Stefano Pilati : « Bien s'habiller est une preuve d'éducation »
Stefano Pilati est souvent là où on ne l'attend pas. Après avoir œuvré huit ans pour la maison Yves Saint Laurent (2004-2012) et trois pour le leader du luxe masculin Zegna (2013-2016), il disparaît quelque temps des radars avant de fonder Random Identities, sa propre marque, en 2018. Dernièrement, il a collaboré avec Fendi et même défilé pour Louis Vuitton. Ces jours-ci, voilà le designer milanais chez Zara. Le temps d'une petite collection de très belle facture pour le géant espagnol de la fast fashion (disponible à partir du 3 octobre), le quinquagénaire s'est inspiré de son style personnel, remarquable et remarqué, notamment sur les réseaux sociaux. Rencontre.
LE FIGARO. - Racontez-nous la genèse de cette collection que vous avez créée pour Zara.
Stefano Pilati. - Marta Ortega (PDG du groupe Inditex, propriétaire de Zara, NDLR) m'a proposé ce projet en janvier dernier. Mais nous nous connaissons depuis des années et avons toujours eu envie de travailler ensemble. Elle m'a d'abord suggéré de créer une petite ligne de vêtements pour hommes basée sur mon style personnel. J'ai trouvé ça très amusant. Sans que je l'aie cherché, il y a un certain intérêt du public pour mon allure à la ville. Je ne joue pas le naïf mais je ne m'habille pas pour qu'on me remarque, je le fais pour moi, pour me sentir bien. Sans faire de la psychanalyse à cinq euros - même si j'en ai fait une (rires) -, j'applique à ma garde-robe le soin et la passion que je mets dans mes créations. Mon goût pour le vêtement est devenu ma profession. Pour les collections de ma marque Random Identities, je m'inspire beaucoup de mes envies. D'une certaine façon, je « m'utilise » pour mon travail.
Comment qualifieriez-vous votre style, justement ?
S'habiller, pour moi, est une preuve d'éducation, dans tous les sens du terme, une preuve de goût et de respect. C'est un message pour le monde extérieur. Alors, bien sûr, j'y fais attention. Dans la vie, je porte pas mal de mes collections mais aussi un mélange de classiques du vestiaire, des costumes, des chemises sur mesure et des marques japonaises, Comme des garçons et Yohji Yamamoto, qui sont des maîtres pour moi. J'aime aussi les pièces de Phoebe Philo, bien que sa marque soit destinée aux femmes. Et puis, un peu de sport wear. Mais ma manière de m'habiller n'est pas conscientisée. Le fait que vous me posiez la question, ou quand une personne me complimente dans la rue, par exemple, cela me force à y penser. La mode est fondamentale dans ma vie, comme la musique pour un musicien.
Comment avez-vous décliné ce style pour la femme ?
Pour ma marque, je n'ai pas une approche genrée du vêtement. Mais pour cette collection Zara, je devais me plier au brief. L'enseigne a besoin de deux collections bien distinctes pour ses magasins. Dessiner la femme, c'est évidemment se projeter dans son vêtement, en puisant dans ma part de féminité et en la confrontant avec ce que je vois autour de moi, ce que j'écoute. On m'a fait remarquer que certains détails rappelaient ce que j'ai fait pour Yves Saint Laurent. J'y suis resté assez longtemps pour que cette maison fasse un peu partie de moi. Ce qui m'amuse, c'est surtout que beaucoup de mes copines m'ont déjà dit qu'elles s'achèteraient plein de pièces de l'homme. L'inverse n'est pas toujours vrai. Ce genre de choses m'intéresse beaucoup.