À quoi s’expose un salarié qui perçoit des sommes indues ?

Si la tentation peut être grande de recouvrer une rémunération indue sans sourciller, elle peut surtout, in fine, s’avérer coûteuse. Une enseignante helvète vient d’en faire l’expérience à ses frais. Cette dernière, qui exerce dans le canton de Zurich, cumulait deux postes au sein de son établissement jusqu’à l’été 2020. À la rentrée de la même année, son périmètre a été restreint mais elle a continué à percevoir le même traitement pendant vingt mois. 36 000 francs suisses, soit 38 283, 41 euros, lui ont été versés à tort, mais l’institutrice a refusé de les rembourser. Le tribunal fédéral l’a non seulement condamnée à rembourser ce qu’elle devait mais aussi à 2000 francs suisses (2127,38 euros) de frais de justice, auxquels s’ajouteront les émoluments de son avocat.

En France, l’administration peut aussi se fourvoyer et verser une rémunération à laquelle un fonctionnaire n’a pas droit ou une rémunération supérieure à celle qu’il doit en réalité percevoir. C’est ce que l’on appelle une erreur matérielle de calcul de rémunération. Elle peut survenir en cas d’erreur de codification informatique de l’échelon du fonctionnaire et de l’indice majoré correspondant, qui sert à calculer son traitement.

Passer la publicité

Délai de prescription

Si l’administration s’aperçoit immédiatement de sa bévue, elle peut régulariser la situation dès le mois suivant et déduire du salaire du fonctionnaire le trop-perçu, sans lui notifier quoi que ce soit. Si, en revanche, elle met davantage de temps à s’en rendre compte, elle émettra alors un titre de recette indiquant la nature de la somme versée à tort et le montant à rembourser. La demande de remboursement peut intervenir jusqu’à deux ans à partir du premier jour du mois suivant le mois du paiement erroné.

Passé ces deux ans, l’administration ne peut plus émettre de titre de recette. Mais à partir du moment où ce titre de recette est émis, l’administration dispose alors de quatre ans pour récupérer ce qui lui revient. Passer ce laps de temps, elle ne peut plus réclamer quoi que ce soit, le délai de prescription de recouvrement étant échu.

Un autre cas de figure peut aussi se présenter : c’est celui d’un versement indu résultant d’une décision irrégulière devenue définitive, attribuant au fonctionnaire une rémunération à laquelle il n’a pas droit. Cela peut notamment se produire si un fonctionnaire perçoit une nouvelle bonification indiciaire alors que ses fonctions ne s’y prêtent pas. La décision irrégulière devient définitive si elle n’a pas été retirée par l’administration sous les quatre mois suivant sa notification.

Dommages-intérêts

Dans le secteur privé «il est extrêmement rare qu’une erreur semblable à celle advenue à l’enseignante de Zurich se produise et dure aussi longtemps, avec une forme de mauvaise foi d’un salarié qui ne se manifeste pas. Tout dépend des modalités de la répétition de l’indu. Généralement il s’agit d’une erreur matérielle et en France l’employeur dispose d’un délai de trois ans pour agir », relève Emmanuelle Barbara, avocate au sein du cabinet August Debouzy.

Les cas le plus souvent observés portent sur des primes indûment perçues, des bonus versés sous forme d’avance puis payés une seconde fois, ou encore des avances de frais non dépensées et non restituées. Si l’employé est toujours dans l’entreprise, les choses peuvent se régler de façon informelle.

Passer la publicité

En cas de réticence du collaborateur un courrier lui est adressé et l’employeur peut obtenir ce qui lui revient avec l’accord du salarié ou sinon, il peut procéder à des prélèvements sur salaire dans les limites légales bien sûr. Cependant si le salarié a quitté la société et ne veut pas rendre ce qu’il doit à son ancien patron, ce dernier peut saisir le conseil de prud’hommes. «C’est alors le droit civil qui s’applique, car toute somme indûment perçue par un salarié doit être remboursée. Le salarié peut en plus être sanctionné pour sa mauvaise foi et condamné avec des dommages-intérêts», relève Maître Barbara.

Comme tout cependant se négocie, un accord peut parfois être trouvé entre employeur et employé comme dans le cas des salariés de cette entreprise auxquels ont été versés pendant plusieurs mois des primes de nuit supérieures à ce qu’ils auraient dû percevoir. «Lorsqu’elle s’en est aperçue, la direction nous a demandé de lui rembourser une somme qui se montait aux alentours de 1 000 euros. Sauf que nous avions tous de petits salaires, de l’ordre de 1800 euros. Je venais pour ma part d’acheter un ordinateur et il m’était difficile de rembourser un tel montant. Finalement, nous avons trouvé un accord avec notre direction. L’erreur était de son fait et elle a été magnanime en nous demandant de lui rembourser la moitié de la somme due». Preuve que régler les choses par le dialogue et en bonne intelligence reste encore la meilleure formule pour chacune des deux parties.