Bordeaux : l’élue d’extrême gauche Myriam Eckert porte plainte pour harcèlement contre Philippe Poutou

«Ces gens se présentent sur les plateaux pour défendre les salariés et dire “nous et les pauvres”... Mais quand on gratte un peu, cette gauche soi-disant radicale se comporte comme n’importe quel politicard présent pour les profits», accuse Myriam Eckert. La conseillère municipale bordelaise d’extrême gauche, qui avait fait part de ses intentions en 2022, vient de porter plainte contre Philippe Poutou (NPA), Évelyne Cervantes Descubes (Bordeaux en Luttes) et Nordine Raymond (LFI). Au Figaro, elle explique avoir finalement attendu pour «se préparer psychologiquement à recevoir les ripostes». Déposée ce 17 novembre pour «harcèlement moral» et «complicité de harcèlement moral», la procédure a été enregistrée par le parquet de Bordeaux, qui doit encore l’analyser afin de juger de l’opportunité des poursuites.

Lors des élections municipales de 2020, la liste Bordeaux en Luttes obtient trois sièges et forme un groupe au conseil municipal. Cela lui permet de financer un poste de collaborateur, qui est partagé à mi-temps entre Myriam Ekhert, quatrième sur la liste, et Nordine Raymond. Rapidement, la situation s’envenime. «Très vite, Philippe Poutou a commencé à revenir sur les promesses qu’il avait fait au collectif, comme celle de ne pas être candidat à la présidentielle. Ensuite, il y a eu un imbroglio sur les élections régionales», explique l’élue. Les désaccords s’accumulent et Myriam Ekhert assure les avoir assumés publiquement, en réunion comme auprès des militants durant les manifestations.

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Jusqu’au point de rupture. «Visiblement, Myriam ne me supporte pas, se veut très critique par rapport à mon attitude, les idées, mon travail, reprochant à la fois mon "ego", mon "autoritarisme", mon parti “de connards”... Je ne discuterai pas de la justesse ou pas de ses appréciations et surtout pas de son droit de le penser, je dis juste que dans ces conditions, il n’est plus possible de "collaborer" pour le travail municipal», écrit Philippe Poutou au groupe d’élus Bordeaux en Luttes (BEL), le 18 septembre 2021, dans un mail que nous avons pu consulter. S’ensuit une réunion à La Jeune garde, un restaurant alors tenu par Nordine Raymond, où Myriam Ekhert n’est pas conviée. «J’ai été naïve, je me suis senti trahie», réagit cette dernière.

Emploi fictif ?

La situation ne s’améliore pas dans les semaines, qui suivent. Le 28 octobre 2021, un mail rédigé par Philippe Poutou et signé par les trois élus BEL acte la rupture. «Nous ne souhaitons plus collaborer avec toi», indique la missive, «par contre, peut-être tiens-tu à garder ton salaire. Ce qui se discute, c’est légitime [...] On peut très bien se mettre d’accord sur un délai de quelques mois avant d’envisager la fin de ton contrat.» Le texte précise ensuite : «Il nous faut trouver une issue, sans crise, sans tension et nous ne pouvons pas nous permettre de tricher et de nous mettre dans l’illégalité, c’est de l’argent public.» Si les élus BEL semblent avoir voulu offrir un sursis à Myriam Eckert, cette dernière s’en révolte aujourd’hui et dénonce «une proposition d’emploi fictif».

«Placardisée»

«Ce qui dit Myriam Ekhert sur sa placardisation est vrai, Philippe Poutou voulait la pousser à démissionner», affirme Antoine Boudinet. L’ancien élu BEL, qui a démissionné en septembre 2021 pour céder sa place au conseil municipale à Myriam Ekhert, assure au Figaro regretter de ne pas avoir réagi plus tôt. «À l’époque, j’ai découvert que tout cela avait fait tomber Myriam en dépression car elle ne comprenait pas ce qu’il se passait, décrit-il. J’en ai eu marre de tout cela et j’ai décidé de démissionner. C’était une manière pour moi de prendre mes responsabilités et de l’aider à sortir de cette situation par le haut.» Me Bouyer, l’avocat de Myriam Ekhert condamnée en juin pour refus d’obtempérer et outrage à agent, déclare quant à lui disposer de «plusieurs éléments qui composent un faisceau d’indices» qui prouverait le bien-fondé de la plainte. «La période entre septembre et décembre 2021 peut paraître courte, mais elle est très longue quand on la vit», insiste-t-il.

Contacté, Philippe Poutou (NPA), Évelyne Cervantes Descubes (Bordeaux en Luttes) et Nordine Raymond (LFI), ont expliqué réserver leurs déclarations sur le fond de l’affaire à la justice si elle ouvre une enquête. «On peut juste dire que c’est nous qui avions rompu avec elle en septembre 2021, ne voulant ni travailler ni avoir de rapport quelconque avec elle. La suite des événements a montré que nous avions fait le bon choix», précise seulement Philippe Poutou.