Balance commerciale, types de biens échangés... Quelles sont les relations économiques entre l'Union européenne et Israël ?

Face à la situation humanitaire dramatique à Gaza, dix-sept des vingt-sept pays membres de l'Union européenne se sont déclarés favorables le 20 mai à une proposition des Pays-Bas : revoir l'accord d'association entre l'UE et Israël. Il doit être discuté au conseil des Affaires étrangères de l’UE le 15 juillet. A cette occasion, 34 ONG, syndicats et organisations de solidarité ont demandé à la Belgique de soutenir sa suspension, rapportait le Soir le 8 juillet

Entré en vigueur en 2000, ce texte encadre les relations commerciales entre les deux partenaires et leur permet d'échanger des produits agricoles et industriels sans payer de droits de douane. Le traité prévoit une clause sur le respect des droits de l'homme, que plusieurs Etats européens estiment bafouée par Israël du fait de ses actions à Gaza.

Le 19 mai, l'Etat hébreu a annoncé une vaste offensive militaire pour prendre le contrôle total de l'enclave palestinienne alors que la situation humanitaire y est déjà critique : l'entrée de l'aide humanitaire sur le territoire a été bloquée pendant deux mois et "deux millions de personnes sont affamées", selon le directeur de l'Organisation mondiale de la santé.

Quel effet la révision de l'accord d'association pourrait-elle avoir sur le commerce entre l'Union européenne et Israël ? Voici quatre graphiques pour comprendre les relations économiques avec l'Etat hébreu.

L'UE est le premier partenaire commercial d'Israël

Israël dépend fortement de l'Europe pour son commerce international. En 2024, les données de la Banque d'Israël montrent que 33% des produits importés en Israël venaient de l'Union européenne. Cette dernière était également le premier client de l'Etat hébreu, qui a envoyé 37% de ses exportations à des pays européens.

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Si cela fait de l'UE le premier partenaire d'Israël, cette dépendance économique n'est pas réciproque. Tel-Aviv n'est que le 31e partenaire commercial des Etats membres, ce qui représente "près de 0,8% du total des échanges de biens de l'UE avec le monde en 2024", selon la Commission européenne. En conflit avec bon nombre de ses voisins, Israël dépend donc principalement de l'Europe pour s'approvisionner.

"L'Europe a toujours été historiquement très importante pour l'économie israélienne."

Alfred Tovias, professeur d'économie à l'université hébraïque de Jérusalem

à franceinfo

Pourtant, la part de l'Europe dans les importations israéliennes est en baisse depuis 1995. La Chine et d'autres pays d'Asie occupent ainsi de plus en plus de place sur le marché hébreu : 30% des importations israéliennes venaient d'Asie l'année dernière, dont 15% de Chine, d'après la Banque d'Israël.

Israël importe plus qu'elle n'exporte vers l'UE

L'Union européenne exporte bien plus vers Israël qu'elle n'importe : l'UE avait un excédent commercial de 10,7 milliards d'euros vis-à-vis de Tel-Aviv en 2024 pour les échanges de biens. "Israël dépend énormément de ses relations extérieures pour soutenir son économie", souligne Alfred Tovias. "Généralement, la taille d'un pays influence l'importance de ses relations commerciales. Or, Israël est un tout petit pays, avec une petite superficie et 10 millions d'habitants seulement", explique-t-il pour justifier la forte dépendance d'Israël aux importations.

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Cette dépendance n'est pas aussi marquée pour les services. Tel-Aviv, qui a une industrie de haute technologie très développée, exporte beaucoup de produits de cybersécurité vers l'Europe et notamment en France. Résultat, le surplus européen est de 4,5 milliards de dollars seulement pour les services.

Israël exporte surtout du matériel industriel

La fin de l'accord d'association entre Israël et l'Union européenne "serait une catastrophe pour les produits agricoles israéliens", estime Alfred Tovias. En effet, l'écrasante majorité des exportations agricoles du pays est destinée au marché européen. Cela dit, l'agriculture ne représente qu'une petite part du commerce bilatéral : en 2024, l'Europe a exporté 2,85 milliards d'euros de produits alimentaires vers Israël, cinq fois moins que ce qu'elle a vendu à l'Etat hébreu en machines et de matériel de transport.

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Les secteurs les plus importants du commerce entre l'UE et Israël ne devraient pas être trop concernés par une éventuelle révision de l'accord d'association, selon Alfred Tovias. Pour les services, les droits de douane sont plus difficiles à mettre en place. Quant à l'industrie – qui regroupe les équipements et les véhicules – le chercheur estime qu'elle devrait aussi être peu affectée. Selon lui, c'est un secteur où les droits de douane sont déjà faibles, et où les pays disposant d'un accord d'association avec l'Europe ne bénéficient plus vraiment d'un avantage par rapport aux autres.

Des disparités sont observées entre les pays membres

Certains pays européens échangent plus avec Israël que d'autres. L'Irlande, par exemple, qui a échangé plus de 13 milliards d'euros avec l'Etat hébreu en 2024, ce qui en fait le premier partenaire d'Israël dans l'UE, notamment en raison de la domiciliation de nombreuses entreprises technologiques à Dublin. L'Allemagne, qui vend notamment des voitures à Israël, arrive en deuxième position.

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Pourtant loin d'être les plus grandes économies du continent, les Pays-Bas et Chypre se distinguent également, puisqu'ils sont respectivement le troisième et le huitième partenaire commercial européen de l'Etat hébreu. Mais ces chiffres peuvent être trompeurs.

Alfred Tovias explique qu'une partie des marchandises expédiées dans ces pays sont ensuite renvoyées ailleurs. "Le port de Rotterdam [aux Pays-Bas] et Chypre sont utilisés pour faire du commerce avec des Etats qui ne reconnaissent pas Israël ou qui n'entretiennent pas de relations commerciales avec", précise l'économiste. Vingt-huit pays dans le monde ne reconnaissaient pas l'Etat hébreu et certains peuvent utiliser les hubs européens pour échanger avec Israël de façon détournée.