«L’État ne cédera jamais rien aux narcotrafiquants» : après les coups de feu répétés à Nantes, l’offensive des autorités

Depuis la rentrée, la ville de Nantes subit une nouvelle vague de coups de feu. Déjà l’an passé, la période automnale avait été sujette à ce phénomène, associé au trafic de stupéfiants. Mais cette année, les chiffres ont bondi : 54 épisodes ont déjà eu lieu au cours des onze premiers mois, contre 43 sur toute l’année 2024. «Ces séquences de tirs concernent assez singulièrement des quartiers qui étaient jusque-là plutôt épargnés par ces épisodes», a déclaré le préfet de Loire-Atlantique Fabrice Rigoulet-Roze, lors d’un point presse organisé mercredi soir à Nantes, secteur Port-Boyer. Ici, huit épisodes de tirs ont été recensés rien que depuis octobre. Un peu plus loin, à Pirmil, cinq ont été enregistrés depuis la fin de l’été.

Pour y faire face, une opération de sécurisation d’envergure a été menée sur ces secteurs mercredi après-midi, ainsi qu’à Bottière. Environ 135 fonctionnaires ont été mobilisés, conduisant à l’interpellation de quinze individus et à des saisies de stupéfiants. «L’État ne cédera jamais rien aux narcotrafiquants», a martelé le préfet, lors de la conférence de presse organisée aux côtés du procureur, du patron de la police et d’un adjoint au maire.

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Les trafiquants se déplacent

Depuis mi-novembre, un plan d’actions a été mis en place dans les deux quartiers nouvellement ciblés, Port Boyer et Pirmil. Outre les interventions similaires à celles d’hier, des équipages policiers sont présents sur place en permanence, «de la fin de la matinée jusqu’à vingt-deux heures ou minuit selon les jours de semaine». Les consommateurs sont aussi dans la ligne de mire des agents, avec la délivrance d’amendes forfaitaires délictuelles. Enfin, «on utilise beaucoup les nouvelles mesures administratives prévues par la loi narcotrafic , que ça soit les interdictions de paraître sur les points de deal, ou les expulsions locatives», a poursuivi le représentant de l’État. «On met le paquet sur des quartiers qui étaient jusqu’à présent plutôt moins concernés par le narcotrafic. Les points de deal étaient moins fréquentés et moins concernés par les épisodes de tirs.»

L’an passé, d’autres lieux étaient davantage touchés. «On voit bien que les coups de boutoir qu’on a mis de manière très résolue sur des points de deal qui se sont dévitalisés ne sont pas forcément sans lien avec les récents événements», a constaté Fabrice Rigoulet-Roze. Et d’insister : «Cela doit être une mobilisation collective dans laquelle l’État prend toute sa part et continue cette montée en puissance pour lutter contre le narcotrafic», a insisté Fabrice Rigoulet-Roze, lors de cette séquence médiatique.

De son côté, Bassem Asseh, bras droit de la maire de Nantes en charge de la sécurité, a assuré que la ville utilisait les compétences dont elle dispose. Par exemple, en fournissant les bandes vidéo des caméras de vidéoprotection, dispositif qui suscite par ailleurs souvent des débats au sein de la majorité municipale. Cette aide de la collectivité passe aussi par l’aménagement urbain. «Parfois, il faut améliorer l’éclairage de manière à ce que le travail des forces de sécurité puisse se faire».

Enquêtes longues

Du côté des forces de l’ordre, «tout fait donne lieu à l’ouverture d’une enquête», a rappelé Philippe Jos, directeur interdépartemental de la police nationale de Loire-Atlantique. Certaines aboutissent dans les jours qui suivent, d’autres peuvent requérir des mois ou des années. «Ce qu’il faut savoir, c’est que les enquêtes judiciaires faites par la police sont extrêmement complexes. Nous n’avons aucune collaboration des victimes puisque ce sont des règlements de comptes entre trafiquants de drogue», a souligné le procureur de la République de Nantes, Antoine Leroy. Parfois, les victimes de tirs ne sont pas identifiées.

Le magistrat a également fait mention de résolutions de cas récents : «Nous avons eu, il y a cinq jours, deux interpellations et deux incarcérations. Il y a six jours, nous avons eu une interpellation et une incarcération pour des tirs qui ne sont pas très vieux». Sur Pirmil, «on a actuellement huit personnes en détention, toutes dans le cadre d’instructions judiciaires». Depuis le début de l’année, 84 armes à feu ont aussi été récupérées, ainsi qu’environ 600 armes blanches.

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S’il est arrivé récemment qu’une séquence de coups de feu concerne des menaces dans une affaire de mœurs entre jeunes, la plupart restent liées à des guerres de territoire entre trafiquants. «Il n’y aurait pas de points de deal, ni de guerres entre trafiquants, ni de tirs, ni d’argent généré comme ça, s’il n’y avait pas de consommateurs. C’est important de le dire», a terminé le procureur. Depuis le 26 novembre, une campagne de communication «Tu consommes, tu cautionnes» est en cours dans le département de Loire-Atlantique, pour sensibiliser les acheteurs et dénoncer leur responsabilité.