REPORTAGE. Open d'Australie : dans les coulisses de l'arbitrage électronique, qui a relégué les juges de lignes hors des courts
Sur les courts de l'Open d'Australie, tout le monde s'est habitué. Depuis 2021, les arbitres de lignes ont disparu des courts à Melbourne, comme à l'US Open officiellement depuis 2024, pour laisser place à l'arbitrage électronique. Sur les courts, qui paraissent quelque peu déshumanisés, seul l'arbitre de chaise reste présent. À la place des arbitres de ligne, douze caméras couvrent l'intégralité de chaque court et des voix humaines, préenregistrées, se chargent automatiquement des annonces pour les fautes. En plus de l'annonce vocale, l'arbitre de chaise est averti par un signal lumineux sur son tableau de commande : rouge si la balle est faute, verte si elle est bonne.
"Les caméras sont placées à différents endroits du terrain, afin d'effectuer une triangulation et qu'elles puissent couvrir l'ensemble du court, explique auprès de franceinfo: sport Machar Reid, directeur des innovations au sein de Tennis Australia, la fédération australienne de tennis. Toutes les caméras sont connectées entre elles pour calibrer toutes les lignes du terrain. Elles voient les lignes, les rebonds des balles et parviennent ainsi à déterminer si la balle est à l'intérieur du court ou à l'extérieur." Sur les courts annexes, les 12 caméras blanches, positionnées tout autour du terrain, sont facilement visibles.
Pour permettre cet arbitrage vidéo, plusieurs dizaines d'ordinateurs, accompagnés de l'intelligence artificielle, et d'écrans sont nécessaires. Le dispositif est installé dans un centre opérationnel, où la moitié d'un étage y est dédiée. Dans cet espace, des rangées d'ordinateurs se succèdent et sont divisées en trois ou quatre box, chacun d'entre eux étant dédié à un court. Ici, le silence règne, chacun est concentré sur son match dans une ambiance studieuse.
L'humain toujours présent
Devant le box de la Kia Arena, l'un des courts intermédiaires de Melbourne Park en termes de capacité d'accueil de spectateurs, trois superviseurs sont installés devant cinq écrans et une télé. "Un officiel est toujours chargé de l'examen vidéo, qui vérifie les données en temps réel, détaille Machar Reid. Il y a donc toujours une composante humaine dans les décisions qui sont prises sur le terrain, non pas pour savoir si la balle est faute ou non [qui revient à la vidéo], mais plutôt pour vérifier d'autres paramètres, comme la faute de pieds par exemple."

Ces superviseurs, au nombre de trente sur l'intégralité du tournoi, ont à leur disposition tout un tas d'informations comme les ralentis, les trajectoires de balles ou encore les mouvements des joueurs. "Depuis son arrivée, le système ne se limite plus à suivre le jeu. Il permet aussi d'intégrer des données de performances, d'analyses techniques et biomécaniques des joueurs, lors de la retransmission télévisuelle", approfondit Machar Reid. Des données dont "la Fédération française de tennis [qui n'a pas encore franchi ce cap] pourrait être intéressée pour raconter des histoires et comprendre les données au fur et à mesure qu'elles se produisent sur le court", souligne-t-il.
La technologie a conquis la confiance des joueurs
A l'époque, la mesure avait divisé le circuit lors de sa mise en place. Novak Djokovic trouvait notamment que cela "[empêchait] les joueurs de se plaindre", tandis que Pierre-Hugues Herbert jugeait qu'elle rendait "la vie sur le circuit un peu moins chaleureuse". Elle est aujourd'hui totalement acceptée. Sur les courts de Melbourne, les joueurs ne contestent pas les décisions. Avec l'arbitrage électronique, les challenges, une sorte de VAR diffusée à la demande d'un joueur, n'existent plus. "Heureusement, les joueurs font désormais confiance à la technologie. Celle-ci est soumise à un processus d'approbation très rigoureux de la part de l'ITF [la fédération internationale de tennis]", souligne le directeur des innovations, Machar Reid.
"La technologie est impliquée dans notre sport depuis les années 2000, elles est donc très en pointe et développée pour les différentes fonctionnalités de notre sport."
Machar Reid, directeur des innovations au sein de Tennis Australiaà franceinfo: sport
Si le représentant de Tennis Australia ne s'aventure pas à donner des indications quant à la marge d'erreur de l'arbitrage vidéo, il assure qu'elles sont bien inférieures à celles de l'être humain. "C'est l'un des avantages. C'est objectif et immédiat", abonde-t-il. Pourtant, en août dernier à Cincinnati, l'arbitrage vidéo s'est fait épingler lors du match entre le Britannique Jack Draper et le Canadien Félix Auger-Aliassime. Sur une balle de match du Britannique, celui-ci a frappé la balle deux fois, sans s'en rendre compte, avant que celle-ci atterrisse victorieusement chez son adversaire. L'arbitre a déclaré Jack Draper vainqueur du match. Le ralenti prouvera l'erreur, mais la victoire sera toutefois donnée au Britannique.
En 2025, l'arbitrage électronique sera désormais la norme sur le circuit ATP. Les Grands Chelems ne dépendant pas de l'ATP, la décision quant à l'installation de ce système leur revient. Après avoir refusé, Wimbledon a annoncé le mettre en place dès cette saison, rompant avec la tradition des juges de ligne. Seul Roland-Garros, et ses marques de balles sur la terre battue, résiste encore. Mais pour combien de temps ?