Des «mercenaires briseurs de grève» selon les syndicats : qui sont ces cadres de la SNCF qui remplacent les grévistes ?

Sur les quais ou dans les rames de TGV, ils se fondent dans le décor avec leur chasuble rouge. Pour les voyageurs, ce sont des agents de la SNCF comme les autres. Pourtant, derrière ce gilet se cache parfois un cadre de l’entreprise travaillant dans les ressources humaines, au service finance, ou bien un directeur adjoint. Ces «volontaires accompagnateurs occasionnels» comme ils sont appelés (ou VAO) sont une initiative de la SNCF pour pallier les absences des équipes ferroviaires, notamment lors des grèves ou des pics d’affluence.

Une solution qui, si elle soulage la direction, fait grincer des dents chez les syndicats, particulièrement en temps de grève, comme cette semaine. Ces «mercenaires briseurs de grève» sont des «gens archi sous-formés et archi-surpayés», s’est emporté ce mercredi Fabien Villedieu, secrétaire fédéral de SUD-Rail, alors que la SNCF a eu massivement recours à ces volontaires pour limiter les effets de la mobilisation des cheminots cette semaine. «Ça n’est pas acceptable d’instrumentaliser de cette manière l’encadrement», a de son côté réagi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet.

Des bureaux aux wagons

Ce dispositif, en place depuis plusieurs années selon la SNCF, a déjà été utilisé en mars dernier lors du mouvement social des contrôleurs sur l’axe Sud-Est de l’Hexagone, comme le rapporte Le Parisien . Le principe est simple : mobiliser des cadres volontaires pour assurer, temporairement, des missions de contrôleur (ou «chef de bord») dans les trains, ou pour assurer l’accueil et l’information des voyageurs sur les quais. À la différence des réservistes – des contrôleurs professionnels sans affectation fixe, prêts à intervenir en urgence – les VAO sont principalement des cadres issus d’autres services de l’entreprise.

Des cadres qui sont mobilisables en cas de besoin : «Dans le Nord, ils sont appelés essentiellement en cas de grève», explique Damien Debruyne, responsable CGT des chefs de bord pour la région de Lille, «mais la direction peut aussi faire appel à eux en cas d’absentéisme», ou encore pendant les vacances ou le week-end. Ils seraient plusieurs centaines en France. Alain Krakovitch, directeur de TGV-Intercités, a défendu cette approche sur le plateau de BFM Business mardi : «Notre cœur de métier, ce sont les trains, c’est d’être au contact des voyageurs dans les trains.» Selon lui, «c’est un classique à la SNCF que l’ensemble de l’encadrement ait une vision du cœur de métier de l’entreprise».

Critiques sur la rémunération et la formation des volontaires

Mais la motivation de ces volontaires ne serait pas uniquement professionnelle, selon les syndicats, pour lesquels la dimension financière entrerait aussi en jeu : «Le dispositif a du succès car cela déclenche une prime pouvant aller jusqu’à 50 euros de l’heure le week-end et les jours fériés pour les VAO», précise Damien Debruyne. À titre de comparaison, la prime d’un contrôleur classique sur un TGV varie entre 6 et 10 euros par heure, souligne-t-il.

Une différence de traitement qui alimente le mécontentement des grévistes et des syndicats. Dans un tract que Le Figaro a consulté, un syndicat dénonce le VAO comme «un volontaire briseur de grève payé le dimanche plus de 50 euros par heure», tandis que « l’ASCT [agents du service commercial train, ou contrôleurs, NDLR] est payé le dimanche cinq euros par heure». Ainsi, conclut le tract, le VAO serait «formé 10 fois moins», mais serait «payé 10 fois plus». Cité par Le Parisien, Alain Krakovitch affirme de son côté que ces volontaires «reçoivent une compensation assez classique».

La question de la formation des VAO est également au cœur des critiques des syndicats. Si les contrôleurs traditionnels suivent quatre mois de formation, les volontaires bénéficieraient, selon eux, d’une préparation bien plus courte. «La formation se fait en trois ou quatre jours, principalement en e-learning», affirme Damien Debruyne, de la CGT. Le directeur de TGV-Intercités assure lui qu’elle dure «plusieurs semaines». Ces volontaires permettront en tout cas à la SNCF de faire circuler environ «90%» des TGV en ce week-end prolongé du 8 mai, a promis le président du groupe SNCF, Jean-Pierre Farandou, mardi sur France Inter.