«Notre couple est une force unique» : les alpinistes Liv Sansoz et «Zeb» Roche racontent leur exploit au sommet du K2

«Là-haut, on n’est plus sur Terre mais sur une autre planète. La lumière est incroyable et voir l’horizon qui baisse au fur et à mesure est une expérience unique, complètement folle.» Onze mois plus tard, le souvenir de Bertrand «Zébulon» Roche (52 ans), surnommé «Zeb», est encore intact. Le parapentiste professionnel et sa compagne Liv Sansoz (48 ans) ont réussi en juillet 2024, au Pakistan, l’ascension sans oxygène du K2, deuxième plus haut sommet du monde (8.611 mètres) après l’Everest (8.849 m). Avant, une fois en haut, de décoller en parapente biplace pour redescendre au camp de base. Un exploit raconté dans le film K2 mon amour, réalisé par Mathieu Rivoire et projeté au Chamonix Film Festival ce samedi 14 juin.

«La montagne me donne de la joie»

Lors d’une avant-première au sein de la boutique de lunettes Vuarnet à Paris, le couple d’alpinistes bientôt marié a exprimé, avec le sourire, son goût pour l’expédition et le dépassement de soi. Et son amour indélébile pour la montagne. «La montagne me donne de la joie. Elle m’apprend toujours quelque chose sur moi», dévoile Liz Sansoz, qui est entrée dans le cercle très restreint des dix femmes (depuis la première en 1986) à avoir atteint le sommet du K2 sans oxygène, trente ans après sa compatriote Chantal Mauduit. «J’aime bien me mettre dans des situations de challenge où je n’ai pas de réponse. Je me dis “est-ce que la femme que je suis aujourd’hui avec ma personnalité, mes compétences, mon expérience, est capable d’aller au sommet du K2 sans oxygène ?”», ajoute la double championne du monde d’escalade (1997, 1999). Pour qui il est «impossible de tricher en montagne», où il faut plutôt «aller à l’essentiel, une chose que l’on perd dans la vie de tous les jours.»

Liv Sansoz et Bertrand «Zébulon» Roche lors de leur ascension du K2. Agence MRP

Une fois arrivés dans ce qu’on appelle «la zone de la mort», à plus de 7.500 mètres d’altitude, difficile de penser à autre chose qu’à son ascension. Qui se fait pas à pas, en grimpant 50 mètres de dénivelé par heure. L’oxygène se raréfie et l’esprit est alors en proie aux hallucinations. La notion du temps devient floue au point que Liv confie avoir «pris quasiment trois quarts d’heure» à satisfaire un besoin naturel, «pensant s’arrêter cinq minutes seulement». «On sait que l’on risque notre vie, qui prend toute sa valeur à ce moment-là. Mais on n’y va pas pour les drames, plutôt pour s’amuser. Lorsque ça devient trop dangereux par rapport à ce qu’on s’était imaginé, on ne va pas hésiter à faire demi-tour», tempère «Zeb», connu pour avoir gravi l’Everest à 17 ans, avec son père.

«L’incroyable luxe» de partager l’exploit en altitude

Également guide de haute montagne, l’expert du parapente dit «respecter la nature en restant humble» face à un sommet mythique comme celui-ci. Une humilité qui s’est traduite, en amont de l’expédition, par une préparation physique d’athlète de haut niveau en ski-alpinisme. Rien n’a été laissé au hasard par le couple. Avec un seul leitmotiv : tout partager. «Vivre ça tout seul ne me viendrait pas à l’idée, cela perdrait de sa saveur», glisse «Zeb», se félicitant de «l’incroyable luxe» d’accomplir cette prouesse aux côtés de sa compagne.

«Notre connivence fonctionne très bien parce qu’on est sur un pied d’égalité, complète Bertrand «Zébulon» Roche. Liv est tout aussi qualifiée que moi pour dire “non cet itinéraire-là, je le vois plus par la droite que par la gauche, il faut passer par là etc...” On échange beaucoup sur ce qu’on observe, sur nos ressentis. On se fait vraiment confiance. Ce qui fait que notre cordée, notre couple est une force unique au final.»  Après avoir dompté le K2, le duo passionné de sensations fortes a déjà en tête un nouveau challenge à relever, une «grosse idée» de projet, révèle Liv Sansoz. «Une autre grande première, qui n’a jamais été faite avant...»