Sans ce rouge omniprésent qui, des cravates aux pulls en passant par les casquettes, essaime çà et là, tout porte à croire qu’il s’agit d’une soirée estudiantine comme une autre. Pourtant, dans le sous-sol d’un bar branché de l’East Village, se joue un événement «spécial». En ce glacial jeudi de décembre, se rejoignent la fine fleur des jeunes conservateurs new-yorkais pour un raout privé estampillé MAHA : Make America Hot Again. Un slogan détourné qui tente d’insuffler une dose de «glamour» chez les trumpistes. Ainsi, depuis un an, ce «mouvement» permet à une jeunesse en mal de reconnaissance de «rencontrer des gens qui pensent comme eux» et, qui sait, « de rencontrer l’amour» dans une ville démocrate.
Fourmillant entre les groupes, Raquel Debono présente son projet : «J’ai créé MAHA il y a un an parce que je trouvais qu’il n’y avait pas de place à New York pour que des gens comme nous puissent se parler.» Dès lors, elle se met en quête d’endroits qui lui ressemblent. Ce ne seront pas les différents «clubs républicains», jugés «tyranniques» et «trop masculins». Ce que veut cette avocate de 29 ans tient en quelques mots : des réunions de «conservateurs cools». Si elle soutient la politique migratoire et le discours anti-woke de Donald Trump, elle prêche pour un changement de méthode chez les militants : rendre glamour, urbain et festif un parti républicain «traditionnaliste», incarné notamment par Turning Point USA, le mouvement de Charlie Kirk. C’est donc à rebours d’une large frange des républicains que Raquel Debono évolue et tente de reprendre le pouvoir.
«On est entouré de progressistes»
Autour de lui, la foule grossit. John peine à masquer son appréhension : «C’est la première fois que je viens à une fête MAHA. J’en ai entendu parler sur les réseaux sociaux et j’ai trouvé l’idée très bonne», souligne le trentenaire venu rencontrer l’âme sœur. «Pour les conservateurs, vivre à New York c’est être très seul, alors j’espère que je vais pouvoir aborder une jolie jeune fille», projette-t-il, avant de tenter une analogie surprenante : «C’est vraiment difficile car on est entouré de progressistes… C’est comme dans Star Wars 2, les Jedis contre les Sith.»
Plus loin, Eric explique, en habitué, que MAHA est «une respiration» dans son quotidien. Une personne fait figure d’antéchrist dans ce «New York libéral et woke» : Zohran Mamdani, le nouveau maire de la ville. «Je l’appelle Salami. Il explique à lui seul les soirées MAHA. Nous devons nous lever afin que les prochaines fois, nous ne soyons pas relégués au sous-sol», explique le trentenaire.
Brandon, venu avec sa femme, préfère voir en MAHA l’incarnation de la «liberté d’expression», qui serait «bâillonnée dans les grandes villes démocrates». Un constat que partagent la plupart des convives et qui peut surprendre, alors que l’Amérique n’a jamais été aussi conservatrice. Quid de Donald Trump élu une deuxième fois en remportant le vote populaire -une première pour un républicain depuis Bush en 2004 ? «Il y a une vraie confrontation entre les villes et les campagnes aux États-Unis. Ce sont deux Amérique, une rouge et une bleue», résume James, un Gallois vivant à New York. Ainsi, ces événements sont «importants» selon lui, car ils permettent d’écrire un autre récit, de nature à «répandre un nouveau message».
Un cocktail à la main, Cynthia rejoue cette «bataille culturelle» : «Nous voulons encourager les gens des villes à avoir l’esprit ouvert», promet cette «influenceuse tech de San Francisco». Pour elle, il est aussi question de «féminisme». «C’est de plus en plus dur d’exister pour nous, les femmes conservatrices, nous sommes totalement marginalisées», analyse-t-elle. C’est ce «ras-le-bol» qui pousserait cette jeunesse républicaine à tenter de «persuader les gens», ambitionne James.
MAHA, le nouveau Tinder ?
Pour autant, la politique ne semble pas toujours au centre des débats. Pour Frank, la vingtaine, la soirée est plutôt un «prétexte» pour «networker». Paula, 25 ans, abonde : «C’est un mix entre jeunes et vieux, entre hommes et femmes. C’est d’abord un événement social où, chaque mois, les gens viennent pour discuter, boire des coups, danser un peu.»
Passer la publicitéEn attendant les festivités, chaque groupe tente de se faire entendre dans le brouhaha où résonne l’inénarrable All I want for Christmas is You de Mariah Carey. Sur la soixantaine d’invités, on compte tout de même plus d’hommes que de femmes et l’âge moyen semble se situer entre 25 et 35 ans. Le signe d’un «renouvellement chez les républicains», veut croire Thomas, un jeune financier. Les tenues sont soignées, les robes et manteaux chics succédant aux chemises et aux costumes bien taillés. Car le projet est aussi de «jouer le rôle d’entremetteur», d’après Raquel Debono. «MAHA, c’est aussi conçu pour trouver l’amour, j’y ai d’ailleurs rencontré un de mes anciens petits amis», sourit celle qui, en «femme libre» et ambitieuse, veut donner à voir un autre visage du trumpisme.