire primaire de 9.6 milliards d’euros, soit 0.44 % du PIB. Le pays est le seul du G7 à avoir réussi, après le Covid, à réaliser un excédent primaire. En outre, le déficit public a été réduit : il est passé de 7.2 % à 3.4 % du PIB (et devrait être réduit à 3 % en 2025).
Deuxièmement, sa balance commerciale penche largement en sa faveur. Pourtant, le contexte économique lui semblait défavorable : les exportations à destination de certains partenaires stratégiques, comme les États-Unis, l’Allemagne et la France, n’ont que peu progressé par rapport à 2023. La valeur totale des exportations a même été réduite de 0.4 % (623 milliards d’euros contre 626 l’année précédente). Mais l’excédent commercial a repris de l’élan en atteignant 54.9 milliards d’euros : il s’agit d’une amélioration significative par rapport à 2023 où il se limitait à 34 milliards. L’excédent commercial, hors produits énergétiques, a augmenté de 5.4 milliards pour atteindre 104.5 milliards d’euros. C’est un record depuis 1993.
En outre, les exportations hors UE se sont élevées à 305.3 milliards d’euros. Pareil niveau n’avait pas été atteint depuis dix ans. Ce résultat est le fruit d’une intense activité de pénétration d’autres marchés où la demande des biens « made in Italy » est forte : la Turquie (+23,9%), la Serbie (+16%), les pays de l’ASEAN (+10,3%), les pays de l’OPEP (+6,6%), le Royaume-Uni (+5,3%), les pays du Mercosur (+4,6%), les Pays-Bas (+4,5%), le Japon (+2,5%), ainsi que le Mexique et le Brésil (+8%).
En 2025, la probable hausse américaine des droits de douane risque d’affaiblir les exportations de certains secteurs, mais les opportunités offertes par les pays extra-européens pourraient compenser ces éventuelles pertes
Edoardo Secchi
Enfin, malgré les difficultés structurelles que l’Italie rencontre pour s’approvisionner en électricité, elle est parvenue à diminuer son déficit énergétique. Celui-ci est passé de 65 milliards en 2023 à 49.5 milliards en 2024. Cet élément est central pour la compétitivité des entreprises, la maîtrise de la balance commerciale et du budget public. La réduction de la dépendance énergétique de l’Italie aux pays étrangers est l’une des priorités stratégiques du gouvernement de Giorgia Meloni, qui s’est fixé comme principaux objectifs d’augmenter la part des énergies renouvelables dans la production d’électricité à 65 %, d’introduire du nucléaire de nouvelle génération (premières expérimentations dès 2027) et de réduire de moitié les besoins en énergie importée d’ici 2030.
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Ces améliorations inattendues ont été notamment permises par la performance de certains acteurs qui ont réussi à compenser le ralentissement des secteurs de l’automobile et des transports. Leurs exportations représentent au total près de 100 milliards d’euros. Le développement de nouveaux marchés et la réduction du déficit énergétique permettront à l’Italie de dépasser les 100 milliards d’excédents dans les années à venir. En 2025, la probable hausse américaine des droits de douane risque d’affaiblir les exportations de certains secteurs, notamment agroalimentaire et les vêtements, mais les opportunités offertes par les pays extra-européens pourraient compenser ces éventuelles pertes. En définitive, le gouvernement escompte atteindre 700 milliards d’euros d’exportations d’ici la fin de la législature (2027).