Inutile de compter retrouver l’état de grâce du film Thérèse d’Alain Cavalier avec Teresa. L’anti-biopic de la belgo-macédonienne Teona Strugar Mitevska n’emprunte certes pas ce chemin-là pour brosser le portrait des jeunes années de la future sainte de Calcutta. Projeté cette année à l’ouverture de la Mostra de Venise, ce long-métrage tapageur se voulant « un portrait de la femme derrière l’icône » n’a pas eu l’heur de susciter une saine concorde auprès des critiques présents lors de la projection. Plutôt le contraire même. On comprend pourquoi alors qu’il sort sur les écrans français.
Des riffs de guitare hard rock à chaque apparition, un visage tranchant comme une lame, un regard noir comme des billes d’acier, un port inflexible telle est la première vision que le spectateur aura de la future mère Teresa en découvrant une nonne rageuse, engoncée dans sa tenue surmontée de sa cornette religieuse.
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Passer la publicitéCarriériste, directive, fanatique
Le film débute à Calcutta, en 1948. Mère Teresa attend la réponse du pape l’autorisant à quitter le couvent des sœurs de Lorette pour fonder sa propre congrégation : l’Ordre des Missionnaires de la Charité. Il nous est ainsi donné de vivre les sept derniers jours d’angoisse de Teresa, avant de recevoir ledit courrier papal. En tant que mère supérieure, Teresa règne d’une main de fer dans un gant de crin sur une communauté de religieuses. Pas encore nobélisée, ni béatifiée, la Teresa que l’on découvre s’avère une affreuse bonne sœur.
Bouche continûment serrée, œil réprobateur, la donzelle au caractère bien trempé ne s’en laisse pas conter. Carriériste, directive, obsédée par le moindre sou, fanatique voire fondamentaliste, cette Teresa incarnée avec la plus parfaite antipathie par une Noomi Rapace affûtée comme une lame, mène son petit monde à la baguette. Nulle sororité n’est à attendre d’elle si l’on s’avise de mettre un pied hors de l’étroit chemin de la règle du couvent.
Diffus malaise
Dans ce lieu aussi sacré que spartiate, Teresa est étrangement adulée par les petites écolières du couvent. Ce qui paraît pour le moins très improbable. Avant d’abandonner cette communauté pour voler de ses propres ailes, Teresa doit d’abord désigner celle qui lui succédera. Il pourrait s’agir de Sœur Agnieszka (Sylvia Hoeks), avec laquelle elle entretient une certaine complicité.
Lorsque cette dernière lui avoue en confession qu’elle est enceinte et qu’elle veut avorter, son attitude change radicalement... La réalisatrice n’épargne rien aux spectateurs des dilemmes intimes de l’héroïne, à quelques passages scabreux dignes d’un film d’horreur italien des années 70.
Ce vrai-faux portrait en forme d’« origin story » se voudrait transgressif. On n’y trouve que des effets de lévitation clinquants et des moments cauchemardesques d’un onirisme discutable. Dans le fond, ce film ne met en avant que l’obstination et l’ambition de son personnage principal, loin, très loin de l’amour du prochain prôné par la vraie mère Teresa. De là sans doute, ce diffus malaise qui plane durant tout le visionnage de ce long-métrage ténébreux et faussement subversif.