XV de la Rose à la peine, ratés en Champions Cup, exode des internationaux… Un contexte sportif bien sombre
Les résultats récents du rugby anglais illustrent les difficultés actuelles outre-Manche. États des lieux.
Un XV de la Rose qui a perdu du piquant
Thomas Ramos reste méfiant avant le Crunch de ce samedi : « Ils ont fait une meilleure Coupe du monde que nous. » Sur le papier, oui, mais dans les faits, l’Angleterre - complètement à la dérive avant le limogeage d’Eddie Jones (5 victoires en 12 matchs) - a surtout bénéficié d’un tableau hyperfavorable, sans les principaux favoris, pour terminer troisième de la dernière Coupe du monde. L’équipe entraînée par Steve Borthwick n’a guère été rassurante par la suite : elle n’a en effet remporté que 3 de ses 10 derniers matchs, avec deux succès face au modeste Japon. Si les Anglais ont affiché des progrès et retrouvé de leur agressivité, ils restent encore coupables de trous d’air. Comme lorsqu’ils se sont effondrés samedi dernier face à l’Irlande.
Le XV de la Rose est donc toujours en reconstruction. « Nous avons fait un pas en avant en attaque », avance Steve Borthwick. Reste que l’Angleterre, capable du meilleur (battre l’Irlande l’an dernier dans le Tournoi) comme du pire (s’écrouler contre la Nouvelle-Zélande et l’Australie à l’automne), a du mal à exister dans la compétition ancestrale. Depuis le passage à six nations en 2002, elle n’a réalisé que deux Grands Chelems (2003, 2016), quand la France et le pays de Galles l’ont fait quatre fois, l’Irlande, trois.
À la dérive en Champions Cup
En pleine crise financière, les clubs anglais sont aussi à la dérive, cette saison, en Champions Cup. Longtemps, les écuries de Premiership ont brillé sur la scène continentale (10 titres, contre 12 pour la France et 7 pour l’Irlande) mais le fait de resserrer l’élite à 10 clubs n’a pas donné des ailes aux Anglais. Les larges défaites face aux clubs du Top 14 se sont multipliées et interpellent. Cinq clubs anglais ont réussi à se hisser en 8es de finale (6 l’an dernier), mais les perspectives de victoire finale face aux ogres que sont Toulouse, l’UBB et le Leinster semblent illusoires. Après le naufrage de Leicester à Toulouse (80-12), la presse britannique avait évoqué « un après-midi de misère indescriptible » pour les Tigres des Midlands, complètement « déchiquetés ». Dans un passé récent, l’Angleterre dictait sa loi en Europe avec une quasi-hégémonie en cinq ans entre la démonstration de force des Saracens (2016, 2017, 2019) puis le premier sacre d’Exeter en 2020. Un temps révolu…
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Le championnat anglais est loin de soulever le même enthousiasme qu’en France. Conséquence : les droits télé y sont en effet presque trois fois moins élevés (42 M€ par an contre 113 M€ pour le Top 14). Et, avec une élite resserrée à 10 clubs, les recettes de billetterie ont également été réduites. « En France, on ne se rend pas compte de la ferveur et de la passion qu’il y a pour le rugby, nous avait confié l’Anglais Joe El Abd, ancien manager d’Oyonnax (Pro D2), désormais dans le staff du XV de la Rose en charge de la défense. Les journaux et les télévisions parlent de ce sport, tous les matchs sont télévisés. En Angleterre, il n’y a pas la même dynamique en ce moment… » Déclassement.
La fin d’un exode massif à l’étranger
Face à la grave crise structurelle qui frappe le rugby anglais, beaucoup d’internationaux, certes en fin de carrière internationale, ont décidé de traverser la Manche pour rejoindre le Top 14. On pense ainsi à Billy Vunipola (Montpellier) et son frère Mako (Vannes), Manu Tuilagi (Bayonne) ou Courtney Lawes (Brive). Mais d’autres ont volontairement mis leur carrière internationale entre parenthèses en choisissant l’exil. C’est le cas des flankers Jack Willis (Toulouse) et Lewis Ludlam (Toulon), du pilier Kyle Sinckler (Toulon) ou du centre Joe Marchant (Stade Français), qui pourraient prétendre à une place de titulaire avec l’Angleterre. Pour deux autres joueurs emblématiques, retournement de situation : l’ailier Henry Arundell va quitter le Racing 92 (il s’est engagé ce jeudi avec Bath) et son coéquipier dans les Hauts-de-Seine, l’ouvreur star Owen Farrell, pourrait également retourner au pays, des rumeurs font état de contacts avec Leicester. Fin de la fuite des talents ?
La RFU est en tout cas restée ferme sur sa politique d’éligibilité, ce qui a fait grincer beaucoup de dents. Les raisons de croire à un renouveau ? « Les succès des équipes de jeunes, avance Charlie Morgan, du Telegraph. Les U20 anglais viennent de faire le doublé en 2024 (Six Nations et championnat du monde). On l’a vu avec la France, cela devrait offrir à l’équipe nationale beaucoup de talents, parmi lesquels Asher Opoku-Fordjour et Henry Pollock qui sont déjà en train de percer. » La France prise comme modèle, autre signe que les choses ont bien changé.