Timothée Chalamet: «Ce serait bien qu’une figure comme Bob Dylan surgisse aujourd’hui»
Après Londres, où il a fait forte impression en arrivant à la première de son film à vélo partagé Lime pour échapper aux bouchons, Timothée Chalamet a fait halte à Paris pour promouvoir Un parfait inconnu . Dans ce portrait de jeunesse, signé James Mangold qui sortira dans les salles françaises le 29 janvier, il disparaît sous les traits d’un jeune Bob Dylan qui vient bousculer la folk musique devenant son égérie avant de se tourner vers d’autres horizons dans le New York des Sixties. Pour parler de cette transformation qui a occupé six ans de sa vie et pour laquelle il a appris la guitare, l’harmonica et le chant, le comédien franco-américain de 29 ans, idole de la génération Z, donnait jeudi, au Bristol, une conférence de presse. Il était entouré de son réalisateur et de ses partenaires Edward Norton, qui campe son mentor Pete Seeger et Monica Barbaro, qui incarne Joan Baez.
Soucieux de s’exprimer dans la langue de Molière, Timothée Chalamet, qui arbore toujours la petite moustache de son film Marty, ne s’est pas facilité la tâche dans un franglais joyeux et décousu. Il aurait sans doute été plus à l’aise pour développer et nuancer ses propos en anglais. «Désolé, je cherche depuis hier mes mots. Généralement, il me faut une ou deux semaines en France pour les retrouver», a-t-il regretté.
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«Le rôle de Bob Dylan est celui qui m’a le plus marqué de toute ma carrière», a confié, en préambule, celui qui a campé le héros de Dune, Paul Atréides, et Willy Wonka. «Il y avait 10.000 raisons qui m’attiraient dans ce projet. On me l’a proposé au tout début de ma carrière en 2018 juste après Call Me By Your Name. On m’a envoyé énormément de matériel de recherches. J’ai écouté sa musique mais ce sont ses interviews qui m’ont convaincu. J’ai été frappé par son attitude mystérieuse et son amour pour la confrontation. Il y avait un vrai personnage qui ne répondait jamais vraiment aux questions ou par quelque chose de bizarre qui n’avait aucun sens !».
« Le rôle de Bob Dylan est celui qui m’a le plus marqué de toute ma carrière »
Timothée Chalamet
Un parallèle avec la Nouvelle-Vague
«J’ai ensuite compris que sa musique avait énormément voyagé en France, au Japon. J’ai grandi en écoutant ITunes : du rap, du hip-hop, de la pop, en 2008-2009. Avec ce film et grâce à Bob Dylan, je me suis ouvert à d’autres artistes des Sixties : les Beatles, les Rolling Stones. Y compris les chansons moins connues de leur répertoire», a noté le comédien, qui a ressenti une pression particulière à interpréter les titres les plus emblématiques de Bob Dylan, tel Like A Rolling Stone. «Je me sentais plus piégé alors qu’il y a une certaine liberté à jouer, seul avec sa guitare, des standards de la folk».
Timothée Chalamet a aussi tiré un parallèle entre la vitalité de la musique aux États-Unis et la nouvelle vague cinématographique en France «qui cherchait elle aussi à faire bouger les attitudes artistiques». «Pour les jeunes de 25 à 18 ans qui n’ont pas eu cette éducation, cette culture était vraiment une manière de comprendre le monde. C’est encore vrai à notre époque où c’est encore plus difficile de réunir tout le monde dans la même pièce et de s’ouvrir au monde», a-t-il plaidé.
Il salue le désir d’authenticité de James Mangold. Le cinéaste a insisté auprès de ses acteurs : «Le focus d’Un Parfait inconnu est sur des relations interpersonnelles entre des jeunes gens qui ne mesurent pas l’onde de choc que dégagent leurs ongles sur les cordes d’une guitare et comment une culture populaire peut aussi être un commerce». «Nous nous sommes complètement immergés dans l’art de vivre des années 60, assure Timothée Chalamet. Nous avons mis nos téléphones de côté !».
« Dans les années 1960, ce genre de musique et d’artistes, comme Bob Dylan ou Joan Baez pensaient que l’art pouvait changer un aspect politique ou une attitude culturelle »
Timothée Chalamet
Si Bob Dylan a été très impliqué dans le scénario du film et a eu de longues conversations avec James Mangold. Il n’a pas rencontré son alter ego. «J’aurais bien aimé, avoue Timothée Chalamet. J’en ai toujours terriblement envie. Mais mon respect pour Bob Dylan est encore plus grand que ce désir. J’ai bien compris que c’est quelqu’un de mystérieux. Bob Dylan n’est peut-être pas le genre à répondre au public et à se faire des nouveaux amis à 83 ans !».
Interrogé par l’AFP à quatre jours de l’investiture de Donald Trump pour savoir s’il avait plongé avec nostalgie dans les années 1960, où de nombreux artistes s’engageaient pour les droits civiques, Timothée Chalamet a filé la comparaison avec sa propre génération. « Dans les années 1960, ce genre de musique et d’artistes, comme Bob Dylan, Joan Baez ou (l’auteur) James Baldwin n’avaient pas de précédent. Ceux-ci pensaient que l’art pouvait changer un aspect politique ou une attitude culturelle», a-t-il poursuivi. «Aujourd’hui, il y a un cynisme plus fort. Pour la jeune génération américaine, française et aussi globale, les obstacles sont peut-être plus intenses que dans les années 1960, les obstacles de l’environnement ou politiques». Et de conclure : «Il serait bien qu’une figure comme Dylan saute (surgisse, NDLR) mais, là aussi, il y a du cynisme... Si quelqu’un lance une chanson éthique, optimiste, on pensera qu’il y a un côté genre “corporate”, qu’il le fait dans son propre intérêt».
Avec 53 millions de recettes au box-office américain, Un parfait inconnu est un des plus gros succès du studio Searchlight et semble bien parti pour la course aux Oscars, qui annonceront leurs nominations jeudi 23 janvier. Timothée Chalamet pourrait y récolter sa deuxième nomination à la statuette du meilleur acteur. En cas de victoire, il sera le plus jeune lauréat de la catégorie. Alors qu’il aura trente ans en décembre prochain, Timothée Chalamet a confié avoir laissé partir pas mal de ses peurs de jeunesse et ses appréhensions. «La vie est trop étrange pour cela».
Un Parfait inconnu sortira en France mercredi 29 janvier.