Irlande-France : les coups de cœur et les coups de griffe de notre envoyé spécial
LES COUPS DE CŒUR
Une démonstration inédite en Irlande
Battre l’Irlande sur ses terres n’a rien d’anodin. Mais dans ces proportions, c’est tout simplement phénoménal. Les Bleus, samedi, ont brisé plusieurs records. Le plus de points inscrits à Dublin de leur histoire déjà : 42. Et si l’écart le plus large a tenu (5-24 en 1963, soit + 19 contre + 14 cette fois) à cause d’un petit relâchement pour deux essais concédés dans les trois dernières minutes (27-42), le 34 à 0 asséné par les Bleus entre la 46e et la 74e minute n’a, évidemment, pas d’équivalent. Le Xv du Trèfle a perdu un match du Tournoi à domicile pour la première fois depuis 2021, déjà contre la France (13-15). Samedi, Bielle-Biarrey et ses partenaires ont mis fin à la plus longue série de victoires à domicile dans le Tournoi (10 succès de rang) de l’histoire de l’Irlande. Propre et net.
Une défense de fer
La prestation défensive des Bleus a été époustouflante. Après dix minutes de jeu, 46 plaquages réussis sur 46 réalisés. Et le compteur n’a cessé de s’affoler : 67 sur 72 à la 20e minute. Pour aucun point encaissé lors de cette entame brutale, intense, étouffante des Irlandais. Qui, dans le même temps, n’avaient eu qu’une dizaine de plaquages à effectuer, preuve de leur domination totale. Les Bleus sont restés solides toute la rencontre, avec un taux de réussite de 90% (196 plaquages réussis, 21 manqués). Mieux que Caelan Doris et ses coéquipiers : 84% (97/116). Dans cet exercice, François Cros n’a pas donné sa part au chien. Meilleur plaqueur de la rencontre (17), avec déjà 11 unités au bout d’un quart d’heure. Le troisième-ligne toulousain a également gratté trois ballons dans le brasier des rucks pour une ligne de statistiques XXL. Grégory Alldritt , Mickaël Guillard (14 plaquages) chacun ou encore Thibaut Flament (13) n’ont pas été en reste. Derrière, Yoram Moefana a également brassé de la viande (12 plaquages). ET que dire de Maxime Lucu. Entré au relais de Dupont à la 30e minute, le demi de mêlée de l’UBB a largement apporté son écot avec 10 plaquages.
Penaud dans l’histoire
Il a enfin égalé Serge Blanco. En inscrivant son 38e essai en Irlande, l’ailier de l’UBB a rejoint la légende. Le voilà co-détenteur du record d’essais inscrit sous le maillot bleu. Mais avec un ratio bien supérieur à l’ancien capitaine des Bleus. 38 essais en 55 sélections, soit 0,69 en moyenne par match, contre 0,41 pour l’ancien arrière du Biarritz Olympique. Face à l’Écosse, samedi prochain, Damian Penaud peut donc devenir le meilleur marqueur de l’histoire du XV de France. On lui conseille de prendre ensuite de l’avance car, déjà, son héritier pointe son nez. Louis Bielle-Biarrey, auteur d’un doublé à l’Aviva Stadium, en est à 17 essais en 18 sélections. Soit quasiment un par match. À seulement 21 ans.
LES COUPS DE GRIFFE
Pas de sanction pour la blessure de Dupont
Fabien Galthié est en colère. Et il a raison. Les vidéos semblent indiquer que Tadhg Beirne n’a rien fait pour éviter de prendre, avec tout son poids, le genou d’Antoine Dupont en porte-à-faux. Et si l’arbitre australien, M. Gardner, a assuré à Grégory Alldritt que les images avaient été revues, l’absence de sanction interroge. Pourquoi le lourd deuxième-ligne irlandais n’a pas expulsé alors que son déblayage sur l’articulation du demi de mêlée français correspond à la règle 9.20.e de World Rugby : «Un joueur ne doit pas laisser tomber tout son poids sur un adversaire ou cibler les membres inférieurs d’un adversaire.» Le sélectionneur a officiellement cité Beirne, ainsi que le pilier Andrew Porter, devant la commission de discipline. Peut-être sera-t-elle moins indulgente que l’arbitre-vidéo de la rencontre, l’Anglais Ian Tempest…
Le pack irlandais haché menu
Seul le capitaine Caelan Doris a tenu son rang. Multipliant les assauts pour gagner 67 mètres sur la ligne de front. Costaud. Hélas pour lui, ses coéquipiers du pack ont été nettement moins performants. Les habituels gros-porteurs ont été stoppés par l’agressivité défensive des Tricolores. Dans la féroce bataille des rucks, ils n’ont pas eu non plus leur rendement habituel, les avants tricolores veillant à ne pas les laisser agir à la limite des règles en toute impunité. On a également eu l’impression qu’après avoir fait feu de tout bois pendant les vingt premières minutes de la rencontre, ils n’avaient plus la même énergie, la jauge tutoyant le rouge. L’entrée de cinq avants français à la 49e minute a également achevé de les éteindre.
Le relâchement de fin de match
Avec un époustouflant 34-0 pour prendre le large au score, 42 à 13, à cinq minutes du coup de sifflet final, le XV de France filait vers une performance unique, d’une ampleur jamais vue en Irlande. Mais les cinq dernières minutes, entre carton jaune pour François Cros (74e), fatigue et relâchement mental la victoire étant acquise, ont vu les Bleus céder à deux reprises. Emmanuel Meafou avait pourtant sauvé son camp à deux reprises, d’abord en bout de ligne face à un trois-quarts (!) puis, plus logiquement, dans son en-but en mettant son corps massif entre le ballon et la pelouse. Mais le pilier Cian Healy, à la 77e minute, d’un essai pour son dernier match à l’Aviva Stadium avant de prendre sa retraite internationale dans une semaine, puis Jack Conan, dans les arrêts de jeu, ont inscrit deux essais pour une défaite à l’ampleur un peu moins catastrophique pour des Irlandais qui n’avaient perdu que 2 de leurs 31 dernières rencontres à domicile (face à la France, déjà, et la Nouvelle-Zélande).