L’art contemporain africain perd un de ses grands artistes, un rêveur de l’art aux mains de fée. Le message de la Galerie Magnin-A est arrivé très tard vendredi soir, juste avant minuit. «Nous avons appris avec douleur la disparition de l'artiste congolais Rigobert Nimi. Le Congo perd un artiste, nous perdons un ami», a écrit sobrement son directeur Philippe Boutté au nom d’André Magnin, grand découvreur de la scène africaine. Rigobert Nimi, né à Tshela au Bas-Congo en 1965 est l’artiste africain aux villes futuristes et joyeuses, transpositions des visions de l’enfance dans l’imaginaire d’un adulte extrêmement inventif. On avait vu ses grandes cités pimpantes se déployer à la Fondation Vuitton lorsqu’elle présenta la Collection d’art africain contemporain de Jean Pigozzi, «Les Initiés», dans le cadre de l’exposition «Art/Afrique. Le nouvel atelier», en 2017. Rigobert Nimi est décédé le 22 octobre 2024 à Kinshasa où Il vivait et travaillait.
Dans sa jeunesse, Rigobert Nimi crée des reproductions innovantes de jouets à partir de matériaux recyclés. Cet «upcycling» est la grande source de création en Afrique, du maître ghanéen El Anatsui , Lion d’or de la Biennale de Venise 2015 qui tisse des toisons d’or à partir de capsules de bouteilles aplaties comme celles du Domaine de Chaumont-sur-Loire, au béninois Romuald Hazoumè , qui transforme les jerricans en masques incroyables. Les œuvres de Rigobert Nimi ont été exposées notamment au Museum of Fine Art de Houston, au Guggenheim Bilbao, à la Fondation Cartier, à la Fondation Louis-Vuitton, à l'Astrup Fearnley Museet d'Oslo.
Au début des années 2000, inspiré par les dessins animés et les films de science-fiction, Rigobert Nimi commence à réaliser ses sculptures uniques, composées de vaisseaux spatiaux et d'usines robotisées complexes, animées et lumineuses. Chaque œuvre nécessite une planification minutieuse ; Nimi calcule et dessine chaque étape de la construction de ses machines. Leur contemplation tient de la joie enfantine devant un monde heureux et de l’émerveillement devant l’extraordinaire virtuosité manuelle de ce créateur rêveur.
Rigobert Nimi utilisait des matériaux recyclés—détritus industriels, plastique, tôle, aluminium et composants électriques—qu'il collecte à Kinshasa. Découpant, transformant et moulant de ses propres mains, Nimi n'utilise que cinq outils, explique sa galerie Magnin-A : une paire de ciseaux, un couteau personnalisé, une pince universelle, une pince coudée et une règle. La conception globale, la méthode et la précision technique sont des constantes dans l'exécution de ses œuvres monumentales, qui demandent plus de quinze mois de travail.
Certaines de ses créations évoquent des stations spatiales ou des architectures de films de science-fiction, une démarche qu'il décrit comme une façon de façonner une réalité alternative, peuplée de rêves, d'espoir et d'imagination. Il déclarait : « Concevoir et construire ces machines avec rigueur et précision est pour moi une façon de concrétiser mes rêves, d'oublier le quotidien et ses difficultés. C'est avant tout le courage qui m'a permis de réussir. Les jeunes artistes d'Afrique sont une ressource ignorée. »
En juillet 2023, à l'occasion de sa première exposition personnelle Rigobert Nimi - Œuvres in situ au Centre d'art MAMO du designer Ora Ito sur le toit de la Cité Radieuse à Marseille, l'artiste se voit remettre la Médaille d'honneur de la Ville de Marseille par le maire Benoît Payan, qui salue la singularité de son œuvre et son ouverture sur le monde. En 2020, il faisait partie de l’exposition de groupe «Alpha Crucis» à l’Astrup Fearnley Museet, le musée privé dessiné par Renzo Piano dans le port d’Oslo, en Norvège. En 2017, ce fut la révélation dans «Art/Afrique. Le Nouvel Atelier», à la Fondation Louis-Vuitton. En 2015, il participa à «L'art et la machine», au Musée des Confluences, à Lyon. Et à «Beauté Congo – 1926-2015 – Congo Kitoko», à la Fondation Cartier, à Paris (14e). En 2014, la Harvard University de Cambridge, au Massachusetts l’exposa dans «Luminós/C/ity.Ordinary Joy: From the Pigozzi Contemporary African Art Collection», dans la Ethelbert Cooper Gallery of African & African American Art. Yves Aupetitallot, alors directeur du Magasin à Grenoble l’avait montré dès 2011 dans «JapanCongo». Le Guggenheim Bilbao dès 2006 dans "100% Africa". Et Le Grimaldi Forum de Monaco dès 2005 dans «Arts of Africa».