Influence : les accointances des parlementaires avec le lobby du tabac épinglées par un rapport du CNCT

Les politiques fiscales de lutte contre le tabagisme freinées par le lobby du tabac… et les parlementaires eux-mêmes. C’est le constat alarmant du rapport du Comité national contre le tabagisme (CNCT), publié lundi 3 mars.

L’efficacité des hausses du prix du tabac n’est pourtant plus à prouver : d’après les chiffres que dévoile le CNCT, une augmentation du prix au détail du tabac de 10 % conduit à une diminution moyenne des ventes d’environ 4 %, et les différentes hausses de taxes sur le tabac observées par le passé – lors du premier Plan cancer de Jacques Chirac et dans le cadre de la politique fiscale du paquet à 10 euros – se sont montrées concluantes.

Mais difficile pour la France, dont près d’un quart de la population fumait quotidiennement en 2022, de couper totalement les ponts avec l’industrie du tabac, ou au moins, de l’écarter de ses prises de décisions fiscales.

Des parlementaires sensibles aux arguments des buralistes

Le CNCT souligne une forte circulation des arguments de l’industrie du tabac dans le débat public : 97,2 % des arguments identifiés dans les articles de la presse professionnelle s’opposent à la mise en place de politiques fiscales sur les produits du tabac, contre 77,2 % dans les documents parlementaires et 64,3 % des arguments de la presse généraliste. Des chiffres qui en disent long sur un discours de santé publique « minoritaire dans le débat public en général, qu’il s’agisse de l’espace médiatique ou du débat politique ».

Du côté des questions parlementaires et réponses gouvernementales étudiées par le CNCT depuis 2020, le rapport relève 3 176 arguments en opposition à une hausse des taxes sur le tabac. Si la totalité des 25 parlementaires interrogés estiment que la consommation de tabac se traduit par un risque pour la santé du fumeur, paradoxalement, sept parlementaires interrogés minimisent les risques du tabac sur la santé, et neuf d’entre eux considèrent la concertation avec la filière tabac comme étant « utile à la santé publique », bien que la France ait ratifié la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac qui oblige les pays à la mise en place de mesures pour garantir la pleine indépendance des pouvoirs publics à l’égard de l’influence de l’industrie du tabac.

Pour expliquer leurs réticences à soutenir des politiques fiscales ambitieuses en matière de lutte contre le tabagisme, les parlementaires reprennent les arguments concoctés par les lobbies du tabac : la totalité des parlementaires considèrent que la mise en place de hausses de taxes sur le tabac entraîne une augmentation du commerce illicite, qui, d’après le rapport, ne représente que 0,8 % des ventes totales de tabac en France – contre 80 % en bureau de tabac.

Au total, près d’un tiers se sont se sont spontanément « déclarés opposés à la mise en place de mesures prohibitives et au ”tout interdit” ». Plus inquiétant encore, la majorité des parlementaires déclarent « ne jamais avoir été impliqué sur le sujet des produits du tabac » dans le cadre du Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), voté chaque année.

Le rapport du CNCT pointe aussi le double statut des buralistes comme « un obstacle majeur pour la santé publique », étant à la fois relais de l’administration dans certains territoires et relais d’influence de l’industrie du tabac. Une clarification de leur statut permettrait un « désengagement du réseau des buralistes sur les questions de réglementation
sur les produits du tabac et de la nicotine »
, ou encore l’interdiction de tout lien de financement par l’industrie du tabac.

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