Marine Le Pen en visite à Mayotte pour mettre la pression sur le gouvernement

Le plan de reconstruction "Mayotte debout" préparé par le gouvernement Bayrou "ne va pas assez loin", selon la cheffe de file des députés Rassemblement national (RN) qui est arrivée sur l'archipel, dimanche 5 janvier, pour une visite de deux jours.

Pas de comité de soutien à l'arrivée, ni d'accueil avec des couronnes de fleurs cette fois pour Marine Le Pen, au regard du contexte dans ce territoire où elle engrange par ailleurs d'excellents scores électoraux, mais un coup de pression politique.

Le plan du gouvernement nommé "Mayotte debout" ne "va pas assez loin parce que je pense qu'il manque un volet important qui est un volet diplomatique sans lequel beaucoup des choses qui sont promises ne seront pas tenues", a-t-elle déclaré à sa descente d'un avion de la sécurité civile à l'aéroport de Dzaoudzi.

"Sans régler le problème de l'immigration clandestine, rien ne sera utile", a-t-elle ajouté, en référence à la forte pression migratoire, notamment des Comores voisines, que subit ce département, le plus pauvre de France. Et de promettre d'"amender" en ce sens le projet de loi d'urgence pour Mayotte, qui doit être présenté mercredi en Conseil des ministres.

À défaut d'apporter des tonnes d'aide, ou de pouvoir annoncer des mesures comme le président de la République Emmanuel Macron puis le Premier ministre François Bayrou avant elle, Marine Le Pen a dit venir d'abord "écouter" les Mahorais et leur "souffrance", pour s'en faire la "porte-parole", trois semaines après le passage du cyclone Chido.

"Marine Le Pen est ici chez elle"

"On est encore confronté à l'urgence. Il y a encore la moitié de la population qui n'a pas d'électricité, il y a encore de la population qui n'a pas d'eau, qui n'a pas de nourriture", a-t-elle fait valoir. Pourtant, selon le ministère de l'Intérieur samedi, "100 % de la population est raccordée à l’eau courante" et "69,7 % de la population générale est alimentée" en électricité, "malgré des disparités importantes entre les communes".

Lundi, elle devrait visiter le centre hospitalier et rencontrer des élus et des habitants dans le nord de l'île.

Devant le marché de Mamoudzou, chef-lieu de l'archipel, désert en ce dimanche après-midi, Mohamed Ali affirme à l'AFP que "Marine Le Pen est ici chez elle". D'ailleurs, "les Mahorais ont 'mahorisé' son prénom et l'appellent Mariama", souligne-t-il.

"Avec [ses positions] sur l'immigration" Marine Le Pen est à l'aise à Mayotte, ajoute-t-il. "C'est comme un pêcheur qui aime pêcher. Pour Marine Le Pen, à Mayotte, il y a plein de poissons."

Le RN et sa dirigeante ont effectivement été plébiscités aux dernières élections présidentielle et législatives.

Le parti à la flamme y a même obtenu en juillet un de ses deux premiers sièges de députés en Outre-mer.

Un "déplacement "inutile"

L'accueil s'annonce en tout cas moins hostile que pour le chef de l'État, chahuté lors de sa venue, quelques jours à peine après la catastrophe. Une prise à partie qu'il attribuera ensuite à "des gens du Rassemblement national".

"Que des élus de cette envergure nationale pensent à nous en ces temps troublés, c'est important", estime ainsi le président du collectif des citoyens de Mayotte, Fatihou Ibrahime.

Les dégâts du cyclone Chido dans un bidonville à Kangani, à Mayotte, le 4 janvier 2025.
Les dégâts du cyclone Chido dans un bidonville à Kangani, à Mayotte, le 4 janvier 2025. © Julien De Rosa, AFP

À l'inverse, Chafika Madi, rencontrée rue du Commerce, juge ce déplacement "inutile", comme ceux des autres responsables politiques. L'important est plutôt "d'envoyer de l'eau, de quoi manger et reconstruire", considère la commerçante de 36 ans.

Dans une tribune commune publiée sur le site du Figaro le jour de la visite de Marine Le Pen, le ministre d'État chargé des Outre-mer Manuel Valls, et ses collègues de l'Intérieur Bruno Retailleau et des Armées Sébastien Lecornu, promettent que des "mesures de fermeté" contre l'immigration irrégulière à Mayotte figureront dans l'un des projets de loi de reconstruction de l'archipel.

"Sans le traitement de la question migratoire, il n’y a pas d'avenir pour Mayotte", abonde Manuel Valls dans une interview dans le JDD.

Face à l'immigration irrégulière (le département compte 320 000 habitants selon l'Insee, mais peut-être 100 000 à 200 000 de plus avec les sans-papiers), François Bayrou avait plaidé pour un "recensement général et précis de la population" et posé la "question" de revenir sur le droit du sol à Mayotte, déjà restreint dans l'archipel.

Avec AFP