L’actualité vient d’être marquée par l’affaire Jaminet, dans laquelle le Stade Toulousain a reconnu avoir enfreint le salary cap (plafonnement de la masse salariale des clubs, fixé à 10,7 M€ par an) lors du transfert de l’arrière international de Perpignan vers Toulouse en 2022. Ce mercredi, la Ligue nationale de rugby vient de publier, pour la troisième fois, son rapport annuel sur le salary cap, réalisé avec l’appui du cabinet d’audit Nexia S&A. Ce dernier dresse un panorama détaillé des contrôles menés sur les deux dernières saisons (2023-2024 et 2024-2025), avec la volonté de renforcer la transparence, l’équité sportive et la solidité financière des écuries de Top 14 et de Pro D2. Un dispositif qui, même s’il fait parfois grincer quelques dents, est désormais totalement intégré dans l’écosystème du rugby pro.
Selon ce rapport, aucun club du Top 14 n’a dépassé, pour la saison 2023-2024, son plafond global, fixé à 10,7 millions d’euros hors crédits, soit environ 11,5 millions en moyenne après intégration de différents mécanismes correctifs (internationaux à XV, rugby à 7, mécanismes de sauvegarde). Les contrôles ont toutefois conduit à 634.000 euros d’ajustements comptables et à 195.000 euros de réévaluations décidées par le «salary cap manager», sans que cela ait une incidence sur le respect final des plafonds. Les «crédits internationaux» - qui ont récemment fait débat concernant le Stade Toulousain - concernaient 12 clubs en 2023-2024 contre 13 clubs en 2022-2023, ils s’élèvent au total à 11,2 M€ dont 7,2 M€ concentrés sur 5 clubs (soit près de 64%).
Passer la publicitéDix clubs se situent au-dessus de 95 % de leur plafond en 2024-2025, contre sept deux ans plus tôt
Du fait de la croissance économique des clubs du Top 14, le salary cap pourrait apparaître comme étant de plus en plus contraignant. Si le plafond global cumulé du Top 14 est resté stable autour de 161 millions d’euros depuis 2022-2023, les rémunérations totales poursuivent leur progression. L’écart entre masse salariale déclarée et plafond s’est ainsi fortement réduit en cinq ans, les clubs se rapprochant de plus en plus de la limite réglementaire sur leur masse salariale. Dix clubs se situent désormais au-dessus de 95 % de leur plafond en 2024-2025, alors qu’il n’y en avait que sept deux ans plus tôt. Un seul club consomme moins de 70% de son plafond, alors qu’il y en avait 3 en 2022-2023.
Ce rapport confirme, par ailleurs, une stabilité structurelle dans la composition des effectifs des clubs. En effet, les clubs comptent en moyenne 55 joueurs à temps plein, dont près d’un tiers sous contrat espoir. Les effectifs ont augmenté d’environ 6 % sur cinq ans, sans hausse notable du temps de jeu individuel. Le recours aux prêts, en revanche, progresse nettement (passant de 41 en 2020-2021 à 64 en 2024-2025), devenant un outil de gestion salariale pour les clubs les plus proches du plafond.
Côté rémunérations, le rapport sur le salary cap montre une meilleure redistribution. Le salaire moyen normalisé sur douze mois atteint 194.000 euros en 2024-2025, en légère hausse sur cinq ans. Les écarts se resserrent toutefois : les 10 % des joueurs les mieux payés voient leur rémunération plafonner, tandis que les bas salaires progressent. L’analyse des rémunérations par poste, sur une période élargie (depuis 2018-2019), confirme une hiérarchie salariale relativement stable au sein du Top 14, malgré des variations annuelles liées à la présence ponctuelle de joueurs «stars».
Le poste de demi d’ouverture demeure le mieux rémunéré, avec des salaires moyens compris entre 270.000 et 300.000 euros. Les deuxièmes-lignes ainsi que les troisièmes-lignes centre affichent également les salaires les plus importants, autour de 250.000 à 270.000 euros. À l’autre bout du spectre, les postes du triangle arrière, les ailiers et les arrières, affichent des niveaux de rémunération moindres, estimés entre 190.000 à 200.000 euros.
Enfin, le rapport de la LNR évoque les enjeux à venir sur la question du salary cap. La baisse des rémunérations liées aux droits à l’image et aux parties associées aux clubs a récemment été soulevée par Antoine Dupont. «Les règles du salary cap nous empêchent d’utiliser notre image individuelle à travers des contrats de pub classiques», avait déploré le demi de mêlée star du rugby français, en octobre dernier. Est en effet inclus dans le salary cap toute forme d’exploitation de l’image du joueur, par exemple lors d’un contrat publicitaire avec une entreprise déjà partenaire de son club. La LNR indique toutefois que les droits à l’image (rémunérations «partie associée au club» et redevances) ont diminué de 1,5 M€ lors de la saison 2022-2023, après plusieurs années de hausse. «Le solde des rémunérations "redevances et PAC" est stable autour de 6,6 M€ entre 2023-2024 et 2024-2025», est-il précisé.
Passer la publicitéLes clubs convergent progressivement vers le plafond réglementaire, les écarts de rémunération se resserrent, et la masse salariale globale poursuit sa croissance maîtrisée
Emmanuel Eschalier, directeur général de la LNR
La LNR a engagé à l’automne 2025 une réflexion sur une réforme du salary cap, pour des ajustements prévus début 2026, afin de répondre aux nouveaux enjeux du rugby professionnel en France. Toujours, dans l’esprit de rendre ce sport plus équilibré, durable et attractif pour l’ensemble des acteurs. La Ligue donne, dans son rapport, un exemple concret : «Quand le club à domicile a une masse salariale inférieure de 3 M€ à celle du club visiteur, il a 50 % de chances de gagner.» À l’inverse, «quand le club à domicile a une masse salariale supérieure de 3 M€ à celle du club visiteur, il a près 90 % de chances de gagner».
Emmanuel Eschalier, directeur général de la LNR, se félicite que ce rapport «confirme que le salary cap remplit pleinement sa fonction de régulation. Il met en évidence une dynamique vertueuse : les clubs convergent progressivement vers le plafond réglementaire, les écarts de rémunération se resserrent, et la masse salariale globale poursuit sa croissance maîtrisée.» Ajoutant que cette mesure instaurée en 2010 «est le socle de l’équilibre sportif et économique du Top 14», constituant «un levier structurant de pilotage, de transparence et d’efficience collective. Il éclaire les décisions des clubs, permet une lecture partagée des dynamiques salariales, et contribue à faire émerger un marché plus lisible et équilibré. Il témoigne enfin de l’engagement collectif des clubs à faire vivre un modèle performant et responsable, au service de la croissance continue et durable des revenus du rugby professionnel».