"C'est formidable", confie l'écrivain Boualem Sansal "très ému" après avoir reçu le prix Cino Del Duca à l'Académie française

"Je suis très ému, c'est formidable", confie à France Culture l'écrivain franco-algérien Boualem Sansal, après avoir reçu le prix Cino Del Duca à l'Académie française, trois semaines après sa libération à l'issue de près d'un an de détention en Algérie. Boualem Sansal n'a pas manqué de penser au journaliste Christophe Gleizes, condamné en appel à 7 ans de prison en Algérie. "J'espère qu'il sera rapidement libéré", insiste l'écrivain.

"C'est très troublant pour moi", explique Boualem Sansal, après avoir reçu cette récompense. "Depuis que je suis sorti de prison, je vis dans des foules alors que j'ai été pendant une année, 24 heures sur 24, seul", glisse-t-il. "J'ai plein d'amis, je connais tout le monde, je retrouve ma famille, mes amis", ajoute l'écrivain qui ne cache pas son "grand plaisir". Il évoque notamment le "gap entre ce que j'étais il y a quinze, vingt jours et ce que je suis maintenant, un peu au centre du monde, c'est flatteur".

Pensées pour Christophe Gleizes

"Au-delà de la prison, j'ai été très, très maltraité en Algérie", déclare l'écrivain. "Vivre en prison une année, ce n'est pas terrible, terrible", lâche-t-il. "Mais j'ai été l'objet d'une haine inimaginable. Je n'imaginais pas qu'un jour je pouvais, pour un pays entier, susciter tant de haine", ajoute-t-il. "Sur mon nom se sont rassemblées, agglutinées, toutes les haines que ce pays nourrit à l'égard des juifs, des chrétiens, des penseurs, des poètes. Tout cela sur mon dos. C'est dur", confie-t-il.

"J'ai vraiment hâte de voir Christophe Gleizes et de discuter avec lui", affirme l'écrivain. "Nous avons quarante ans de différence et j'aimerais bien discuter avec lui pour voir comment il a vécu ça et échanger", explique-t-il. "Le régime algérien est si pourri qu'ils sont capables de tout", dit-il. "J'espère vraiment qu'il sera libéré dans la semaine ou les quinze jours qui viennent", souhaite Boualem Sansal. "Ce que l'on attend quand on est innocent, c'est un acquittement pur et simple et des excuses", et non la grâce, insiste-t-il. "Là, on nous gracie comme si on rendait service. Mais il faut vivre avec", regrette l'écrivain.

"Je n'arrive pas à me faire à l'idée que je doive vivre dans l'état d'un gracié"

Boualem Sansal

à France Culture

Il recommande à Christophe Gleizes de "faire attention". "J'aurais dû d'ailleurs me donner ce conseil à moi-même", souffle-t-il. "Je me suis retrouvé en prison parce que, comme lui, j'ai été naïf, en pensant que l'on peut voyager n'importe où, librement, que l'on peut s'exprimer librement. Ce n'est pas vrai du tout", insiste Boualem Sansal. "Nulle part, je crois, on ne peut voyager librement et parler librement. On est toujours dans une première étape critiqué, puis insulté, vomi, ensuite incarcéré et au bout, probablement assassiné. Donc, c'est vraiment dur", assure l'écrivain.

Boualem Sansal dit vouloir "retourner en Algérie". Il "veut une réparation". Mais "je ne peux pas le demander à la justice algérienne", car "c'est une dictature", déclare-t-il. "Je ne peux pas leur demander de me rejuger avec de vrais juges, de vrais avocats, et un procès public", assure-t-il. "Donc je veux réparation, et me la donner moi-même", insiste-t-il. "Le pouvoir algérien ne me la donnera jamais. Jamais il ne reconnaîtra s'être trompé", affirme Boualem Sansal. "Je souhaite donc simplement y aller, entrer et sortir", conclut-il.