Huit membres de l'ONG INSO, spécialisée dans la sécurité humanitaire, dont trois Européens - un Français, une Franco-sénégalaise et un Tchèque -, ont été libérés fin octobre après avoir été arrêtés pour «espionnage» par le Burkina Faso, dirigé par une junte militaire qui prône une politique souverainiste. L'annonce de cette libération intervient après que le gouvernement de Ouagadougou a indiqué jeudi rétablir la peine de mort dans le Code pénal, notamment pour «les actes d'espionnage». Le Burkina Faso, pays sahélien miné par les attaques meurtrières de groupes djihadistes, est dirigé depuis trois ans par un régime autoritaire issu d'un coup d'État.
«INSO salue la libération de ses collègues effectuée en toute sécurité et est reconnaissant du soutien qui l'a rendue possible», a indiqué vendredi à l'AFP le service communication de l'ONG, basée à La Haye (Pays-Bas), qui avait réfuté les accusations d'espionnage. Elle précise que la libération de ses membres s'est faite fin octobre. Les arrestations ont eu lieu après la suspension fin juillet des activités de l'ONG par la junte pour trois mois, accusée de «collecte de données à caractère sensible sans autorisation préalable».
Passer la publicité«Espionnage et trahison»
Huit membres d'INSO avaient été arrêtés: le directeur pays, un Français, son adjointe franco-sénégalaise, le directeur global des programmes, tchèque, ainsi qu'un ressortissant malien et quatre Burkinabè. Le directeur pays avait été arrêté fin juillet selon plusieurs sources et, selon la junte, le directeur global des programmes s'était rendu à Ouagadougou le 8 septembre, malgré la suspension.
Début octobre, la junte avait annoncé avoir arrêté les 8 membres de l'ONG. Ils étaient accusés par les autorités «d'espionnage et de trahison». Le ministre de la Sécurité Mahamadou Sana avait déclaré qu'«INSO est une ONG étrangère, dirigée par des étrangers, qui collectait et fournissait des informations sécuritaires sensibles pouvant être préjudiciables à la sécurité nationale et aux intérêts du Burkina Faso, à des puissances étrangères».
Il avait précisé que malgré la suspension de ses activités décrétée le 31 juillet, certains responsables «ont continué à mener clandestinement ou de façon détournée des activités telles que des collectes d'informations et des réunions en présentiel ou en ligne».
Des ONG ciblées
L'ONG, qui n'a pas souhaité donner plus de détails vendredi, fournit notamment des analyses sécuritaires pour d'autres associations humanitaires. «Nous restons engagés pour soutenir l'aide délivrée par les organisations humanitaires en toute sécurité, à tous ceux dans le besoin», a-t-elle dit. «Nous nous efforçons de faire respecter les principes humanitaires partout où nous travaillons», a-t-elle ajouté.
Cette année, le Burkina Faso a suspendu et révoqué l'autorisation d'exercer de plusieurs dizaines d'ONG et associations. Le régime du capitaine Ibrahim Traoré défend une lutte souverainiste avec le Mali et le Niger, tous dirigés par une junte et alliés au sein de la confédération de l'Alliance des Etats du Sahel (AES). Le Niger a lui aussi récemment suspendu plusieurs centaines d'ONG et d'associations de développement, locales et étrangères qu'il accuse régulièrement de manquer de transparence et de soutenir les «terroristes».
Passer la publicitéViolences djihadistes
Le Niger, comme le Burkina et le Mali, est miné par les violences de groupes djihadistes. Fin 2024, Niamey avait révoqué l'autorisation d'exercer d'INSO sur son territoire. Au Mali, la junte avait interdit en 2022 les activités de toutes les ONG financées ou soutenues par la France. En outre, un agent de renseignement français sous statut diplomatique est détenu à Bamako depuis août, accusé d'avoir pris part à une «conspiration» contre les institutions menée par «un groupuscule d'éléments marginaux des forces armées de sécurité malienne», des accusations «sans fondement», selon le Quai d'Orsay.
Le Burkina Faso a rompu avec plusieurs puissances occidentales, la France en tête, régulièrement accusée de vouloir déstabiliser le pays, ce que Paris nie. Par ailleurs, les voix critiques du régime sont durement réprimées au Burkina Faso, où de nombreux cas d'enlèvement et d'arrestations d'individus ont été rapportés dans le pays depuis plus d'un an. Une dizaine de personnes ont été libérées ces derniers mois.