Vote par correspondance, redécoupage des circonscriptions… A un an des élections de mi-mandat, Donald Trump passe à l'offensive
Donald Trump met déjà la pression sur les midterms. À un an des élections de mi-mandat, prévues en novembre 2026, le président américain affûte sa stratégie pour conserver le contrôle du Congrès. Ce scrutin, qui renouvelle tous les sièges de la Chambre des représentants et un tiers du Sénat, tourne rarement en faveur du camp présidentiel, rappelle Ludivine Gilli, politiste et directrice de l’Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurès.
Pour éviter un revers, Donald Trump se démène. Sous son impulsion, le Parlement du Texas a définitivement adopté vendredi 22 août une nouvelle carte électorale favorable aux républicains. Le milliardaire républicain a aussi martelé sa volonté de supprimer le vote par correspondance pour contrer de supposées fraudes électorales. Il a annoncé qu'il signerait un décret pour "aider à apporter de l'honnêteté dans les élections de mi-mandat", sans pour autant donner de précisions sur le contenu du texte. Autant d'offensives qui font de ces prochaines élections un moment clé de sa présidence.
Le redécoupage électoral au cœur de la bataille
Tous les dix ans, après le recensement, les Etats, qui organisent les élections, redessinent leurs circonscriptions avec pour objectif officiel de "rééquilibrer la représentation de la population en fonction de l’évolution démographique", explique François Vergniolle de Chantal, politiste et professeur en études américaines à l’université Paris Cité. Mais ce mécanisme est devenu une bataille partisane entre démocrates et républicains. "Ce qu’on voit depuis plusieurs années, c’est que certains Etats décident de faire des redécoupages tous les cinq ans ou tous les quatre ans pour engranger quelques gains électoraux pour un parti ou pour un autre", ajoute le chercheur. Cette pratique, connue sous le nom de gerrymandering, consiste soit à regrouper artificiellement les électeurs de l’opposition dans une même circonscription, soit au contraire à les diluer dans plusieurs districts, afin de gagner des sièges. C'est ce qu'il se passe au Texas.
"Dans cet Etat dominé par les républicains, le parti espère utiliser le redécoupage afin de créer neuf nouveaux sièges favorables au camp conservateur."
Ludivine Gilli, directrice de l’Observatoire de l'Amérique du Nord à la Fondation Jean-Jaurèsà franceinfo
Par ce procédé, Donald Trump et ses alliés souhaitent s’assurer une avance à la Chambre des représentants pour l’élection de mi-mandat, explique l’experte. Sept autres Etats, tels que New York et l'Illinois, sont aussi concernés par cette stratégie républicaine, rappelle NPR. En Californie, bastion démocrate, la riposte a été lancée par le gouverneur Gavin Newsom qui envisage, lui, un redécoupage qui permettrait de créer cinq sièges supplémentaires en faveur de son parti. Une volonté "dénoncée par certains démocrates, car elle contredit le discours du parti qui lutte contre le gerrymandering", note toutefois Ludivine Gilli.
D'autant que la Constitution californienne interdit explicitement jusqu'ici les manipulations partisanes et confie la tâche du redécoupage à une commission indépendante, souligne François Vergniolle de Chantal. "Bien sûr, nous voulons des règles du jeu équitables, nous voulons évoluer dans un cadre où tout le monde respecte les mêmes règles", a réagi le gouverneur Gavin Newsom face aux critiques. Avant d’ajouter : "Or, ce n’est plus le cas aujourd’hui", rapporte le média américain KQED. Cette mesure est soutenue par l'ancien président américain Barack Obama, pour qui le gouverneur de Californie "a proposé une approche intelligente et mesurée en Californie, conçue pour répondre à un problème très particulier à un moment très particulier", a-t-il assuré sur X, tout en dénonçant "les directives d'une Maison Blanche partisane" au Texas. Jeudi, le Parlement californien a ainsi adopté une résolution afin d'organiser un référendum en novembre. En cas d'approbation, les élus de l'Etat pourront alors redessiner les circonscriptions, à la place de la commission indépendante.
Le vote par correspondance dans le viseur de Donald Trump
Le vote par correspondance est aussi au cœur de l'offensive lancée par Donald Trump. Ce procédé, que le milliardaire américain estime être à l'origine de sa défaite face à Joe Biden en 2020 à cause de fraudes électorales massives jamais prouvées, permet aux Américains de voter à distance en envoyant son bulletin par courrier. "En 2024, vous avez à peu près 30% de l'électorat qui a voté par correspondance, et ce mode de vote bénéficie plus aux démocrates qu’aux républicains", relève Ludivine Gilli. Lundi, le président américain a ainsi annoncé vouloir signer un ordre exécutif interdisant ce mode de scrutin. Sur son réseau Truth Social, il a notamment promis de "mener un mouvement pour éliminer le VOTE PAR CORRESPONDANCE (…) afin d’apporter de l’honnêteté aux élections de mi-mandat de 2026".
Cette offensive s’inscrit dans une dynamique déjà amorcée au niveau local. Depuis 2021, plusieurs Etats républicains comme le Texas ont adopté des lois restreignant le recours au vote par correspondance en réduisant les délais d’envoi des bulletins ou en imposant de nouvelles pièces d’identité, d’après le Washington Post. Mais les chances que Donald Trump puisse le supprimer à l’échelle nationale restent minces. "Il est très peu probable que la Cour suprême accepte un tel changement, car le vote par correspondance est aujourd’hui solidement ancré dans le système électoral américain", souligne François Vergniolle de Chantal. Pour le professeur d'études américaines, l’offensive vise avant tout à préparer le terrain en cas de défaite.
"Trump restera dans l’histoire pour avoir jeté le doute sur les élections de 2020. Je me demande si là, on n’est pas face à une tactique similaire."
François Vergniolle de Chantal, politisteà franceinfo
Fermeture de bureaux de vote dans certains districts, adoption de lois exigeant des pièces d’identité avec des formes spécifiques d’identification, nettoyage de registres pour certains électeurs qui se trouvent empêchés de voter le jour du scrutin… Au-delà du redécoupage électoral, les républicains ont multiplié les initiatives pour restreindre l’accès au scrutin, estime Ludivine Gilli. Des mesures qui visent à "augmenter les barrières électorales pour les démocrates" et qui "touchent particulièrement les minorités afro-américaines et hispaniques dans les Etats du Sud, historiquement marqués par la ségrégation", précise la chercheuse.
"Jouer contre les règles du jeu démocratique"
Si le Voting Rights Act de 1965 avait instauré une supervision fédérale destinée à empêcher ce type de pratiques discriminatoires, cette protection a toutefois été progressivement réduite par la Cour suprême et par le pouvoir l’exécutif, constate-t-elle également. "L'administration Trump a cherché à réduire la surveillance de l’Etat fédéral, en invoquant les droits des Etats", rappelle ainsi Ludivine Gilli.
Outre les offensives institutionnelles, Donald Trump et ses proches ont aussi commencé à choisir les candidatures républicaines dans plusieurs Etats-clés, tels que l’Iowa et la Caroline du Nord, avec comme objectif de faire émerger des profils politiques loyaux au président, analyse Politico. Axios rapporte aussi qu'il prévoit de dépenser massivement dans les campagnes électorales des républicains du Congrès. Le président américain a aussi ordonné au département de la Justice d’ouvrir une enquête sur ActBlue, la principale plateforme de financement des candidats démocrates, tout en exigeant des Etats qu’ils transmettent leurs fichiers électoraux détaillés, sous la menace de poursuites judiciaires, d’après ABC News. "Ce que l’on observe, c’est une reprise en main très forte de l’appareil partisan par Donald Trump", analyse Ludivine Gilli.
Pour les chercheurs interrogés par franceinfo, ces initiatives posent ainsi la question de l’usage du pouvoir présidentiel. "Les récentes stratégies montrent une fois encore que le trumpisme est une vraie menace pour la démocratie américaine", prévient François Vergniolle de Chantal qui se dit aujourd’hui très "pessimiste" pour l’état du système américain. "Ce qui se profile aujourd’hui, c’est une stratégie systématisée, assumée, pour remodeler le système électoral à son avantage", note-t-il. Une inquiétude partagée par Ludivine Gilli, qui estime que les manœuvres actuelles visent à "affaiblir l’opposition démocrate en limitant sa capacité de mobilisation électorale". Ce qui revient à "jouer contre les règles du jeu démocratique elles-mêmes. Cela montre que la démocratie ne va pas bien aux Etats-Unis et qu’il y a un enjeu très sérieux sur les conditions dans lesquelles les élections de mi-mandat vont pouvoir se dérouler".