La nièce de Michou raconte comment Gad Elmaleh a racheté le célèbre cabaret de la rue des Martyrs
À son arrivée au Tribunal de Commerce de Paris, où l'on devait statuer sur l'avenir du cabaret Chez Michou placé en liquidation judiciaire depuis la fin du mois de juin, Catherine Jacquard, la nièce de l'homme en bleu, a découvert sur le bureau du magistrat, une seule enveloppe, donc une unique proposition de reprise. « Et pourtant, beaucoup de gens dont j'ignore encore l'identité sont venus découvrir le lieu au cours de ces derniers mois. Nous avons eu près d’une cinquantaine de visites », raconte-t-elle. À l'intérieur du pli, figurait une proposition financière aussi sérieuse que détaillée de Gad Elmaleh, qui, bien entendu, a été immédiatement retenue. L’ambition de l’acteur et humoriste est d’en faire « un lieu de comédie et d'humour, tout en gardant l'âme de Michou ».
« Il est venu quelques jours plus tôt rue des Martyrs, ajoute Catherine Jacquard. Après avoir visité la salle et les coulisses, il a demandé à me voir. Nous avons discuté très simplement et très amicalement pendant un quart d'heure. Il m'a confié avoir ressenti quelque chose de très fort ». Elle n'a donc pas été surprise d'un investissement dont elle se réjouit sans préciser à quelle hauteur il se situe.
« Michou craignait que ce lieu auquel il a tout donné devienne un jour une laverie. Gad Elmaleh va proposer une autre forme de spectacle, sous une identité différente, mais je suis convaincue que Michou aurait été très fier et très heureux de cette conclusion », poursuit la nièce de l’ancien maître des lieux.
L'aventure du cabaret avait débuté à la fin des années 60, un jour de chandeleur. Pour animer sa discothèque qui périclitait, Michel Catty, dit Michou, avait organisé avec deux copains, Eugène et Lucien, une soirée costumée. « Le succès a été tel qu'il a continué et mené un long combat avant que son nom figure sur la façade du 80 rue des Martyrs », explique Catherine Jacquard pour qui cette vente met fin à plus de quatre années parfois difficiles à vivre. Responsable commerciale pendant vingt-trois ans du cabaret, elle en est devenue la Présidente au lendemain de la mort de son fondateur et à l'issue d'un vote des Michettes. Il a alors été décidé que l'aventure des spectacles transformistes se poursuivrait.
Un musée Michou ?
Après des premiers mois plutôt fastueux, les temps difficiles ont commencé. Catherine Jacquard a dû faire face aux manifestations des gilets jaunes, qui ont bloqué le quartier pendant plusieurs week-ends, avant de vivre, confinements obligent, plusieurs semaines de fermeture. « Nous ne sommes pas restés inactifs pour autant. Nous avons travaillé avec Madame Arthur, notre voisin, et tourné dans nos salles vides, des spectacles que nous avons proposés sur internet, sous la forme d'abonnements. Ça a très bien marché, et cela m'a rassuré sur la fidélité de notre public ».
La liberté de circulation revenue, elle a décidé de relancer la machine avec de nouveaux numéros, des menus renouvelés et une présence plus importante sur les réseaux sociaux. « Des sociétés qui ne nous connaissaient pas nous ont envoyé des groupes. Nous avons eu des enterrements de vies de jeunes filles, et des familles venues, grâce au bouche-à-oreille, d'Angleterre, des États-Unis et même d'Australie », se souvient-elle. Hélas, les retards en trésorerie et le remboursement des emprunts aux banques ont creusé le déficit. L'impossibilité de circuler sans tomber dans des embouteillages inextricables, l'augmentation du coût des parkings à Paris, l'interdiction de stationnement aux cars de tourisme, ainsi que la concurrence de plus en plus grande de cabarets en province plus accessibles et financièrement plus abordables, ont rendu la situation quasi inextricable. Des réservations prévues de longue date ont été annulées quelques semaines seulement avant les Jeux Olympiques. Cela a fini par tuer les derniers espoirs de survie. « La quasi-totalité de celles et ceux qui avaient retenu des places pour le mois de juillet nous a annoncé qu'ils reportaient leur séjour à Paris au mois octobre, explique-t-elle. On nous avait promis des millions de visiteurs, et nous n'avons finalement vu personne ».
Face aux alarmes des comptables, Catherine Jacquard a compris qu'en continuant ainsi, elle allait droit dans le mur. Elle n'avait plus d'autre solution que de mettre définitivement la clef sous la porte. « Les représentants du syndicat des cabarets ont tenté de me faire changer d'avis en argumentant que nous avions un taux de fréquentation suffisant pour ne pas nous plaindre ». Consciente qu'elle était, financièrement, en grand danger, elle a maintenu sa décision et licencié, à regret, ses vingt-trois employés. Certains vont prendre leur retraite, d'autres pointer au chômage et les plus jeunes jouer la carte de la reconversion. « L'un d'entre eux m'a annoncé qu'il avait entamé une formation dans l'univers du maquillage », dit-elle.
Moralement marquée par ce marathon quotidien, Catherine Jacquard va commencer par reprendre des forces dans sa maison, au cœur de la Corrèze. Elle s'attellera ensuite à une autre mission qui lui tient particulièrement à cœur. « J'ai récupéré des costumes, des photos et des affiches et le nom de Michou m'appartient. Avant de partir, mon oncle a regardé vers le ciel en me tenant la main. Il m'a transmis sa force et mon devoir est maintenant de tout faire pour qu'il demeure présent dans la mémoire des générations futures ». En créant, pourquoi pas à Montmartre, un musée pour célébrer celui que l’on nommait le prince bleu.