Nuit du Bien commun à Bordeaux : les associations lauréates victimes d’une chasse aux sorcières
Organisée au Palais de la Bourse à Bordeaux, mercredi 10 décembre, pour la quatrième année consécutive, la Nuit du Bien commun cristallise un combat idéologique qui dépasse les associations lauréates.
Passer la publicité Passer la publicitéAu cœur de la paisible Bordeaux, qui aime pourtant à vivre sans râles et sans heurts, la polémique autour de la Nuit du Bien commun s’emballe. La quatrième édition bordelaise de la soirée caritative, qui doit se tenir mercredi 10 décembre au palais de la Bourse, s’amorce sous haute tension. L’événement est attaqué par la Fédération du PS de la Gironde, suivie des antennes locales de La France Insoumise (LFI) et du Parti communiste français (PCF). Ces partis reprochent aux organisateurs de la Nuit du Bien Commun de «promouvoir l’extrême droite» et sa proximité avec le milliardaire Pierre-Édouard Stérin, qui veut remettre la droite au pouvoir et consacre son mécénat aux œuvres auxquelles il croit via son projet Périclès.
Si le créateur des Smartbox était l’un de ses cofondateurs, il y a dix ans, celui-ci n’a plus aucun lien avec la Nuit du Bien commun depuis plusieurs années selon ses organisateurs. Quant à Périclès, son opérateur privé qui se revendique «d’inspiration libérale conservatrice», il n’est ni partenaire ni même partie prenante de la soirée caritative.
Passer la publicitéDes arguments que les opposants à l’événement refusent d’entendre. «La Nuit du Bien commun est une offensive de l’extrême droite pour imposer sa doctrine. Nous nous opposons au modèle de société que propose ce grand baroud américanisé de mécénat qui nuit à l’intérêt général», déclare ainsi Nordine Raymond (LFI). Le candidat aux prochaines élections à Bordeaux, qui assure n’avoir «rien contre les subventions aux associations», estime que «c’est à l’État d’assurer la solidarité par la taxe aux entreprises et aux particuliers». Avant d’ajouter : «On fait de la politique, il est normal que nous nous opposions à tout événement qui pourrait véhiculer les idées nauséabondes de l’extrême droite.»
Selon plusieurs sources concordantes, des mails virulents, voire «menaçants», ont été envoyés à tous les participants à l’événement. Deux plaintes ont déjà été déposées, dont une par la Chambre du commerce et de l’industrie (CCI) qui loue les lieux. «Il s’agit d’une relation commerciale et la CCI n’a aucune raison de refuser que ce gala caritatif se tienne au palais de la Bourse pour la quatrième année. Il est en revanche inadmissible de menacer notre image de représailles», réagit sobrement Philippe Garcia, le porte-parole de l’institution.
Les organisateurs de la Nuit du Bien commun ne m’ont jamais parlé de politique et je mets au défi quiconque de faire aussi bien qu’eux (...) Que l’extrême gauche me donne les 40.000 euros dont mon association a été privée!
Leila Zeglil, vice-présidente d’une association qui s’est retirée en raison de la polémique
Chasse aux sorcières
«J’ai reçu deux mails, dont un qui nous disait que si nous ne nous retirions pas de la Nuit du Bien commun avant le 21 novembre, il serait dit au grand public que nous étions des soutiens de l’extrême droite», témoigne Leila Zeglil. La vice-présidente de Dépannage Distraction, une association bordelaise qui organise des activités pour les enfants dans les hôpitaux, est furieuse. Son conseil d’administration, par crainte des représailles, a décidé de se retirer de l’évènement. «Nous avions eu de la chance d’être sélectionnés : nous allions récolter 40.000 euros en trois minutes dans une soirée caritative. Vous imaginez ? C’était une opportunité exceptionnelle pour les enfants», s’insurge la Bordelaise. Avant de tonner : «Les organisateurs de la Nuit du Bien commun ne m’ont jamais parlé de politique. Ce sont de belles personnes et je mets au défi quiconque de faire aussi bien qu’eux. Les détracteurs, eux, critiquent et ne font rien. Eh bien, que l’extrême gauche me donne les 40.000 euros dont mon association a été privée !»
Certains donateurs, eux aussi, sont furieux d’être pris à partie sur des fondements qu’ils jugent fallacieux. «Je ne comprends pas ses attaques, indique Pauline Boyer, je n’ai jamais ressenti une orientation politique dans la Nuit du Bien Commun.» La néo-Bordelaise, qui a participé à l’édition 2024 de la soirée pour «découvrir la vie associative locale» et la soutenir financièrement, tient à rétablir les faits. «C’est un acte citoyen de lutter contre la précarité, l’État ne peut pas tout faire et je ne me réclame d’aucun bord politique quand je donne. Les associations qui sont présentées ne sont pas politisées, c’est la générosité la star de la soirée», poursuit-elle. Au lieu de chercher à détruire la Nuit du Bien commun, la gauche n’a qu’à s’emparer du concept et faire la même chose si elle veut flécher de l’argent vers d’autres actions».
Même écho du côté d’une fidèle donatrice, qui a choisi de rester anonyme face à cette chasse aux sorcières dont elle craint de devenir une victime supplémentaire. «Les associations privées sont le sel de la France et le nerf de la guerre, elles nous permettent de faire société. J’aime la Nuit du Bien commun car mes dons sont suivis et je sais comment mon argent a été utilisé», explique-t-elle. Une transparence, qui a conduit la quadragénaire à s’engager bénévolement au sein de l’association Handi’chien à laquelle elle avait fait un don en 2023. Pour cette mère de famille, il apparaît essentiel de rappeler aux Français la vocation de cette soirée caritative à l’aube de Noël. «Les valeurs d’entraide et d’empathie qui sont présentées sur scène ce soir-là sont très émouvantes. Il y a des jeunes, de la joie et l’événement est ouvert à tous», insiste-t-elle. Bien loin des critiques dont la Nuit du Bien commun fait l’objet de la part de ses détracteurs.