Le symbole est fort, et volontairement menaçant. En annonçant, mardi 11 novembre, l'arrivée en mer des Caraîbes de l'USS Gerald R. Ford, le plus grand porte-avions du monde, les États-Unis accentuent leur pression sur le Venezuela, et sur le régime de Nicolas Maduro.
Joyau de la marine américaine, le bâtiment est un géant des mers, long de 333 mètres, capable d'embarquer plus de 4 000 hommes à son bord, et quatre escadrilles d'avions de combat. Accompagné de trois destroyers, il vient compléter un dispositif militaire déjà impressionnant, déployé à une centaine de kilomètres seulement des côtes du Venezuela. En l'occurrence, plusieurs navires de guerre déjà stationnés au large de Caracas, accompagnés de chasseurs et de bombardiers, et de plusieurs milliers d'hommes positionnés pour intervenir en cas de feu vert de la Maison Blanche.
Officiellement, Washington poursuit ses opérations de lutte contre le narcotrafic. Une stratégie marquée par ces bombardements de navires, suspectés de transporter de la drogue. Depuis début septembre, une vingtaine d'embarcations ont été neutralisées par des frappes aériennes, et la dernière explosion, le week-end du samedi 8 et dimanche 9 novembre, porte le bilan à 76 morts.
Si la Maison Blanche revendique la réussite de ses frappes ciblées, images à l'appui, elle n'a toujours pas fourni la moindre preuve de la présence de stupéfiants à bord, ou de la menace représentée par ces embarcations. Le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme s'en est ému lundi, appelant à l'ouverture d'une enquête sur la légalité de ces frappes, et pointant de "solides indices d'exécutions extrajudiciaires".
Le Venezuela suspecte les américains de lorgner le pétrole
Le président vénézuélien, Nicolas Maduro, dénonce de son côté un "prétexte pour imposer un changement de régime" à Caracas, et s'emparer de son pétrole. Une théorie qui prend de plus en plus d'épaisseur, d'abord parce qu'un tel déploiement de force paraît totalement disproportionné contre le narcotrafic. Mais aussi parce que certaines voix, aux États-Unis, ne font plus mystère des intentions réelles du président américain de cibler le régime en place.
Donald Trump avait lui-même, et devant les caméras, admis avoir donné son feu vert à des opérations clandestines de la CIA dans le pays, et à la préparation d'opérations terrestres. La question, maintenant, consiste davantage à savoir quand, comment, et jusqu'où la Maison Blanche compte intervenir.
Est-ce que Donald Trump en restera à la dissuasion, ou poussera jusqu'au coup de force militaire ? Cherchera-t-il à obtenir la reddition de Maduro, et à le remplacer par une autre personnalité du régime ? Ou ira-t-il jusqu'à tenter de renverser le pouvoir et l'armée, pour faire place nette à une opposition proche de ses positions, et dont la figure vient d'être couronnée du Prix Nobel de la paix ? Washington semble en tout cas courir deux lièvres à la fois, en poursuivant des objectifs politiques et stratégiques. Le Venezuela, pour rappel, dispose dans son sous-sol de 20% des réserves mondiales de pétrole. C'est un bastion idéologique qui incarne tout ce que déteste l'administration Trump, à commencer par son secrétaire d'État, Marco Rubio, fils d'exilés cubains anti-castristes, et partisan d'une ligne dure contre le régime chaviste.
Ce dossier, dans lequel le Qatar joue - encore ! - un rôle de médiateur, confirme quoi qu'il en soit le retour fracassant, et assumé, d'un interventionnisme américain en Amérique latine, à un niveau inédit depuis plusieurs décennies.