5 choses à retenir des Geneva Watch Days

Du 4 au 7 septembre derniers, la belle présence horlogère (66 marques) et la fréquentation (17000 visiteurs) ont fait de ces Geneva Watch Days (GWD) une réussite. C’est même dans une ambiance étonnamment joyeuse que le secteur a fait sa rentrée au salon de Genève. Pourtant, le Swiss Made est à la peine alors que les taxes sur les importations aux États-Unis de 39% sont entrées en vigueur le 7 août. Un contexte plus que tendu mais l’horlogerie a montré, durant cette édition, sa résilience à travers sa créativité, son dynamisme et ses innovations technologiques.

1 - L’ombre de Trump et la résilience des horlogers

Le monde du Swiss Made attendait un verdict, ou plutôt un miracle, quant aux 39% de droits de douane supplémentaires appliquées par l’Amérique de Donald Trump aux productions helvètes. Ces surtaxes entrées en vigueur le 7 août alimentaient donc les conversations dans les dîners pour collectionneurs avertis et les suites des palaces genevois transformées, l’espace de quelques jours, en showrooms. Toutefois, « si le contexte pouvait laisser présager une rentrée difficile pour l’industrie, c’est tout l’inverse qui s’est produit à Genève lors de cette première semaine de septembre », a estimé Jean-Christophe Babin, président de l’Association des Geneva Watch Days et CEO du groupe Bulgari. Le salon, l’un des rendez-vous horlogers les plus créatifs de l’année, a d’ailleurs montré le dynamisme du secteur et notamment des indépendants, avec la présence près de 1900 professionnels dont 300 détaillants et 500 médias et influenceurs.

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2 - Le retour des belles montres à moins de 1000 euros

Dans la lignée du phénomène «Quiet luxury» observé ces derniers mois dans la mode - à savoir, des produits de qualité, sans logos et discrets -, certaines marques horlogères renouent avec une esthétique chic et sobre. Telle Dennisson, vénérable maison britannique récemment relancée, qui a fait appel au célèbre designer Emmanuel Gueit (dont le premier fait d’armes fut de dessiner la Royal Oak Offshore pour Audemars Piguet en 1993). Le Suisse a ainsi imaginé une montre de luxe d’inspiration vintage, aux lignes épurées et au cadran en pierre dure à l’esprit seventies (en aventurine, lapis-lazuli, malachite ou œil-de-tigre) nommée ALD Dual Time pour son double fuseau horaire. Outre son charme, le modèle plaît par son prix accessible (790 euros), Dennisson ayant fait le choix d’un mouvement quartz. Au poignet, le modèle rivalise en style avec des pièces trente fois plus onéreuses… D’aucuns lui trouvent un air de famille avec les montres Piaget vintage, sans doute car Emmanuel Gueit tient de son père qui en fut le designer!

Avec son ALD Dual Time, Dennisson revendique une nouvelle horlogerie, belle et accessible. COREY CRAWFORD

Autre révélation de ce salon, Beda’a, la jeune marque basée au Qatar dirigée par un brillant trentenaire venu de Jordanie et de Palestine, Sohaib Maghnam. Son Éclipse 2 a été présélectionnée pour le prochain Grand prix d’horlogerie de la ville de Genève, tandis que sa nouvelle Blue Angles au cadran laqué et à la forme octogonale reprend l’axe fondateur de la marque : réinterpréter l’architecture arabe dans l’univers horloger. Éditées à une centaine d’exemplaires par an, les créations de ce jeune designer associent boîtier en acier de 37 mm et mouvement quartz suisse, pour un prix en dessous des 5000 euros.

La jeune marque Beda’as réinterprète l’architecture arabe dans l’univers horloger. Bedaa

La Gentamania toujours d’actualité

Le Quiet luxury, Gérald Genta aurait pu l’inventer! Le plus culte des designers horlogers, le père de la Royal Oak, de la Nautilus et de la Pasha, est décédé en 2011, mais la marque qu’il avait fondée a été acquise et relancée en 2023 par l’entité horlogère La Fabrique du Temps Louis Vuitton. Cette dernière a profité de ces Geneva Watch Days pour dévoiler une magnifique Répétition Minute à un prix non moins remarquable - 350 000 euros. Inspirée d’un modèle de 1982, cette création de haute horlogerie a été peaufinée par un trio de talent : Matthieu Hegi, directeur artistique de la maison, avec Enrico Barbasini et Michel Novas, les deux maîtres horlogers de légende à l’origine de cette «Fabrique». Si la complexité et la clarté de sa sonnerie ont fasciné les amoureux des complications, le design pur de son boîtier aux deux godrons en or jaune poli et son cadran en onyx, ont littéralement conquis la gent féminine du salon. Et ce n’est pas si fréquent!

Pour le plaisir des yeux, la Genta Répétition minutes à 350000 eurso. Gérald Genta

Des technologies révolutionnaires

On vante souvent le savoir-faire séculaire de l’horlogerie comme de l’artisanat d’art. Mais à nouveau siècle, nouvelles méthodes! Ainsi, TAG Heuer a profité du salon genevois pour introduire sur ses chronographes Carrera (41 500 €) et sa Monaco (17700 €) produite à 50 exemplaires, un oscillateur futuriste. Fabriqué en composite de carbone, il bénéficie de la technologie à échelle atomique, TH-Carbonspring, mise au point par le Tag Heuer Lab: au sein d’une chambre à haute température, des gaz hydrocarbone se décomposent à une température comprise entre 600 et 850°C sur une couche de catalyseur métallique; cette réaction contrôlée permet de construire, atome par atome, un composant de carbone en trois dimensions. Le spiral obtenu est ainsi antimagnétique - le Graal de l’horlogerie -, résiste aux chocs et offre une chronométrie exceptionnelle.

Cette Monaco collector de Tag Heuer, produite à 50 exemplaires, embarque un spiral en carbone révolutionnaire. TAG Heuer

Du côté d’Ulysse Nardin, la Freak [X Crystalium] (42350 €) produite à 50 exemplaires arbore, elle, un cadran aux faux airs de pépite d’or. Son disque rotatif des heures est conçu en Crystalium, un matériau composé de ruthénium, un métal dix fois plus rare que le platine réputé pour sa robustesse et son éclat. Pour le façonner, le ruthénium subit un processus lent et contrôlé de cristallisation par dépôt en phase vapeur — similaire à la formation du givre sur une vitre. Ce procédé complexe, fruit de plusieurs années de perfectionnement, génère des structures cristallines naturelles, géométriques et impossibles à reproduire à l’identique.

La Freak [X Crystalium] d’Ulysse Nardin éditée à 50 exemplaires contient un disque rotatif des heures est conçu en Crystalium, un matériau ultra-technologique. Ulysse Nardin
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L’éveil de la Chine

Bientôt, en matière de montres, on ne dira plus made in China, mais made by China. Deux lettres qui changent tout! L’Empire du Milieu collabore depuis longtemps avec le Swiss Made en produisant certains composants. Désormais, elle monte en gamme, tout comme elle commence à le faire en mode et en joaillerie. Ainsi, de nouvelles maisons de haute horlogerie chinoises revendiquent une qualité et une créativité qui n’ont rien à envier à celles du haut continent. C’est le cas de Behrens, fondée en 2012 à Shenzhen, qui a frappé fort à Genève avec une édition limitée de haut vol conçue par l’un des pionniers de l’horlogerie indépendante contemporaine, Vianney Halter. Jusque-là, les montres ultralégères de Behrens pouvaient être aperçues en France au poignet du youtubeur Clément Entretemps, et achetées au sein de sa Watch Gallery parisienne.

La Master Collection KWH de Behrens affiche un design industriel inspiré des anciens compteurs d’électricité Behrens

Désormais, la marque franchit un cap avec une Master Collection KWH au design industriel inspiré des anciens compteurs d’électricité. L’affichage des heures s’appuie sur un système mécanique à micro-chaîne à rubis breveté : un « serpent pixélisé » composé de sept points tourne en continu autour du cadran. Le calibre à remontage manuel BM06 compte 870 composants et comprend un système de compensation de température, garantissant la stabilité du mécanisme à micro-chaîne quel que soit l’environnement. Chaque version, or blanc ou or rose, est limitée à neuf exemplaires, pour un prix avoisinant les 50 000 euros.