«Il n’avait aucune limite» : à Nice, un chauffard condamné à 5 ans de prison pour un refus d’obtempérer sous alcool et cocaïne
«C’est la deuxième fois que je viens au tribunal en 18 ans de carrière, dont 13 en banlieue parisienne. Il y a refus d’obtempérer et refus d’obtempérer. Ici, on a affaire à une personne prête a tout pour s’en sortir. Il n’avait aucune limite», déclare Richard Z. à la barre. Ce policier azuréen est encore marqué par l’intervention du 27 octobre qui a conduit à l’interpellation de Fahmi G., multicondamné. Ce dernier était jugé mercredi au tribunal correctionnel de Nice pour un refus d’obtempérer aggravé, entre autres.
Samedi 27 octobre, Richard Z. et plusieurs de ses collègues de patrouille repèrent un véhicule qu’ils décident de contrôler du côté du quartier du port. Dans un premier temps, l’automobiliste obéit. Le policier met pied à terre et s’approche de la voiture à bord de laquelle se trouvent deux individus. Mais avant qu’il n’ait le temps de s’adresser au conducteur, celui-ci redémarre brusquement et prend la fuite. Une course-poursuite s’engage. Le délinquant roule à très vive allure et prend tous les risques pour échapper aux forces de l’ordre. Richard Z. évoque «des feux rouges grillés et des sens interdits empruntés».
Coincé au milieu de la circulation, le chauffard est à un moment donné obligé de lever le pied. Le policier ne perd pas une seconde : arrivé à la hauteur du véhicule, il tente à plusieurs reprises de briser la vitre passager avec la crosse de son arme de service. En vain. «Le conducteur tentait de se cacher derrière sa main pour ne pas que je le voie», se rappelle-t-il. Ce dernier parvient à nouveau à reprendre la fuite, manquant cette fois de faucher le policier. À l’audience, vêtu d’un épais pull en laine gris, il jure ne pas avoir vu l’agent. «La police était toujours derrière moi, jamais devant ni sur les côtés», bredouille-t-il dans le box des prévenus.
Un automobiliste percuté à 90 km/h
Après vingt longues minutes, la course-poursuite prend fin. Et pour cause, le délinquant percute à 90 km/h un automobiliste à l’arrêt devant un feu rouge. «Je suis rentré dans le vieux monsieur... Ça m’a fait de la peine parce que j’ai vu qu’il était vieux», lâche Fahmi G.. Ce qui ne l’empêche pas sur le moment de prendre ses jambes à son cou plutôt que de porter assistance à la victime, pourtant polytraumatisée. Les policiers le rattrapent à cent mètres environ du lieu de l’accident, près d’un arrêt de bus. L’interpellation est houleuse. Le suspect se débat et insulte copieusement les agents. Les infirmières qui le prendront en charge à l’hôpital auront droit aux mêmes noms d’oiseau.
«J’étais alcoolisé...», justifie timidement le prévenu au tribunal. Ivre, et défoncé à la cocaïne, dont il se serait addict depuis 2023. Mais alors pourquoi une telle prise de risque ? «Je me suis échappé parce que j’étais sous contrôle judiciaire, j’ai eu peur. Je ne voulais pas gâcher ma chance», déclare-t-il. C’est aussi qu’au moment des faits, le quadragénaire circule à bord d’une voiture volée qu’un «ami» vient de lui prêter. «Au départ je ne savais pas. On m’a juste donné une clé. J’ai compris qu’elle était volée quand j’ai vu les policiers derrière moi», poursuit-il.
Patte blanche
À l’audience, après plus d’un mois en détention provisoire, il tient à montrer patte blanche : «Je regrette beaucoup. Je suis chauffeur routier donc professionnel de la route, je sais ce que c’est... Je suis prêt à dédommager et à faire le nécessaire. Je souhaiterais me réinsérer et couper avec tout cela. J’ai fait les choses bêtement et je m’en veux beaucoup». «Tout cela», c’est aussi un cambriolage dans un lycée de Nice, en juin 2024, pour lequel il était également jugé mercredi. En outre, il avait écopé en 2021 de deux ans de prison pour «recel» et «tentative de vol avec violence». Au cours des années précédentes, il avait été arrêté successivement pour «conduite en état d’ivresse», «vol», «outrage» ou encore «usage de stupéfiants».
Le comportement de Monsieur G. a mis toute la vile de Nice en danger. C’est une bombe à retardement. Des fois cela se termine en carnage, comme à Mougins
Émilie Farrugia, avocate des policiers
C’est donc sans surprise que la défense, organisée autour de l’avocat de l’automobiliste embouti et de celle des policiers, est restée hermétique à la rédemption réclamée par le délinquant. «Ce n’est pas un simple refus d’obtempérer, c’est un dossier grave. Le comportement de Monsieur G. a mis toute la vile de Nice en danger. C’est une bombe à retardement. Des fois cela se termine en carnage, comme à Mougins (Un gendarme est mort le 26 août, fauché par un chauffard, NDLR)», a ainsi plaidé Émilie Farrugia. Et la procureur de la République d’appuyer dans ses réquisitions, dénonçant «un comportement hors du commun». «De par sa personnalité et ses addictions, je pense qu’il est une personne particulièrement dangereuse. On peut se satisfaire qu’il n’y ait aucun mort dans ce dossier, ça aurait pu arriver», a-t-elle observé avant de requérir cinq ans d’emprisonnement contre Fahmi G., dont un an avec sursis probatoire.
«Nous passerons condamnation car nous le devons aux parties civiles, à la justice, à la société et à nous-mêmes. Nous ne transigerons pas avec les réalités du dossier. Pour autant, on n’est pas là pour servir d’entonnoir à des sentiments et des états de service», a de son côté plaidé l’avocat du prévenu, Me Adrien Verrier. L’avocat a vivement contesté les réquisitions du ministère public, faisant le parallèle avec l’affaire Pierre Palmade, condamné, lui, à deux ans de prison ferme alors que trois personnes avaient été grièvement blessées et qu’une femme enceinte avait perdu son enfant. «Melun n’est pas si loin, soyons cohérents», a-t-il déclaré. Des arguments qui n’ont pas achevé de convaincre le tribunal qui a condamné Fahmi G. à cinq ans de prison pour le refus d’obtempérer et le cambriolage. L’homme n’en a pourtant pas fini avec la justice. Il doit encore comparaître en juin prochain dans une affaire de travail dissimulé.