Bulgarie : un vote tendu dans un chaos favorable à l'extrême droite prorusse

Les scrutins se suivent et se ressemblent dans le pays le plus pauvre de l'UE : les Bulgares vont voter ce dimanche pour élire le Parlement à l’occasion de leurs septièmes législatives depuis 2021, sans réel espoir d’échapper au spectre de l'extrême droite prorusse.

«Nous en avons ras le bol, c'est certain», témoigne Aneliya Ivanova dans les rues de Sofia, la capitale. «Nous sommes fatigués d'être coincés dans ce manège qui tourne et tourne, avec au bout toujours le même résultat», ajoute cette informaticienne de 33 ans, en écho aux enquêtes d'opinion montrant que plus de 60% des Bulgares jugent la situation «extrêmement inquiétante».

Avec cette crise politique sans précédent depuis 1989, les nationalistes prorusses de Vazrajdane (Renaissance) s'installent durablement dans le paysage politique. Les sondages donnent 13 à 14% pour cette formation, soit autant que les réformateurs de CC/BD, qui eux perdent du terrain au fil des scrutins.

Mené par l'ancien Premier ministre Boïko Borissov, le parti GERB est crédité, pour sa part, d'environ 26% des intentions de vote. Mais il risque là encore de ne pas trouver d'alliés pour former une majorité, dans un Parlement extrêmement morcelé. Et le taux de participation s'annonce tout aussi faible. Il y a cinq mois, seulement 34% des électeurs s'étaient déplacés aux urnes, le niveau le plus bas depuis la chute du communisme il y a 35 ans.

Une loi contre la «propagande» LGBT+

Très présent pendant la campagne, Vazrajdane peut faire valoir auprès de son électorat l'adoption cet été par le Parlement à son initiative d'une loi contre la «propagande» LGBT+ dans les écoles. Un texte directement inspiré de la Russie, dans ce pays certes membre de l'Otan mais toujours très russophile, où pullulent les sites favorables au Kremlin. «L'influence de Vazrajdane s'accroît au point que le parti devient un partenaire potentiel pour Gerb», commente pour l'AFP Dobromir Jivkov, directeur de l'institut Market Links.

M. Borissov, qui a soutenu la loi controversée, a ouvert la porte à un rapprochement tout en admettant que ses «partenaires à Bruxelles et Washington ne permettraient pas» un tel scénario. Quand il gouvernait, le vétéran de 65 ans a toujours pris soin de ménager la Russie, tout en respectant les positions de l'UE et de l'Otan. Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, il s'est clairement rangé contre Moscou, mais une éventuelle victoire de Donald Trump à la présidentielle américaine pourrait changer la donne, selon l'analyste.

L'élection du candidat républicain et son «indulgence envers les péchés de corruption» pourraient aussi favoriser une coalition de GERB avec l'ancien magnat Delyan Peevski, visé par des sanctions américaines et britanniques.

Le député de 44 ans a créé une faction dissidente au sein du parti de la minorité musulmane (MDL), qui pourrait recueillir plus de 7% des suffrages, voire plus, l'opposition pointant le risque de fraudes électorales. «Nous en sommes réduits à espérer un gouvernement pour rafistoler les choses au moins pour quelques mois», confie le retraité Georgy Hristov. «Si beaucoup resteront chez eux», lui ira voter même s'il n'en voit «plus l'intérêt».

Le marasme, qui inquiète les investisseurs étrangers, a mis en suspens les réformes anticorruption et de transition énergétique, compromettant le versement de milliards d'euros de fonds européens. La situation a également provoqué le report de l'adhésion à la zone euro et de l'accession pleine et entière à l'espace de libre circulation Schengen. Sans compter le coût de l'organisation des sept élections, se chiffrant à plus de 300 millions d'euros.

Les bureaux de vote ouvrent à 07H00 (05H00 GMT), pour de premières estimations à la sortie des urnes publiées vers 20H.