"Parfois, le paradis peut se transformer en enfer" : près de 10 000 Israéliens ont choisi la Grèce pour fuir la guerre
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De la terre promise à la Grèce. Beaucoup d'Israéliens viennent s'y installer pour fuir la guerre, un pays divisé, comme Cynthia Tagger, ingénieure et coach en entreprise. Ingénieure en informatique, elle a quitté Tel-Aviv (Israël) avec son mari et ses enfants pour s'installer à Athènes (Grèce). Tout semble convenir à cette mère de famille : climat, coût de la vie, douceur de vivre... C'est le massacre du 7 octobre 2023 et le conflit à Gaza qui ont poussé Cynthia et sa famille à quitter l'État hébreu. "Si nous sommes partis, c'est surtout pour nos enfants, car ils méritent une enfance comme tous les autres enfants du monde, où ils n'ont pas à s'inquiéter de la guerre, d'aller dans les abris antimissiles, ou de la possibilité d'entendre des sirènes d'alarme ou des bombardements", témoigne-t-elle.
"Il n'y a rien qui marche pour arrêter cette montée de l'extrémisme"
Les formalités, visa et travail, sont facilitées par les autorités, ce qui fait de la République hellénique un pays de prédilection pour quelque 10 000 Israéliens. En Galilée, dans le nord de l'État hébreu, Izar Beeri arrache les mauvaises herbes de ce qui était son petit coin de paradis : "Parfois, le paradis peut se transformer en enfer", estime-t-il. L'enfer pour cet ancien journaliste militant pour la paix, c'est le gouvernement de Benjamin Netanyahou. Trop va-t-en-guerre, trop à droite, dans ce pays où, selon lui, la démocratie s'efface.
"Ça fait deux ans que je suis de toutes les manifestations. Mais à quoi bon ? Il n'y a rien qui marche pour arrêter cette montée de l'extrémisme, du fascisme et tout ce qui se passe en ce moment", regrette-t-il. Même s'il garde sa maison ici, s'il a des amis et de la famille, Izar passe de moins en moins de temps en Israël, sa terre natale. "C'est ce qui arrive à notre société, à nos espoirs déçus de ne pas pouvoir résoudre le conflit israélo-palestinien, ou d'arriver à un compromis", estime-t-il. Le septuagénaire a lui aussi fait le pari de la Grèce. À deux heures d'avion seulement, il y passe désormais le plus clair de son temps.
82 000 départs en 2024
Au port d'Ashdod (Israël), dans les entrepôts d'une entreprise de déménagement, Ilan Rebibo est le patron de la société. C'est la première fois en 30 ans de carrière qu'il constate un tel exode israélien. "C'est une première cette année, on déménage même une famille entière. Une vingtaine de personnes qui ont vendu leurs propriétés ici et qui partent d'Israël", explique-t-il. En 2024, il y avait plus de départs que d'arrivées en Israël. Selon les autorités, 82 000 Israéliens ont officiellement quitté le pays l'an dernier. Du jamais vu, pour trois destinations privilégiées.
Au bord de la mer Égée, la nouvelle maison d'Izar Beeri, l'Israélien qui tourne le dos à son pays. Aujourd'hui, quand il ne supervise pas les travaux de rénovation, le retraité suit l'actualité en Israël et les débats sur la guerre à Gaza. Pas de problème de loyauté pour lui par rapport à Israël, même s'il sait que c'est un reproche courant à l'encontre de ceux qui sont partis. "Je ne trahis pas mon pays, c'est mon pays qui me trahit, c'est mon sentiment", assure-t-il. Selon un dernier sondage, un tiers des Israéliens songeraient à quitter leur pays.