«La stabilité politique est aussi une aspiration des travailleurs» : la CFDT appelle à ne pas censurer le gouvernement
La suspension de la réforme des retraites est «une grande victoire pour les travailleurs», s’est réjouie Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, sur France Inter. Elle a réaffirmé l’opposition de la CFDT à l’âge de départ unique à 64 ans, «profondément injuste», et appelé le premier ministre à laisser les syndicats «imaginer un système qui soit beaucoup plus juste socialement».
«Il y avait besoin de ce signal politique pour aborder les débats» sur le budget, a-t-elle affirmé, soulignant que «cette réforme n’a jamais été digérée» par les Français, et que son passage par le 49.3 malgré une forte opposition dans la rue a «laissé une blessure démocratique importante».
Marylise Léon a relevé qu’«une partie de l’hémicycle avait fait de cette suspension une condition» posée au gouvernement afin d’éviter la censure, rappelant, alors qu’une large partie de la gauche souhaite toujours voir tomber l’exécutif, que «la stabilité politique est aussi une aspiration des travailleurs».
Roland Lescure annonce 25 milliards d’euros d’économies et 14 milliards d’euros de hausses d’impôts, dont « 2,5 milliards » seront demandés aux plus riches
Les dés sont jetés. « Devant chaque “+” il faudra trouver un “-” », a averti le ministre de l’Économie, Roland Lescure, au micro de RTL ce mercredi matin. Il a rappelé son objectif de ramener le déficit à 4,7 % en 2026, avant de redescendre sous la barre des 3 % du PIB d’ici à 2029.
« Ce n’est pas pour faire plaisir aux marchés ! En dessous de 3 %, on stabilise la dette », a-t-il prévenu, tout en se disant attentif aux effets sur l’économie réelle : « les hausses d’impôts, les hausses de taux d’intérêt… Tout ça a un impact sur l’économie, et derrière sur l’emploi, le pouvoir d’achat », s’est-il expliqué.
L’addition ? « Au total, on va faire 25 milliards d’économies, il y aura 8 milliards de charges de la dette - incompressibles - et 14 milliards de hausses d’impôts », dont « 2,5 milliards » qui seront demandés aux plus riches. « C’est quand même pas mal », a déclaré Roland Lescure.
Le coût de la suspension de la réforme des retraites «devra être financé», prévient Amélie de Montchalin
«Nous n’avons pas la majorité absolue», a concédé la ministre des Comptes publics Amélie de Montchalin sur TF1, justifiant ainsi la concession de Sébastien Lecornu sur la réforme des retraites. «Soit on constate le blocage et on en reste là, soit on trouve un compromis», a-t-elle insisté, assurant que la priorité est de «donner un budget à la France».
«On suspend pour se donner le temps de trouver des solutions» et dépasser le blocage, mais «ce que ça coûte devra être financé», a prévenu Amélie de Montchalin.
Quant à ceux à droite qui appellent à la censure du gouvernement face à ce recul, la ministre assure que «la censure coûte beaucoup plus cher au pays» que la suspension de la réforme.
L’éditorial de Vincent Trémolet de Villers : «Quand le macronisme retourne au socialisme»
François Hollande a applaudi l’exercice de ventriloque. Olivier Faure n’était pas peu fier de la performance. Le premier ministre a parfaitement récité, à la tribune, le texte du Parti socialiste. Tête baissée, Sébastien Lecornu a transformé sa déclaration de politique générale en grande braderie d’automne : le 49.3 au rabais ! La suspension de la réforme des retraites, c’est offert par la maison !
Moment pénible de l’entendre hausser le ton à mesure qu’il baissait pavillon. Sébastien Lecornu a reculé comme un lion ; Emmanuel Macron est revenu à la source de sa vie politique : le socialisme. C’est le propre des capitulations de s’habiller de rodomontades ; ainsi a-t-on pu entendre que ceux qui ne suivent pas le gouvernement ne seraient pas « les amis de la France ». Laurent Wauquiez, qu’on a connu moins avenant envers la gauche plurielle, a tenu à peu près la même rhétorique sans dire un mot sur les retraites.
Un projet de budget mouvant entre hausse de la fiscalité et maîtrise des dépenses
Le gouvernement Lecornu a également présenté mardi un projet de budget combinant hausse de la fiscalité et maîtrise des dépenses pour redresser des comptes publics dégradés. Entérinés en conseil des ministres, les projets de budget de l’État (PLF) et de la Sécurité sociale (PLFSS) vont désormais être examinés au Parlement, in extremis pour permettre leur adoption d’ici le 31 décembre.
D’un coût de 400 millions d’euros en 2026 et 1,8 milliard en 2027, la suspension de la réforme des retraites devra «être compensée par des économies», a prévenu Sébastien Lecornu. Refusant d’être «le premier ministre d’un dérapage des comptes publics», il a toutefois déjà lâché du lest sur l’objectif de réduction du déficit, donnant de la marge pour d’éventuels compromis. Après 5,4% en 2025, il ambitionne «moins de 5%» l’an prochain, plutôt que les 4,7% mentionnés dans le PLF, tandis que la prévision de croissance est abaissée à 1% (après 0,7% en 2025).
À ce stade, le gouvernement prévoit un effort d’une trentaine de milliards d’euros, dont 17 milliards d’euros sur les dépenses et près de 14 milliards en recettes nouvelles, d’après un chiffrage du Haut conseil des finances publiques. Les dépenses de l’État baisseront, sauf pour la défense (+6,7 milliards), l’intérieur (600 millions) et la justice (200 millions).
Les pensions de retraite et prestations sociales seront gelées. L’abattement de 10% sur les retraites est remplacé par un abattement forfaitaire de 2000 euros. Un gel du barème de l’impôt sur le revenu et de la CSG doit rapporter 2,2 milliards. En tout, 23 niches fiscales (sur 474) «obsolètes» ou «inefficaces» sont supprimées pour environ 5 milliards d’euros. Plus de 3.100 postes de fonctionnaires sont supprimés. Côté recettes, le barème de l’impôt sur le revenu est gelé, se traduisant par 200.000 «nouveaux entrants» dans cet impôt, selon Bercy. Les plus aisés sont visés par une hausse de la fiscalité, dont l’affectation (infrastructures, écologie, défense,...) sera soumise à débat, d’après la même source.
Le gouvernement Lecornu 2 peut-il désormais éviter la censure ?
Deux motions de censure déposées par le Rassemblement national et La France insoumise seront examinées jeudi à l’Assemblée. En accédant à la demande du Parti socialiste de suspendre la réforme des retraites, le premier ministre Sébastien Lecornu s’est-il mis à l’abri ? Testez les différents scénarios avec notre simulateur.
Des oppositions unanimement critiques
Dans sa décision de ne pas censurer le gouvernement, le PS se trouve isolé à gauche. La présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, a affirmé que son groupe «ira(it) à la censure», fustigeant une «petite suspension» de la réforme. Même tonalité très offensive de Stéphane Peu, chef du groupe des députés communistes et ultramarins, qui en majorité voteront la censure, même si le patron du parti Fabien Roussel a évoqué une «première victoire».
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«Une réforme imposée contre tout un peuple (...) ne se suspend pas, elle s’abroge», a martelé la cheffe des Insoumis, Mathilde Panot, refusant de participer au «sauvetage» du gouvernement.
À droite, le président des Républicains (LR) Bruno Retailleau a accusé le gouvernement d’être «l’otage des socialistes». En réponse, l’ex-président de LR Éric Ciotti, désormais allié de Marine Le Pen, lui a proposé une «rencontre pour poser les bases d’un renversement d’alliance à droite avec le RN». Quant au président du RN Jordan Bardella, il a brocardé «l’amicale des sauveurs d’Emmanuel Macron» dont «le seul dénominateur commun» serait «la peur des urnes».
Sébastien Lecornu concède au PS le totem des retraites au nom de la stabilité
Sébastien Lecornu a cédé pour espérer une sortie de crise. Le premier ministre a annoncé mardi devant l’Assemblée la suspension de la réforme des retraites, symbole de la présidence Macron, obtenant la clémence au moins temporaire des socialistes, qui en faisaient une condition incontournable pour épargner la censure au gouvernement.
Saluant comme la CFDT, avec cette suspension, «une victoire» autant qu’un «premier pas qui permet d’envisager les suivants», le chef des députés PS Boris Vallaud a dit dans sa réponse à la déclaration de politique générale du premier ministre vouloir faire «ce pari de donner (...) un budget juste au pays». «Nous ne censurerons pas dès la discussion de politique générale le Premier ministre», a explicité le premier secrétaire du PS, Olivier Faure, sur TF1, demandant à ses troupes de «respecter» la décision collective de son parti. «Est-ce que ça veut dire que nous allons tout accepter» dans le budget présenté par M. Lecornu ? «La réponse est non. Le débat ne fait que commencer et je suis aussi déterminé à arracher d’autres victoires», a ajouté M. Faure.
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Au milieu d’un discours sobre, qui n’a pas dépassé la demi-heure, point d’orgue de journées d’immense tension politique, la sentence attendue est tombée mardi après-midi: «Je proposerai au Parlement dès cet automne que nous suspendions la réforme de 2023 sur les retraites jusqu’à l’élection présidentielle», a annoncé M. Lecornu dans l’hémicycle du palais Bourbon. «Aucun relèvement de l’âge n’interviendra à partir de maintenant jusqu’à janvier 2028, comme l’avait précisément demandé la CFDT. En complément, la durée d’assurance sera elle aussi suspendue et restera à 170 trimestres jusqu’à janvier 2028», a précisé le chef du gouvernement.
Il a également confirmé l’abandon de l’utilisation de l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’un texte sans vote.
Bienvenue sur ce direct
Bonjour à tous, Sébastien Lecornu a obtenu un sursis hier en concédant au Parti socialiste le totem des retraites au nom de la stabilité. Mais deux motions de censure déposées par le Rassemblement national et La France insoumise seront examinées jeudi.