«On voulait amener une nouvelle façon de travailler, pour mettre un coup de fouet et une vision différente. On a reçu pas mal de candidatures. On a fait le choix de Stuart Lancaster.» Ces propos de Laurent Travers datent de fin septembre 2022 quand le Racing 92 avait officialisé l’arrivée du technicien anglais, ancien membre du staff du Leinster et ex-sélectionneur de l’Angleterre (2012-2015). Deux ans plus tard, la greffe n’a pas vraiment pris. Le club des Hauts-de-Seine, habitué à jouer les premiers rôles, n’avance pas en Top 14, avec une seule petite victoire (décrochée contre Clermont 33-20) en quatre journées et un vrai naufrage sur la pelouse de l’UBB (52-34).
Pas question toutefois de parler de crise. Juste un simple retard à l’allumage, cela s’entend. Les défaites concédées dans les derniers instants, à Castres et face à La Rochelle à Créteil, auraient pu facilement inverser la tendance. C’est ce qu’avance le pilier Eddy Ben Arous : «Si on gagne ces deux matches, on nous applaudirait aujourd'hui. On ne va pas parler de crise alors qu'il reste vingt-deux matches.» Le dernier revers dans les derniers instants face aux Maritimes témoigne toutefois d’un évident manque de maîtrise. «Cette défaite est frustrante, mais c'est le rugby, poursuit le centre des Bleus, Gaël Fickou. On fait une erreur que l'on ne doit pas faire, j'en fais aussi... C'est la deuxième fois que l’on perd à la fin, c'est frustrant. Mais on ne va pas se chercher d'excuses, on devait gagner ce match.»
Effectif réduit pour accueillir Owen Farrell
Après la première défaite à domicile face aux Rochelais, Stuart Lancaster, qui s’exprime toujours en anglais, ne semblait pas inquiet outre mesure. S’il regrettait les 18 pénalités concédées par ses troupes, il confiait : «Je suis déçu mais j'ai confiance en mon staff, en mes joueurs et en moi-même. N’oublions pas qu’il y a deux ans, le Munster avait fait un très mauvais début de saison avant de remporter finalement l'URC (United Rugby Championship, ancien Pro 14 et Ligue Celte, NDLR). On a de super joueurs mais beaucoup sont blessés comme Camille Chat (opération d'un pouce), Romain Taofifenua (victime d’une commotion).» Auxquels on peut ajouter l’autre talonneur Janick Tarrit, les piliers Hassane Kolingar, Demba Bamba et Thomas Laclayat ainsi que le deuxième-ligne Will Rowlands, ces deux derniers touchés samedi dernier.
L’infirmerie est donc bien pleine, un nouveau problème pour le Racing qui a volontairement réduit son effectif pour faire de la place, dans le salary cap, à l’ouvreur anglais Owen Farrell, qui semble traîner sa peine sur les terrains du championnat de France. Autre problème, que n’avait pas prévu le club altoséquanais alors que l’exercice en cours avait commencé, les finances se sont allégées avec le départ de Siya Kolisi, le capitaine des Springboks doubles champions du monde. Impossible de recruter à la hâte un joueur de ce calibre.
Il faut donc faire avec les moyens (certes conséquents) du bord. Et parvenir à trouver des certitudes sur le terrain. À part des premiers mois réussis après la Coupe du monde 2023 organisée en France, avec un jeu alerte et efficace, les Racingmen sont vite retombés dans leurs travers : un jeu stéréotypé, sans grande inspiration ni fulgurance, et une inconstance chronique. L’an dernier, ils avaient réussi à se qualifier à nouveau pour les phases finales (14e fois d’affilée, un record sur cette période) à la faveur d’un petit miracle contre La Rochelle, décrochant un point de bonus défensif sur le fil et chipant la place de 6e à Castres. Avant de sombrer corps et âme en barrage face à Bordeaux-Bègles (31-17). Rien de neuf sous le soleil du Plessis-Robinson, le club étant toujours placé mais rarement gagnant (un seul Brennus en 2016).
Je ne pense absolument pas qu'on ait perdu le fil du jeu qu'on voulait mettre en place en début de saison dernière
Nolann Le Garrec
Beaucoup d’anciens (15 !) ont quitté le navire ciel-et-blanc - notamment Imhoff, Lauret, Chouzenoux, Gomes Sa, Klemenczak, Saili, Wade - et les quelques nouveaux arrivants semblent perdus, à l’image des Anglais Dan Lancaster, le fils du chef, ou Samuel James. Là encore, le manager du Racing demande du temps. Comme il le répétait après la gifle reçue à Chaban-Delmas : «Bordeaux a le même groupe que la saison dernière, chez nous il y a beaucoup de nouveaux, des changements significatifs dans notre effectif, mais je pense qu'on progresse.» Ça ne saute pas aux yeux de prime abord.
Nolann Le Garrec, qui va vivre samedi un match particulier face à son club formateur de Vannes où son père Goulven est membre du staff, refuse lui aussi de tirer la sonnette d’alarme. «On a quelques nouveaux joueurs, il faut qu'ils trouvent leur rythme, leur flow, ce dont je ne doute pas, avance le demi de mêlée international. Notre situation actuelle n'est pas forcément la plus favorable mais on continue d'avancer. Je ne pense absolument pas qu'on ait perdu le fil du jeu qu'on voulait mettre en place en début de saison dernière.» Là non plus, ça ne saute pas aux yeux. Peu après son arrivée dans le 92, Stuart Lancaster nous avait confié que son «rôle est d'amener l'équipe à évoluer à des standards élevés. Arriver en finale et bien jouer. Je suis ici pour changer l'histoire du club.» Pour l’instant, elle ne fait que se répéter.