L’œil de l’INA : Quincy Jones, « Paris, je t’aime 10 000 fois »

En près de 70 ans de carrière, Quincy Jones a composé et orchestré d’innombrables mélodies entrées dans la légende. Il a remporté 28 Grammy Awards et accroché sur ses murs des centaines de disques d’or et de platine. Combien exactement ? Il avouait en ignorer le nombre exact ! Si, en son temps, Michael Jackson n’a jamais manqué de rappeler qu’il lui devait Off the Wall, Thriller et Bad, on oublie souvent que le musicien, également producteur, est, entre autres, à l’origine de quelques – uns des plus grands succès de Frank Sinatra et Ray Charles, mais aussi, entre autres, des rythmes de l’Aérobic qui fait partie de la légende de Jane Fonda. 

Madelen vous propose de découvrir ou de redécouvrir des images résumant une vie professionnelle qui doit beaucoup à la France. C’est là , en effet, en 1957, que tout a débuté. Passionné de musique depuis ses très jeunes années, il décide à 20 ans de prendre les cours de musique pour cordes indispensables pour réaliser son rêve : devenir chef d’orchestre . Ses origines afro-américaines lui interdisant l’entrée de toutes les écoles à New York, il casse sa tirelire et embarque à bord d’un bateau pour Le Havre. Il sait qu’il existe à Paris une classe où les étrangers, quelle que soit leur couleur de peau, sont admis pour apprendre les bases du classique. C’est ainsi qu’il se retrouve, rue Ballu, face à Nadia Boulanger, également directrice du Conservatoire américain de Fontainebleau. 

Trois fois par semaine, dans son appartement, cette pédagogue hors normes, dont les amis s’appellent Stravinsky, Gershwin et Ravel, enseigne l’écoute et l’analyse des partitions, à travers ce qu’elle a baptisé des « cours d’émerveillements musicaux ». Celle que ses élèves, parmi lesquels Michel Legrand, appellent respectueusement « mademoiselle » est la première à croire au talent de cet apprenti musicien de 23 ans. Elle l’encourage à travailler sans relâche. Il l’écoute sans discuter. Évoquant beaucoup plus tard cette époque, il disait « elle me répétait sans cesse : Quincy, il n’existe que douze notes. Tant qu’il n’y en existera pas de treizième, apprends tout ce que tu peux savoir quant à ce que les autres ont fait de ces douze notes. C’est exactement ce que j’ai fait »

Il passe ses nuits dans les clubs, et débute comme trompettiste dans l’orchestre de jazz de Lionel Hampton . C’est là qu’il est repéré par Eddie Barclay. Chef d’orchestre à l’origine, il a créé, quelques années auparavant, une maison de disques dont le succès a fait de lui « le roi du microsillon ». La sympathie réciproque est immédiate et va se transformer en une indéfectible amitié. Dès leurs premiers échanges, Eddie Barclay propose à Quincy Jones de rejoindre son équipe de directeurs artistiques. Le musicien qui a passé quelque temps dans la formation de Dizzy Gillespie puis tenté, en vain, de monter son propre spectacle, accepte sans hésiter. 

Pendant cinq ans, avant de retourner aux États-Unis, il va passer des jours et des nuits en studio et travailler, en coulisses, avec Henri Salvador, Boris Vian, Jacques Brel, Charles Aznavour, Claude Nougaro et Nana Mouskouri. Quand, en 1960, il a entendu le timbre de cette jeune grecque timide, venu tenter sa chance en France, il a immédiatement cru en son avenir C’est grâce à lui qu’elle a enregistré à New York un album de classiques du jazz qui lui a ouvert les portes d’une carrière internationale. 

Jusqu’à ces dernières année Quincy Jones a régulièrement fait des détours par la France, en particulier pour assister aux « Nuits Blanches » hautes en couleurs d’Eddie Barclay, dans sa villa de Saint-Tropez. En 2015, il a produit trois titres de l’album de Zaz, Paris , parmi lesquels un duo avec Charles Aznavour. Enfin, le 27 juin 2019, il a fêté ses 86 ans en donnant un concert exceptionnel à Bercy, en présence de plusieurs générations de stars, de Nana Mouskouri à Ibrahim Maalouf en passant par Véronique Sanson. « Je suis tellement heureux de revenir chez moi, a-t-il lancé en français devant des gradins combles. J’ai vécu 66 ans d’amour avec cette ville, ses habitants, ses plats, ses vins, ses femmes. Merci ! Paris, je t’aime 10 000 fois ! ». Sa plus belle histoire d’amour.